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"Je savais que le rein reçu ne serait pas éternel mais je n’y pensais pas…" © Ivan Samkov/Pexels

Témoignage: “Mon compagnon m’a donné son rein”

Nicole*, jeune trentenaire, souffre d’une maladie rénale rare. Greffée une première fois à l’adolescence, son état de santé s’est à nouveau dégradé. Son compagnon Adrien a alors pris une décision bouleversante: lui offrir un de ses reins.

Nicole est atteinte de la maladie des dépôts denses, une maladie qui ne touche que 2 à 3 personnes sur un million. Le système immunitaire attaque le corps en provoquant des lésions rénales. “Quand j’ai rencontré Adrien, se souvient Nicole, je ne savais pas comment lui dire que j’étais malade. Mais il m’a devancée: ma première greffe de rein apparaissait sur Facebook, il l’a vue et m’en a parlé, ajoutant que son père était mort suite à des problèmes rénaux. J’ai pensé: ‘Oh non, notre relation va lui rappeler tout ça et le stresser!’. Ça a été tout le contraire.”

Un début de relation serein

“Au début de ma relation avec Adrien, ma maladie n’a pas eu trop d’impact. J’avais reçu un nouveau rein à l’âge de 14 ans et il fonctionnait bien; la maladie était présente, mais inactive. J’étais vite fatiguée, je devais subir des contrôles réguliers et prendre beaucoup de médicaments, mais Adrien et moi avons vécu quasi normalement. Je savais que le rein reçu ne serait pas éternel mais je n’y pensais pas…”

La pire solitude de ma vie

Nicole et Adrien ont acheté un chalet et adopté un chat. La vie a suivi son cours. Nicole raconte: “En 2021, j’ai arrêté de prendre la pilule parce que je voulais connaître mon corps sans hormones. C’est là que ma santé a commencé à se dégrader. J’avais des douleurs abdominales très fortes. Des examens ont montré une endométriose. Même si les médecins ne l’envisageaient pas, cette affection gynécologique avait selon moi réveillé ma maladie rénale. On a fait une biopsie de mon rein: mon ancienne maladie était bel et bien revenue, et le rein était en si mauvais état que toute médication était inutile. ‘Nous allons devoir procéder à une nouvelle transplantation’, tel a été le verdict.

On attendrait quelques semaines pour que mon rein lâche définitivement, puis ce serait la dialyse et l’attente d’un nouveau rein. Je me sentais brisée. Lors de ma première transplantation, le chirurgien m’avait pourtant prévenue: ‘Ce rein ne durera pas toute votre vie’. Treize ans avec un rein de donneur, c’est déjà bien. N’empêche, j’avais espéré plus de répit. J’ai vécu la pire solitude de ma vie. J’étais à l’hôpital, positive au Covid qui plus est, je ne pouvais voir personne. J’ai pleuré pendant des heures avec Adrien pour seul contact extérieur, par Facetime. Il avait pris congé pour rester avec moi, virtuellement du moins. Mais les vrais câlins me manquaient.

Questionner le destin

Nicole parle aussi du processus de deuil à traverser quand on apprend qu’on est atteinte d’une maladie chronique. “La tristesse est venue directement après l’annonce de la nouvelle transplantation. Puis a surgi le besoin de questionner le destin. Et si je n’avais pas arrêté la pilule? Et s’il n’y avait pas eu le covid? Parfois aussi, je me sentais rebelle, en colère, frustrée. Pourquoi moi, pourquoi cette maladie? Heureusement, Adrien était là.

Nous n’étions pas peu fiers: en amour comme en typage tissulaire, nous étions parfaitement compatibles!

Dès le début de notre relation, il m’avait dit: ‘S’il le faut, je te donnerai un rein’. Mais ce n’est pas parce qu’on veut qu’on peut. Tout doit être parfait en termes de groupe sanguin et de typage tissulaire (une sorte de test sanguin approfondi). Dans mon cas, ce n’était pas sûr qu’un don d’un donneur vivant – l’organe a alors une espérance de vie plus longue que dans le cas d’un donneur décédé – serait autorisé. J’ai une maladie qui peut toujours repointer le bout de son nez. Et si je retombais malade un an après la transplantation? Adrien aurait perdu un rein presque pour rien. Les médecins m’ont rassurée. Il y avait de nouveaux traitements, de nouveaux protocoles. Ils ne voyaient pas d’objection à ce qu’Adrien me donne un rein, s’il était conscient des risques.”

Un match exceptionnel

“Pas un instant je n’ai hésité à donner un rein à Nicole, clame Adrien. Je l’aime et je vois à quel point c’est dur de vivre avec cette maladie. Et puis, j’ai pris soin de mon père pendant des années, ça a été très difficile, donc je savais que je pouvais faire face. J’ai suivi mon instinct et j’ai foncé. Bon, ça n’a pas été aussi simple…”

Nicole rit: “De fait! Adrien a dû passer des examens et un moment, on a cru qu’il ne pourrait pas faire de don à cause d’un peu de sang dans ses urines, mais après de nouveaux examens, il a été jugé apte. Car nous étions le match parfait! Nos groupes sanguins s’accordaient. Cinq groupes tissulaires ont été analysés. Plus le typage tissulaire correspond, plus les chances d’obtenir un bon résultat sont élevées. Adrien a obtenu un score de 5 sur 5. Nous n’étions pas peu fiers: en amour comme en typage tissulaire, nous étions parfaitement compatibles!

Nicole, à ce moment-là, avait déjà subi une dialyse rénale 3 fois par semaine, à raison de 4 heures chaque fois, pendant un an. Un processus éprouvant, y compris sur le plan physique, avec un régime strict et sans pratiquement rien boire. Et puis il y avait la charge mentale de la transplantation: “J’étais heureuse de recevoir un nouveau rein et que ce soit celui d’Adrien, et en même temps, je focalisais sur le risque, minime, que quelque chose se passe mal. Celui que j’aimais le plus au monde allait passer sous le bistouri. S’il y avait des complications, ce serait de ma faute.” Adrien précise: “Pour moi, c’était clair. Je n’avais peur ni des complications, ni des éventuels regrets. Je lui donnais mon rein sans condition, je n’avais besoin de rien en retour.”

Le jour J: la transplantation

Et puis le 13 octobre 2023 est arrivé, jour du don et de la transplantation. Nicole: “Normalement, le donneur et le receveur n’ont pas le droit de partager une chambre à l’hôpital, pour éviter tout phénomène de culpabilité ou de colère face à la douleur. Mais nous avons réussi à être dans la même chambre. Le jour de la transplantation, nous avons attendu ensemble, jusqu’à ce qu’ils viennent chercher Adrien vers 8h. Mon opération devait commencer quelques heures plus tard. J’étais bien plus inquiète pour lui que pour moi. Avant d’être endormie, j’ai demandé à l’anesthésiste: ‘Adrien va bien?’ Elle m’a rassurée. Quand j’ai été ramenée dans notre chambre, quelques heures plus tard, j’ai vu Adrien qui dormait. Je n’ai jamais été aussi heureuse de ma vie. Il semblait avoir bien supporté l’opération.”

La douleur a commencé. Ce n’était pas drôle, mais je savais pourquoi je l’avais fait.

Adrien: “Au début, je me sentais bien, Mais ensuite, j’ai eu des nausées à cause de la pompe épidurale antidouleur. J’ai demandé à ce qu’elle soit enlevée, et à ce moment-là, les nausées sont passées, mais la douleur a commencé. Ce n’était pas drôle, mais je savais pourquoi je le faisais: donner à Nicole une chance d’avoir une vie meilleure. Je pouvais mordre sur ma chique. De plus, nous avions le temps de récupérer: la convalescence prévue était de 10 semaines pour tous les 2.”

Nicole confirme: “Pendant les 3 ou 4 premières semaines, ça consistait en beaucoup de repos et de canapé. Ensuite, à quelques courtes balades jusqu’aux magasins. Maman était là pour nous aider et s’occuper du chat. Avec Adrien, nous étions la plupart du temps ensemble à l’intérieur, mais c’était très bien. On pourrait se retrouver sans problème tous les 2 sur une île déserte.”

Maintenant: les projets!

Aujourd’hui, tous 2 vont bien. Adrien: “Je me sens même mieux qu’avant le don. On peut vivre avec un seul rein, il suffit de boire assez d’eau et de modérer sa consommation d’alcool.” Nicole: “Je me sens bien aussi. Bien sûr, il y a des points noirs. Il n’est pas question pour nous de fonder une famille. Qui sait ce qu’une grossesse ferait à mon rein… Et je ne veux vraiment pas le perdre, parce qu’à partir d’une 3e greffe, les risques de rejet augmentent, et parce que c’est le rein d’Adrien. Notre avenir est déterminé par mon état de santé, mais j’essaie de me concentrer sur le positif.”

Adrien: “Nicole m’a appris à relativiser. Et à ne jamais abandonner.” “Et à continuer à rêver, poursuit Nicole. L’un de mes grands rêves est de créer plus de sensibilisation autour des maladies rénales. Nous aimerions aussi aller au Japon. Et nous marier! Mais à vrai dire, le fait de recevoir un rein de quelqu’un signifie beaucoup plus qu’un bout de papier. Dans tous les cas, nous sommes liés pour la vie.

*prénom d’emprunt

Texte: Tine Trappers

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