cancer du sein grossesse
Une vie tranquille jusqu’au jour où une annonce, un cancer, vient tout bouleverser. © Getty Images

“J’ai eu un bébé après un cancer du sein”

À 32 ans, Déborah se découvre un cancer du sein particulièrement agressif. Les traitements sont lourds et longs. Et si elle les interrompait le temps d’une grossesse? Le pari est peut-être risqué, mais l’envie de donner la vie va l’emporter.

Une vie tranquille jusqu’au jour où l’annonce d’un cancer vient tout bouleverser. Chaque décision est alors un choix engageant pour le futur. Mais Déborah et Nico ont surmonté leurs incertitudes pour foncer et concrétiser l’un de leur projet: avoir un enfant. “Je suis maman et c’est la chose la plus magnifique qui me soit jamais arrivée! Je profite de ce bonheur au quotidien…”, nous confie Déborah. Sa petite Emma est arrivée après un cancer du sein. “J’avais 32 ans, je pensais avoir la vie devant moi. J’étais en couple avec Nico depuis les études, on s’était dit qu’on fonderait une famille, qu’on aurait deux enfants. Mais on était jeunes, on avait bien le temps, on voulait d’abord s’installer, voyager, s’amuser”. Sauf qu’un jour, Déborah se rend compte que quelque chose “cloche” à son sein gauche.

L’annonce du cancer

La jeune femme décide de réaliser des examens. Et le diagnostic tombe: c’est un cancer. “Cancer du sein. Quand la gynéco prononce ces trois mots, j’ai la sensation physique que mon horizon se réduit. C’est un coup de massue! La tumeur est tellement importante qu’elle est inopérable dans l’immédiat. Il faut commencer par une chimio pour tenter de la réduire. Je suis effondrée et Nico aussi”.

Le diagnostic est grave et je n’ai qu’une idée en tête: sauver ma peau

Avant d’entamer les traitements, les médecins expliquent au couple que ces derniers pourraient avoir un impact sur la fertilité de Déborah. “C’est vrai que nous avions toujours imaginé avoir des enfants, mais à ce moment-là, croyez-moi, on ne pense pas à ça! Le diagnostic est grave et je n’ai qu’une seule idée en tête: sauver ma peau. Mon échelle du temps s’est modifiée, je ne suis plus capable de me projeter dans le futur, je suis juste dans l’instant présent. Quand est-ce que je peux entamer la chimio? Et d’abord: quelle est mon espérance de vie?”.

Sur ce point, les médecins ne veulent pas se prononcer. Ils esquivent en disant qu’il ne s’agit que de statistiques, qu’un cas n’est pas l’autre… “Mais je les harcèle. De guerre lasse, l’un d’eux me donne l’adresse d’un site médical où je trouverai la réponse à ma question. J’encode toutes mes données, le résultat s’affiche à l’écran: mon espérance de vie est de sept ans. J’ai 32 ans et à 39 ans, ce sera fini”.

L’opération de la délivrance

Par chance, l’organisme de la future maman répond bien à la chimiothérapie et l’ablation du sein peut être envisagée. “Je vis cette opération comme une délivrance. Puis, je reprends les traitements: chimio, radiothérapie et hormonothérapie. Comme je suis atteinte d’un cancer hormonodépendant (ici, les hormones jouent un rôle dans la prolifération des cellules cancéreuses, ndlr), je dois prendre un traitement qui met mon corps en ménopause afin de diminuer le risque de récidive. Pendant ce temps-là, évidemment, je ne peux pas tomber enceinte. Le traitement est prévu pour cinq ans, mais mon médecin m’explique que je peux l’interrompre si j’envisage une grossesse…”.

Interrompre le traitement?

“Interrompre l’hormonothérapie? Les premières années, c’est impensable pour moi. Je suis hantée par la peur des métastases, je demande des examens tout le temps, je ne pense qu’à ma survie. Puis, peu à peu, je reprends confiance. J’apprends qu’une connaissance vient d’avoir une petite fille après avoir interrompu son hormonothérapie pendant un temps. Je me renseigne. Je lis sur Internet qu’en Allemagne, on interdit aux femmes dans mon cas d’interrompre leur traitement. C’est trop risqué. J’en parle à mon oncologue, cette dernière tempère”.

J’ai 32 ans et je me dis qu’à 39 ans, ce sera fini…

Déborah décide de parler du sujet avec son mari qui lui rétorque sans cesse: “Le plus important, c’est toi”. Nico est inquiet, bien sûr, mais il souhaite plus que tout reprendre leur vie d’avant qui s’est arrêtée net. Déborah aussi. Elle détaille: “Faire un bébé, c’était le plus beau des projets d’avenir. Alors, au bout de trois ans, je décide d’arrêter l’hormonothérapie et de laisser faire la nature. Vu mon âge, j’ai 30% de chances de tomber enceinte, mais les statistiques, on s’en fiche!”, m’a-t-on déjà dit.

Se laisser vivre

Deux mois plus tard, la trentenaire n’a pas ses règles… “Nous allons avoir un bébé! C’est trop beau! Nico n’y croit tellement pas que je dois faire trois tests de grossesse dans la semaine pour qu’il réalise. Je parle très vite de ma grossesse à la famille et aux amis. J’ai un sentiment de culpabilité d’avoir plongé mes proches dans la tristesse et l’inquiétude en étant malade, je suis donc pressée de leur apporter une bonne nouvelle”.

Les proches sont au courant que Déborah a arrêté son traitement et sont d’ailleurs inquiets pour elle, mais jamais, ils ne l’ont montré. Au contraire, ils ont été d’un soutien indéfectible, même quand Déborah avait des doutes. “Ils répétaient: ‘Vas-y, lance-toi, ce sera fantastique!’. Pendant ma grossesse, je suis bien entourée, j’ai l’impression d’être la plus choyée des femmes enceintes. Je décide aussi de me chouchouter, je fais le choix de travailler moins, je mange des glaces dans mon bain, je profite à 1000%. J’essaie de ne pas penser au traitement interrompu, au risque de rechute… Je ne veux penser qu’à mon bébé”. Une petite Emma qui naîtra à terme et en pleine santé.

Savourer le moment présent

“Je choisis de ne pas allaiter ma fille. Avec un seul sein, c’est un peu compliqué, mais surtout, je n’ai aucune envie de mettre mon sein entre mon bébé et moi. Je perçois toujours mes seins comme une source de danger. J’ai tourné pas mal de pages au fil des ans, mais il m’arrive encore d’avoir des angoisses. Je me demande parfois si je verrai grandir Emma… J’ai passé le cap des 39 ans, mais je sais que mon espérance de vie est plus courte que celle d’une autre femme. Je ne suis pas guérie, je suis juste en rémission. Il y a de gros risques que le cancer réapparaisse. J’ai donc demandé à pouvoir reprendre l’hormonothérapie. Mon oncologue ne savait pas trop si c’était indispensable”. Les avis divergent en effet sur le sujet. La spécialiste qui suit Déborah demande l’opinion de deux confrères étrangers. “L’un a répondu qu’il me remettrait sous traitement pendant cinq ans, l’autre pendant dix. Mais dans cinq ou dix ans, je n’aurai définitivement plus l’âge d’être maman! Si je veux donner un petit frère ou une petite sœur à Emma, c’est donc maintenant, avant de recommencer l’hormonothérapie”.

Un choix compliqué pour lequel la jeune maman n’arrive pas à se décider. Se projeter est en effet toujours difficile. “Même si, depuis la naissance de ma fille, j’ai dépassé le stade de la survie pour être de nouveau dans la vie, j’ignore de quoi sera fait demain, alors je savoure simplement le moment présent”.

Risquer sa vie pour la donner?

Peut-on avoir un bébé sans prendre de risques après un cancer du sein? Cela reste une question pour les médecins. Comme Déborah, la majorité des jeunes femmes atteintes d’un cancer du sein souffrent d’une forme hormonodépendante de la maladie, c’est-à-dire que les cellules cancéreuses se nourrissent de leurs propres œstrogènes. Pour éviter une récidive, les femmes concernées doivent suivre un traitement hormonal qui bloque la production d’œstrogènes. Il en résulte une ménopause artificielle qui rend impossible toute grossesse. Les hormonothérapies sont souvent prescrites pour une durée minimale de cinq ans. Les femmes voient donc filer les années et la chance de devenir mère. À moins que, comme Déborah, elles interrompent leur traitement… Mais avec quels risques? À ce stade, les scientifiques n’en savent rien.

Texte: Christine Masuy

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