L’éducation joue un rôle dans le fait qu’une personne devienne ou non narcissique. © Helena Lopes/Pexels

Naît-on narcissique ou le devient-on?

Par Justine Leupe

Événements de vie, reproduction d’un schéma familial, éducation, représentations au sein de la société… Plusieurs facteurs participent au développement du narcissisme.

Réseaux sociaux obligent, le narcissisme a explosé. Pour certaines et certains, il est devenu normal de poster des selfies sur tous les canaux, d’exposer son quotidien, ses pensées, ses projets… Et ceci s’inscrit dans une société de plus en plus individualiste. Ainsi, certains experts en santé mentale vont jusqu’à parler “d’épidémie de narcissisme”, dont Marie-France Hirigoyen, psychiatre. De notre côté, on s’est posé la question suivante: si les individus sont amenés à être de plus en plus narcissiques, ils ne le seraient donc pas depuis tout petits?

Quelles différences entre les narcissismes?

En amont, il faut différencier le narcissique de l’hypernarcissique et du pervers narcissique.

  • Le premier aime se mettre en avant sans vouloir dominer. Il se surévalue souvent.
  • Le deuxième reprend les codes du narcissique mais de façon démesurée. Il aime être le meilleur, le premier, et ne fait pas toujours preuve d’empathie.
  • Pour le pervers narcissique, s’ajoute une envie de blesser, d’écraser, d’amadouer ou de se servir des autres. Lui a un réel manque d’empathie.

Mais aussi de rappeler que le narcissisme s’articule autour de trois variables, comme l’explique Marie-France Hirigoyen.

  • L’amour de soi, qui est “lié au regard que les parents portaient sur vous et qui permet d’avoir une suffisamment bonne image de vous”.
  • L’estime de soi, “c’est savoir qu’elle est votre valeur. C’est-à-dire que même si la personne a des défauts, elle sait se dire que c’est plutôt quelqu’un de bien”.
  • La confiance en soi, “qui se rapporte à l’environnement social. C’est la façon dont la personne a été élevée, les retours qu’elle a pu avoir… Or, aujourd’hui, on est dans un monde où on demande constamment d’être toujours plus. Et si vous ne vous mettez pas en avant, vous n’êtes rien”.

On le comprendra aisément: avoir une bonne image de soi, un certain amour propre et le courage de ses opinions correspond à la construction de l’identité et à une valorisation positive de soi. Tout le monde a, durant sa construction (surtout pendant l’enfance), une petite part de narcissisme, non démesurée et plutôt saine, qui se met en place. Mais là où le quidam s’évalue assez correctement, le narcissique est “victime” d’une déformation de sa propre image, qu’il surestime.

La faute à la société?

Aujourd’hui, de plus en plus de personnes peuvent se croire tout permis, explique Marie-France Hirigoyen, ce qui laisse place à davantage de narcissisme. Notre société capitaliste, de performance, de consommation et de réussite nous pousse à nous centrer sur nous-même. Dans le podcast “Grand bien vous fasse” de France Inter, la psychiatre explique que “tout cela vient accentuer les traits narcissiques. On remarque également que les plus narcissiques sont souvent sélectionnés pour les plus hauts postes”. Des narcisses, il y en a partout, mais en agissant ainsi, on en construirait encore plus.

Et à l’éducation?

L’éducation joue un rôle dans le fait qu’un individu puisse devenir narcissique. Et notamment, le fait de grandir avec des parents qui croient que leur enfant est le meilleur du monde, dixit la spécialiste: “Beaucoup pensent, aujourd’hui, que leur enfant est surdoué”. C’est un phénomène qui s’observe et qui se multiplie. Et de cette attitude peut découler une tendance narcissique, car depuis toujours, l’enfant est confronté à une surévaluation de sa valeur. Plutôt que de dire “Tu es le meilleur, tu es très fort”, Marie-France Hirigoyen conseille de rappeler à un enfant qu’il doit “apprendre et évoluer avec les autres”. Le culte de l’enfant roi est une autre prémisse d’un futur narcissisme, selon la psychiatre. “Nous sommes confrontés à de plus en plus d’enfants qu’on élève sans limite et sans frustration (…). Ce sont des enfants qu’on valorise à tout prix. Mais si on ne met aucune limite, ils deviennent des enfants tyrans”.

Le psychiatre Christophe André ajoute, lui: “En tant que parent, on est responsables des erreurs éducatives. Par contre, ce n’est pas parce qu’on a des parents narcissiques qu’on le devient. Certains deviennent des contre-modèles”.

Qu’en est-il des réseaux sociaux?

“Le problème des réseaux sociaux est qu’ils donnent l’impression que tout peut être amélioré, que ce soit au niveau physique, social ou intellectuel. Mais tout cela est basé sur du vide. Tout ce qu’on montre sur les réseaux est très creux. Avec les réseaux sociaux, on a besoin de se servir de toutes les prothèses extérieures pour devenir quelqu’un de mieux, voire d’exceptionnel”, rappelle Marie-France Hirigoyen. Avec les réseaux sociaux, une nouvelle forme de narcissisme est apparue, celle de s’occuper démesurément de son image par l’apparence.

En bout de course, les professionnels de la santé mentale sont pourtant positifs. “Je crois qu’il y a un changement qui se met en place. Je vois de plus en plus de jeunes qui ne sont pas dans la consommation et dans la valorisation de soi. À l’inverse, ils sont dans le partage et ils ne cherchent pas à être dans le ‘toujours plus’. Ce sont des jeunes éduqués et cadrés et qui sont plus modestes”, estime Marie-France Hirigoyen.

Pour aller plus loin
Les Narcisse, Marie-France Hirigoyen, Éd. La Découverte

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