expatriés
Ils sont revenus auprès de leurs proches mais rêvent parfois d'ailleurs. © Toa Heftiba/Unsplash

Témoignages: ils sont partis vivre à l’étranger, et revenus

Valérie, Aline et Jean-Luc nous racontent leur départ pour l’étranger, leur rêve, leur quotidien bien différent de la Belgique. Ce qui les a poussés à partir, mais aussi ce qui a entraîné leur retour.

En France, au Burundi ou sur une île paradisiaque, trois familles avaient décidé de s’installer à l’étranger. L’isolement, les études des enfants ou un événement grave les ont ramenés au bercail. Avec soulagement, mais aussi des regrets. Une chose est sûre: ils gardent ce rêve de dépaysement dans un coin de la tête.

Valérie: revenir pour la famille?

Valérie Lieko est neuropédiatre et romancière d’origine belgo-congolaise. Depuis toujours, elle rêve de voyager. C’est tout naturellement que, dans le cadre de ses stages de spécialisation en pédiatrie, elle se rend en Côte d’Ivoire, en Afrique du Sud et au Congo (RDC). Ces expériences lui ont davantage donné envie de s’expatrier. À cette époque, elle rencontre son futur mari, Laurent, médecin urgentiste atteint de bougeotte chronique.

Valérie garde un souvenir fort de ses expériences africaines. Fort, mais dur aussi. À Kinshasa, elle voit des enfants mourir d’une “simple” diarrhée parce que leurs parents n’ont pas de quoi payer une perfusion…

Ce qui me manque, c’est de pouvoir nager tout au long de l’année…

Un bébé et un départ en Martinique

Sur les conseils d’un ami, Valérie et Laurent s’installent avec leur premier bébé sur l’île de la Martinique, qu’ils voient comme un bon compromis: un climat tropical et la chaleur de vivre “à l’Africaine” mais avec des installations hospitalières aux standards européens. Quelques années plus tard, ils s’installent durablement sur une autre île des Antilles, Saint-Martin. Entre-temps, ils ont trois enfants.

Saint-Martin est un minuscule morceau de terre qu’on a en prime réussi à couper en deux: une moitié est française, l’autre néerlandaise. “Mais on y vit plutôt à l’Américaine et on y parle surtout anglais et espagnol, sourit Valérie. L’hôpital nous plaisait, à taille humaine. C’est une île très vivante, très mouvementée… Il y fait chaud toute l’année, l’eau, d’un turquoise très particulier, est toujours à plus de 26 degrés. On passe sa vie dehors, sur la plage, dans les restos-bars”. C’est là que Valérie écrit son premier roman. Depuis, elle en a signé plusieurs, dont le dernier, Mercure rouge, se déroule à Scy, le village de son enfance dans le Condroz.

Irma ne dévaste pas tout

Quand l’ouragan Irma dévaste Saint-Martin en 2017, la famille craint pour sa vie. Après le désastre, Valérie et Laurent hésitent à rentrer en Belgique. “Mais notre appartement était indemne, l’hôpital est resté ouvert et l’école des enfants aussi. En plus, nous n’avions pas envie d’être ‘ceux qui quittent le navire’ alors qu’il fallait tout reconstruire. C’est sans doute notre côté ‘médecins’. Donc nous sommes restés”.

Et puis, les enfants ont grandi

En septembre 2021, leur fils aîné doit rentrer en Belgique pour suivre des études. Son frère, adolescent, souhaite le suivre et élargir son cercle d’amis, forcément limité sur une île de 52 km2. C’était encore le Covid et nous avions peur qu’ils se retrouvent livrés à eux-mêmes avec les cours à distance, etc. Je suis rentrée avec eux et leur petite sœur. De plus, la santé de mes parents et beaux-parents commençant à décliner, nous avions envie que l’un de nous deux soit présent pour eux”. Laurent est resté à Saint-Martin et devrait revenir travailler en Belgique en juin 2023.

Adaptation difficile

Le premier hiver est difficile. À Saint-Martin, tout se fait dehors, dans les restos de plage… “Les soirées entre copains, c’est spontané et léger. Ici, les gens sont très occupés, la vie est plus stressante. Quand on veut voir des amis, il faut le prévoir longtemps à l’avance. Mais cela fait du bien de replonger dans un passé en commun, et d’être proche de sa famille…”. Valérie continue à écrire, elle planche sur une série télé mettant en scène des jeunes sur l’île de Saint-Martin. “Ce qui me manque, c’est de marcher sur la plage et de pouvoir nager tout au long de l’année. Nous resterons ici au moins jusqu’à la fin des secondaires de notre fille, dans trois ans. Après, peut-être ferons-nous comme une amie retraitée qui a gardé une maison aux Antilles et passe les hivers là-bas”.

Aline: le retour n’est pas un échec

Aline est kinésithérapeute, elle a 36 ans et est revenue de Drôme avec son mari Sébastien, bio-ingénieur, pour retrouver un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie de famille. Tous deux grands sportifs et amoureux de la montagne, ils quittent la Belgique en 2013 pour s’installer à Grenoble avant d’acheter une jolie maison à rénover en altitude. C’est là que naît leur fille aînée. “Entre nos amis belges, des copains installés en Ardèche et des gens du cru, on avait un chouette réseau. En France, on n’a pas peur de faire trois heures de route pour rendre visite à des amis”.

Quand on vit à l’étranger, on voit ses amis moins souvent, mais on les voit mieux

Loin des villes

Un endroit superbe, l’air frais et pur, les saisons plus prononcées, cette vie à la montagne leur plaît. Pourtant, Aline et Sébastien se sentent un peu trop loin des villes. Ils décident de louer une maison pour continuer à profiter de la montagne tout en se rapprochant de la ville et d’une gare TGV. Pour son travail, Sébastien est absent la moitié de la semaine. Alors, quand Aline tombe enceinte de leur deuxième enfant, c’est le déclic: “Il n’y avait pas de possibilité d’emploi dans la région qui permette à Sébastien d’être présent au quotidien, ce qui était notre projet. Nous voulions aussi que nos enfants grandissent entourés de leur famille et notamment de leurs grands-parents”.

Sortir de sa zone de confort

“On ne voit pas ce retour comme un échec. Nous sommes heureux d’avoir quitté notre zone de confort grâce à cette expérience de vie à l’étranger. On a appris plein de choses, cela nous a donné une ouverture d’esprit et une capacité d’adaptation. Et puis, ce contact avec la nature a encore renforcé notre intérêt pour les modes de vie plus respectueux. On s’est aussi rendu compte que quand on est à l’étranger, on voit moins nos amis, mais on les voit mieux. Ils restaient plusieurs jours, étaient en vacances chez nous, détendus… On prenait le temps d’être ensemble”.

Un troisième enfant vient de compléter la famille et le couple s’est à nouveau lancé dans une rénovation de maison. Dans la campagne namuroise, cette fois. “Là, on se pose un peu… Mais la montagne nous manque. On y retourne régulièrement. D’ailleurs nos aînés réclament de retourner y vivre. Si, un jour, on repart vivre en France ou en Suisse, on essayera sans doute de se rapprocher d’un centre urbain (pour l’école, l’emploi, les transports)”.

Jean-Luc: rien à leur apprendre

Jean-Luc Pening a 62 ans, il a passé toute sa jeunesse et ses études à Bruxelles pour devenir ingénieur agronome. Cette voie, il l’a choisie parce qu’il aimait être dehors, sur le terrain. En 1984, il a 24 ans, on lui propose un poste au Rwanda pour le compte de la FAO (Organisation des Nations-unies pour l’Agriculture et l’Alimentation). Là-bas, il découvre un pays splendide: les paysages, le climat… Il sillonne le Pays des mille Collines à moto. “J’adorais travailler avec les paysans, explique-t-il. C’est leur terre, ce sont eux les experts, je n’avais rien à leur apprendre”.

Le bonheur est complet lorsqu’il rencontre Antoinette, métisse rwandaise qui deviendra sa femme: “Je suis arrivé en 1984, célibataire. Quand j’ai quitté le Rwanda pour la Somalie en 1988 (une nouvelle mission pour la FAO), j’étais marié avec trois enfants”.

La guerre éclate, direction le Burundi

Après un retour en Belgique précipité par la guerre civile en Somalie, c’est finalement au Burundi qu’ils posent leurs bagages. Jean-Luc y lance une société d’exportation de plantes ornementales à destination des Pays-Bas. Nous sommes en 1992. “J’étais très fier de contribuer de cette façon à l’économie du pays, je travaillais avec vingt paysans locaux dont les enfants avaient ainsi accès à l’école. Pour moi, c’est ça participer au développement, et pas venir avec des gros 4X4 pour des projets conçus et financés par des bailleurs du Nord qui ne répondent pas aux réels besoins locaux”. 

Un militaire descend, lui pose un revolver sur la tempe et tire…

Malheureusement, le bonheur ne dure pas: en 1993, un coup d’état plonge le Burundi dans une guerre civile qui durera 16 ans. En 1995, un jour où il sort de sa plantation en voiture, Jean-Luc est dépassé par un camion militaire qui le pousse dans le fossé. Un militaire descend, lui pose un revolver sur la tempe et tire. Miraculeusement, Jean-Luc survit. Huit opérations plus tard, son visage est reconstruit, mais il a perdu la vue… et tout souvenir de l’attaque. Le retour forcé en Belgique pour sa convalescence est très pénible pour toute la famille. Ils décident donc, deux ans après et malgré le chaos politique, de repartir au Burundi où les paysans ont maintenu en activité la plantation.

Jean-Luc est heureux de retrouver sa liberté de travail, même si sa vie est transformée par des handicaps qu’il doit apprivoiser. Sur place, Antoinette et Jean-Luc relancent une nouvelle vie et de nouveaux projets comme la création de l’ONG Menya Media spécialisée dans le développement par la culture, la construction d’une école secondaire pour enfants déficients visuels et même l’écriture du scénario du film Na wewe tourné sur place et nominé aux Oscars.

Un retour et une reconversion plus tard

En 2003, Antoinette et Jean-Luc envoient leurs deux aînés poursuivre leurs études supérieures en Belgique. Ils les rejoignent pour les vacances et découvrent que leurs enfants ne s’en sortent pas sans eux. En quelques heures, leur décision est prise: ils resteront ici. Et les voilà qui se relancent dans de nouvelles activités comme le coaching et la création de l’association Métis du Monde, avec un pied là-bas. “Ce que j’aime au Burundi, c’est qu’il suffit d’une petite impulsion pour créer de grands projets. S’il ne fallait faire qu’une seule chose, c’est d’aider les enfants à aller à l’école. C’est eux qui feront l’Afrique!”. En tant que coach et mentor, Jean-Luc est convaincu que c’est en partant de l’individu que l’ont peut changer le monde. 

On repart?

Aujourd’hui, même si le couple est installé en Belgique, une partie de leur cœur reste burundaise. D’ailleurs, leurs quatre enfants se sentent plus Africains que Belges et les deux aînés vivent à Oman et en Ouganda. “Pour nos vieux jours, nous envisageons d’y retourner. Avoir une aide à domicile, chez soi, avec un climat délicieux, ça coûterait paradoxalement beaucoup moins cher que d’être enfermé en maison de repos ici”.

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