amitié relations toxiques
Comment aider un proche qui s'empêtre dans des relations toxiques? © Nicolas Delafraye/Pexels

“Ses relations toxiques détruisent notre amitié”

Par Tatiana Czerepaniak

Maïté et Roxane* sont amies depuis les secondaires. Si de forts sentiments les lient, Maïté souffre de voir Roxane s’engouffrer dans des relations malsaines, et de la ramasser à la petite cuillère.

Il est courant que les amitiés d’école ne perdurent pas, mais celle de Maïté et Roxane, 35 ans toutes les deux, a bien tenu le coup: “Nous nous sommes connues à l’école, on avait 15 ans, la même bande de potes et on partageait une passion commune pour l’équitation. Après quelques mois d’amitié, Roxane m’a proposé de tester les mouvements de jeunesse avec elle. J’ai rapidement accroché, et on a fait les 400 coups ensemble. Après les secondaires, nous avons pris des voies différentes, mais nos écoles étaient dans la même ville, nous avons donc continué de nous voir régulièrement. On a vécu nos premiers émois et nos premières déceptions ensemble. Elle est la marraine de mon fils, j’étais sa témoin de mariage. On peut donc dire qu’on est meilleures amies”.

Une amitié à sens unique?

En écoutant Maïté, on imagine cette relation comme idyllique… Il n’en est pourtant rien. Depuis de nombreuses années, Roxane s’empêtre en effet dans des relations affectives toxiques, qui l’impactent elle, mais aussi Maïté, qui passe son temps à la sortir de mauvaises passes. “On a toujours été là l’une pour l’autre; du moins, c’est ce que je me suis dit pendant de nombreuses années. Mais en réalité, si je fais le résumé de ces 20 ans, c’est surtout moi qui ai été là pour elle, pour la sortir de toutes ces situations amoureuses compliquées”.

Il y a d’abord eu son premier petit copain, vendeur de cannabis. Il forçait Roxane à cacher de la drogue dans son sac: “Il était déjà grillé dans l’école, et risquait le renvoi. Il s’est alors rabattu sur mon amie, la fille naïve par excellence, l’a séduite puis l’a contrainte à vendre pour lui. Mais un jour, le stratagème n’a plus marché: l’éducateur a eu vent que Maïté avait de l’herbe sur elle… Elle a été à deux doigts de se faire renvoyer. Je l’ai sauvée en témoignant en sa faveur. J’ai avancé qu’elle n’y était pour rien, et que son copain l’obligeait à garder – et vendre! – pour lui. Il a été renvoyé et j’ai tout fait pour qu’elle ne le revoie plus. Mon frère a même été le menacer pour qu’il arrête de contacter Roxane. Elle a été très mal pendant des mois”.

Des dettes à combler

Il y a ensuite eu Benoît, un mec plutôt louche que Roxane a rencontré alors qu’elle venait de décrocher son premier emploi: “Il lui faisait croire qu’il avait des dettes pour lui soutirer de l’argent… Elle a pris un deuxième emploi pour l’aider à surmonter ses soucis financiers dus, selon lui, à une ex crapuleuse qui lui avait tout pris. En réalité, il était toujours en couple avec ladite ex et profitait de l’argent reçu pour mener la grande vie. Roxane a même fait un prêt à tempérament pour lui. On a appris plus tard qu’il était parti en vacances avec l’argent.

Je l’ai aidée comme je pouvais en payant toutes les courses et le loyer…

Pendant des mois, j’ai dit à mon amie de se méfier, que je ne le sentais pas. Elle s’est tellement endettée pour lui qu’elle s’est faite expulser de son appartement et qu’elle est venue vivre chez moi. Elle a galéré pour remonter la pente, et je l’ai aidée en payant toutes les courses et le loyer pour deux pendant presque un an”.

Mensonges et violences

Quelques années après ces déboires et alors que Roxane a reconstruit sa vie, elle tombe follement amoureuse d’un militaire. Mais cet amour, comme les premiers, est malsain: “C’était son grand amour selon elle, sauf qu’en réalité, cet homme ne cessait de la tromper, de lui mentir et, surtout, de la maltraiter. On était sur de la violence psychologique, puis physique sur la fin. Quand elle m’a annoncé son mariage et m’a demandé d’être sa témoin, j’ai tout tenté pour l’en dissuader. Mais en vain. En tant qu’amie, je l’ai soutenue, mais je savais que ce mariage était voué à l’échec. On s’est d’ailleurs souvent disputées à ce sujet, et lui ne souhaitait qu’une chose: que je disparaisse de leur vie. Ce qui a clairement failli arriver.

Puis un jour, il s’en est pris à leur fils, qui avait un peu plus de 18 mois à l’époque. Et comme un déclic, pour la première fois, Roxane a eu la force de partir. Elle a bien sûr débarqué chez moi. Je l’ai hébergée et l’ai aidée à reconstruire sa vie. Je l’ai fait de bon cœur, en souhaitant aussi qu’elle comprenne ses erreurs et prenne enfin soin d’elle et de son fils”.

Une prise en main, enfin!

Pendant quelque temps, Maïté a cru que son amie en avait fini avec les relations malsaines. “Elle s’est prise en main, en allant voir un psy et en faisant le ménage dans ses relations. À ce moment-là, nous avons connu une relation amicale classique. Quand nous nous voyions, c’était pour passer du temps de qualité à deux, sans que je doive la réconforter ni la secourir. C’est comme si je retrouvais, moi aussi, un certain équilibre”.

Je la voyais épanouie et j’étais sincèrement heureuse pour elle, mais elle s’est éteinte à nouveau…

Amoureuse d’un homme marié

“Il y a quelques mois, Roxane m’a annoncé avoir rencontré quelqu’un sur Internet. Elle ne m’en disait que du bien: un homme prévenant qui lui donnait de l’affection, la traitait bien… Je la voyais épanouie et j’étais sincèrement heureuse pour elle, elle méritait ce bonheur! Mais au fur et à mesure, elle s’est éteinte à nouveau. Un jour, elle m’a avoué que celui qui la rendait si heureuse, était en réalité marié. Je lui ai juste dit qu’elle ne faisait rien de mal, mais le hic, c’est qu’elle n’était pas au courant de l’info au début de leur histoire. Elle l’a su plus tard, quand les sentiments s’étaient déjà installés”. La jeune femme se sent dès lors comme prise en otage…

La saturation

“Depuis, il ne fait que promettre qu’il va quitter sa femme car ça ne va plus entre eux, mais on connaît la chanson… Roxane est donc dans l’attente constante. Ce qui est horrible, c’est que j’ai le sentiment que mon amie est dépendante affective. De nouveau, je dois la ramasser à la petite cuillère… Mais là, je sature un peu. J’y croyais vraiment pour elle, et aussi pour moi. En toute franchise, et même si je pense sincèrement qu’elle ne se met pas dans ce genre de difficulté de manière consciente, j’ai de plus en plus de mal à assumer ce rôle d’épaule, de confidente et de sauveuse. Cela me pèse! Certes, Roxane est mon amie depuis toujours, mais c’est comme si c’était la fois de trop. Je ne sais plus quoi faire: m’éloigner, exploser ou me taire, de peur de ruiner cette amitié de 20 ans”.


Comment aider? Faut-il aider?

Julie Arcoulin, coach en développement personnel, spécialisée dans les relations toxiques et autrice d’ouvrages sur le sujet, nous éclaire sur le témoignage de Maïté: “Dans des cas comme celui-là, l’idéal est de garder le lien, en particulier pour éviter que la personne en proie à une relation toxique ne soit isolée et ne sombre davantage. Le problème, c’est que cela peut être difficile à porter et très énergivore”. Si vous vivez une situation similaire et qu’elle vous “bouffe”, Julie Arcoulin propose, pour préserver l’amitié, de…

  • Ne pas se torturer l’esprit: “On a tendance à se demander pourquoi notre proche se met dans ce genre de situation et essayer de comprendre ce qui se cache derrière tout ça: une blessure d’enfance, un problème non résolu… Mais en réalité, ce n’est pas notre travail de déceler ce qu’il y a derrière cette répétition. On peut juste accueillir, et peut-être proposer à l’autre de faire un travail sur lui avec un spécialiste”.
  • Éviter de communiquer frontalement: “On bannit les phrases du style ‘C’est un connard’, ‘Tu fais n’importe quoi’, et on privilégie les questions. Par exemple: ‘Est-ce que c’est le genre de relation que tu envisages pour toi?’, ‘Si une amie te confiait vivre ce genre de situation, que lui conseillerais-tu?’. Ces questionnements amènent le proche à réfléchir à sa propre situation, sans mettre à mal la relation. On peut, avec l’accord de l’autre, faire part de nos observations, sans jugement.
  • Sortir de la culpabilité: “C’est OK de ne pas avoir envie d’aider tout le temps et de laisser l’autre vivre ce qu’il a à vivre sans intervenir. Cela ne fait pas de vous une mauvaise personne, juste une personne qui s’écoute et pose ses limites”.
  • Se rappeler qu’on ne peut pas sauver les autres: “C’est à la personne de faire le travail de déconstruction, afin de ne plus tomber, à l’avenir, dans des relations peu saines pour elle”.
  • Demander à l’autre ses attentes nous concernant: “Au lieu de vouloir trouver des solutions, de tomber dans le syndrome du ‘sauveur’, demandez plutôt quels sont les besoins de votre proche. Doit-on être une oreille attentive? Une épaule sur qui pleurer? Cherche-t-il des solutions?”.

*Prénoms d’emprunt

Vous aimerez aussi:

Recettes, mode, déco, sexo, astro: suivez nos actus sur Facebook et Instagram. En exclu: nos derniers articles via Messenger.

Contenu des partenaires

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.