Faire l’amour, ça s’apprend? L’avis d’une sexologue

Les films, les médias et même les histoires pimentées des copines donnent parfois l’impression que le sexe, ça coule de source. Mais pour la sexologue et gynécologue Caroll Gilson, cela s’apprend, en faisant fi des diktats et des attentes de la société.

“La sexualité est partout, mais on en parle très mal. On donne beaucoup de mauvaises informations sur le sujet, qui appauvrissent notre sexualité, nous explique Caroll Gilson. Cette idée qu’il faut jouir, qu’il faut désirer, qu’il faut faire l’amour, ce n’est juste pas possible!” Son conseil: tout désapprendre pour réapprendre. Mais comment?

4 questions à la sexologue

“‘La sexualité est parfaitement naturelle, mais pas naturellement parfaite’, disait un ami sexologue”, nous confie la spécialiste. Qui poursuit: “Elle évolue, et on peut apprendre à bien faire l’amour toute sa vie. Il faut juste parvenir à se libérer des diktats de bonheur et d’épanouissement, et arrêter d’être dans le contrôle, de vouloir à tout prix être efficace et compétente.” Sans filtre, on lui a posé toutes nos questions.

Quelle serait la “bonne” manière de faire l’amour?

“C’est se concentrer sur la rencontre et non sur la dose d’excitation, les orgasmes… Qui a une sexualité parfaite? Personne. On est tous un peu sexuellement incompétents, il y a des ratés dans notre sexualité à tous. Je connais un professeur de slow sex qui dit: arrêtons de faire l’amour, mais laissons faire l’amour. Prendre le temps de la présence à l’autre, à soi, être dans son ressenti, dans la découverte, dans le partage des désirs, dans l’intimité où on est connectés à l’autre, laisser faire l’attachement… C’est magnifique et beaucoup plus extatique que ce que nous propose le porno et le reste.

Dans la lenteur et la rencontre, la pénétration est une ouverture, un accueil qui permet d’avoir des sensations merveilleuses. Quand on n’est que dans le défensif et la consommation, qu’on s’autorassure sur sa masculinité ou sa féminité, on n’est pas du tout en lien avec l’autre.

Est-ce qu’avec certains partenaires, ça ne marchera jamais?

Non, je ne pense pas. Par contre, si on n’arrive pas à communiquer et à se rencontrer intimement, ça n’ira pas. Mais une relation affective très forte où il y a peu de sexualité ou une sexualité non pénétrative n’est pas un problème. Il y a d’autres idées et d’autres façons de faire. Combien de femmes sont persuadées qu’on commence un rapport sexuel avec une fellation, qu’on finit avec une pénétration et qu’en plus il faut orgasmer simultanément. Alors que le champ des possibles est énorme. La sexualité, ce sont des portes qui doivent s’ouvrir. Qu’on arrête d’être concentrée sur l’objectif; que l’on déguste plutôt le chemin, qui est bien plus intéressant que l’arrivée.

Des conseils pour trouver cette créativité?

La littérature érotique peut aider, comme celle de l’éditeur La Musardine. Dans le porno plus moderne que l’on retrouve sur les plateformes, Erika Lust est moins trash, plus féministe.

Est-ce que la sexualité évolue avec l’âge?

Chacun a sa sexualité et celle d’aujourd’hui n’est pas celle de demain. Avec l’âge, on arrête de se regarder faire l’amour. Le lâcher-prise permet d’être plus libre, plus présente dans notre corps et dans nos sensations, parce que mieux ancrée dans notre vie et dans notre peau.

Ça s’apprend avec la maturité, avec un travail personnel, mais certainement pas sur Instagram ou dans les films pornos qui ne montrent pas la réalité, mettent la pression et nous font passer à côté de notre authentique sexualité. Avec l’âge, la sexualité change: elle devient moins intense, mais reste tout aussi belle.”

Texte: Caroline Corbiau

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