Ne plus souffrir du dos, c’est possible. À condition d’effectuer les bons choix et d’éviter certains pièges. Jean-Luc André, kiné et lui-même concerné, nous livre ses secrets pour s’en sortir.

Découvrez tous les secrets de Jean-Luc André dans votre Femmes d’Aujourd’hui du 21 février 2019. En attendant, il répond à quelques questions pour vous!

Un kiné qui souffre de soucis de dos, ce n’est pas banal!

C’est vrai! Pourtant cela touche les kinés aussi, simplement c’est tabou d’en parler. En tout cas, cela m’a permis de faire le tour du problème en profondeur! Comme j’ai été déçu par l’approche classique, j’ai décidé de voyager pour voir ce qui marchait aux États-Unis, au Brésil, en République Tchèque pour finir par mettre au point ma propre méthode.

Qu’est-ce qui coinçait?

Par exemple, les gens choisissent de se faire “croquer”, c’est une solution rapide et qui soulage mais qui ne règle pas les causes du problème. Autre exemple: on conseille souvent de garder le dos droit lorsqu’on se baisse. Or, physiologiquement, c’est compliqué car notre colonne est faite pour la flexion, sans compter qu’à certains moments, il faut bien fléchir le dos, ne fut-ce que pour rentrer dans sa voiture! Du coup, les patients s’inquiètent, se tendent et tout ça peut renforcer les douleurs dorsales paradoxalement! Je prends un autre exemple: soulever des poids est souvent pointé du doigt, cependant si on conditionne progressivement le corps à l’augmentation de charge la musculation rend les vertèbres plus résilientes. Bien sûr, la modération est de règle mais, ce que je veux dire, c’est qu’à force de trop se ménager, on se fragilise. Dans la vie moderne, on est parfois forcé au milieu d’une période de sédentarité totale de faire un déménagement, porter son enfant dans un bras et un sac de course dans l’autre, se pencher en avant pour déposer un pack d’eau dans le coffre d’une voiture, pas surprenant qu’on se blesse!

C’est quoi la solution alors?

Il faut permettre au corps de bouger de manière souple, avoir une tension adaptée à l’effort que l’on fait. Aussi surprenant que cela puisse paraître, la cause principale du mal de dos est neuro-musculaire, c’est-à-dire causée par des schémas moteurs déficients, comme si au volant de votre voiture vous accélériez et freinez en même temps. Si vous vous penchez rapidement pour ramasser un stylo au sol en ayant les lombaires trop tendues, c’est ce qui arrive. Dans mon livre, j’explique qu’il existe une superbe méthode (DNS, stabilisation neuro-musculaire-dynamique) basée sur les étapes de développement des nouveaux-nés. Si vous observez les nouveaux-nés, ils ont une posture absolument parfaite et quand ils veulent saisir quelque chose tout leur corps participe au mouvement. Pour nous, adultes nos mouvements sont souvent dissociés, saccadés. Cette méthode, la DNS, permet de reprogrammer les schémas corporels. Ce sont des mouvements simples mais pas forcément faciles à réaliser. J’en donne quelques exemples dans mon livre et sur ma chaîne YouTube et ma page facebook KineForce. D’autres méthodes ont un effet remarquable pour briser la boucle de la douleur, la méthode Feldenkrais par exemple.

Concrètement, cela donne quoi?

• Il faut travailler les obliques: contrairement à ce qu’on croit, nos lombaires sont généralement trop toniques. On peut contrebalancer cet excès en musclant ses obliques, cela permettra aux lombaires de se relâcher.
• Ne pas oublier les muscles fessiers: ils sont rarement sollicités et anesthésiés par la station assise or ils sont très importants pour stabiliser la posture. Il faut apprendre à les étirer et les tonifier.
• Il faut assouplir les hanches, on n’a alors plus besoin de sur-solliciter la colonne ou la mobiliser dans des amplitudes pour lesquelles elle n’est pas faite.
• Quant au haut de la colonne, il est essentiel d’avoir une bonne extension des vertèbres thoraciques pour éviter une antéversion du bassin anormale.

Le running est à la mode mais fait débat lorsqu’on souffre de problème de dos?

Pour moi, à moins de souffrir d’un surpoids important, on peut parfaitement faire de la course à pied. Courir fait partie des mouvements primaires. Par contre, il est important de travailler sa posture et d’être bien alignée avant de se mettre à courir. Il faut aussi raccourcir la foulée et bien dérouler le pied pour minimiser la phase aérienne et atténuer l’impact des réceptions. Il est nécessaire d’étirer le psoas qui est un muscle qui, lorsqu’il est raccourci, tire les vertèbres vers l’avant. Et après la course, faire des mouvements de décompression (type posture du chien en yoga). Le running est aussi un excellent moyen de diagnostic: en fonction de l’endroit où on aura mal, on verra où sont les déséquilibres posturaux.

Par quels mécanismes le stress du quotidien intervient-il dans les problèmes de dos?

Il entraîne des contractions involontaires des muscles profonds paravertébraux. Or ceux-ci sont très difficiles à relâcher. Se faire masser aide mais comme ces muscles sont profonds, c’est compliqué de les atteindre. Pour diminuer les effets délétères du stress, il faut faire du cardio pour oxygéner les muscles, de la respiration diaphragmatique pour favoriser la relaxation, sans oublier de boire beaucoup d’eau pour hydrater les disques. Un conseil qui vaut pour tout le monde: s’échauffer chaque matin, en « lubrifiant » la colonne en flexion en rotation et en inclinaison pour réveiller en douceur les vertèbres (cercles de hanches, rotations souples du buste de droite à gauche…). Cela prend 10 minutes mais cela évite de se blesser durant la journée. Évitez aussi les efforts dans les deux heures qui suivent le réveil, c’est à ce moment que le dos est le plus vulnérable.

Quel message souhaitez-vous passer à ceux qui souffrent du dos?

Je voudrais dire aux patients « faites confiance dans votre dos! », ne croyez pas qu’il soit fragile et abîmé, les anomalies que vous voyez sur vos radios sont rarement la causes de vos douleurs, pas plus que vous ne sentez les rides sur votre visage. Il est vrai que les douleurs de dos sont atroces mais c’est surtout dû à la contraction réflexe des muscles qui se serrent comme un étau pour immobiliser les vertèbres en les protégeant par une attelle naturelle. Bougez d’avantage, plutôt en qualité qu’en quantité, restez moins assis, travaillez votre mobilité pour être moins raide. Se libérer définitivement du mal de dos n’est pas facile mais je suis convaincu que c’est possible pour 98% de la population à condition de s’en donner les moyens et d’être bien conseillé.

Propos recueillis par Anne Deflandre.

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