Musique
Coup de cœur de la rédac’: Suzane, la chanteuse de demain
Par Soline de Groeve

En France, c’est l’artiste la plus programmée des festivals de l’été. En Belgique, elle était aux Francofolies de Spa, aux Solidarités et à Scène-sur-Sambre, où elle a enflammé la scène à chaque représentation. Mais qui est donc Suzane, le nouveau phénomène musical?

Elle n’a qu’un seul EP de quatre titres à son actif, et pourtant, elle a déjà l’étoffe des plus grands. Cet été, Suzane a sauté d’une scène à l’autre, vêtue de sa combinaison bleue, pour nous faire découvrir son univers. La flemme, SLT, Suzane, L’insatisfait… Si ses clips avaient déjà conquis la toile, sa prestance sur scène a prouvé qu’elle est là pour durer. Rencontre.

Pourquoi c’est la chanteuse à suivre

Pour ceux qui ne te connaissent pas encore, peux-tu te présenter en quelques mots?

Je suis Suzane, je viens d’Avignon et j’ai 28 ans. J’écris, je compose et je danse, beaucoup. Il y a une phrase qui résume assez bien mon univers, j’aime dire que je suis “une conteuse d’histoires vraies sur fond d’électro”.

Suzane est ton nom de scène, c’est bien ça?

En effet, je m’appelle Océane. Suzane c’est le pseudo que j’ai choisi pour me sentir plus libre, notamment dans mon écriture. Je ne l’ai pas choisi par hasard: c’est le prénom de mon arrière-grand-mère, une figure féminine qui m’a beaucoup marquée et inspirée.

On te connaît comme chanteuse, mais dans tes clips et sur scène on découvre aussi tes talents de danseuse.

La danse, ça a été mon premier amour, et on peut dire que j’ai commencé à faire de la musique comme ça. Mon premier instrument, c’était mon corps. J’ai commencé par la danse classique, à 5 ans, puis j’ai demandé à ma mère de passer l’audition pour le Conservatoire. Ça a commencé à être vraiment sérieux, j’ai fait des “danse-études”. C’est-à-dire que j’avais cours le matin, comme tout le monde, puis j’étais à la danse de 13h à 19h. J’ai fait du classique, du contemporain, du jazz… Ça a duré une bonne dizaine d’années, puis à 17 ans, j’ai un peu tout plaqué. La danse nécessite beaucoup de rigueur, et impose une certaine routine qui commençait à m’étouffer. Je ne savais plus pourquoi j’avais poussé la porte du Conservatoire, donc j’ai arrêté à ce moment-là.

Je suis alors passée de la danse classique à la danse de club, parce que j’ai commencé à beaucoup sortir et à retrouver une liberté. Il n’y avait alors plus personne pour me dire que ma main devait être mise ainsi, et mon pied comme ça… Ça a été une période assez floue mais qui m’a permis d’apprendre beaucoup sur moi-même.

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Comment est venue l’envie de faire de la musique?

Via la danse, j’ai toujours été liée à la musique. C’est rare l’un sans l’autre. Mais j’ai commencé à chanter vers 13-14 ans, un peu par hasard, dans les couloirs du Conservatoire. J’ai appris les textes de Piaf, Brel, Barbara, Renaud, Balavoine… Ce sont vraiment les mots, les textes en français, qui m’ont intriguée. Ça a commencé comme ça. Puis un jour, mon père m’a entendue chanter dans la salle de bains, alors que je chantais – comme tout le monde – sous la douche, et il m’a dit que j’avais une jolie voix. Ça m’a donné confiance et j’ai compris que j’avais un autre moyen d’expression que la danse: la voix. Depuis, ça ne m’a pas quitté.

Edith Piaf et Jacques Brel sont en effet souvent cités comme référence. La comparaison avec Stromae est également évidente. Est-il l’une de tes influences?

Oui, je pense en effet qu’on peut dire qu’il est l’une de mes influences parce que je l’ai beaucoup écouté. C’est même quelqu’un qui a influencé toute la nouvelle génération d’artistes, parce qu’il a vraiment cassé les codes. Il est arrivé avec ses propres règles et ça, c’est génial. Quand je suis tombée sur ses premières vidéos il y a quelques années, dans lesquelles il faisait de la musique de manière très artisanale dans sa chambre, ça m’a fait penser que je ne devais pas attendre d’avoir du matériel pro et un énorme studio pour proposer ma propre musique. Ça m’a beaucoup inspirée.

Un univers visuel bien défini

En plus de ton nom de scène, l’un des éléments-clés de Suzane est ta combinaison bien particulière. Considères-tu qu’aujourd’hui, les artistes ont besoin d’une identité visuelle?

Non pas forcément. Je pense que c’est comme chacun le sent, c’est une histoire de personnalité. C’est comme lorsque l’on est dans la rue, certaines personnes aiment porter un jeans et un t-shirt, d’autres une combinaison ou bien un costard… Je pense qu’il ne faut pas se faire violence lorsque l’on est artiste. Si on n’a pas envie de se costumer, ce n’est pas pour autant qu’on ne sera pas identifiable par plein d’autres choses.

Mais toi, tu es indissociable de ta combinaison.

Enfiler un costume avant de monter sur scène, c’est une habitude qui me vient de mon passé de danseuse. J’ai du mal à donner un concert avec les habits que je porte dans le métro. J’aime bien avoir cette sensation d’entrer dans ma bulle lorsque j’enfile mon costume, et ça fonctionne très bien. C’est une manière aussi de me sentir libre, pour bouger et danser sur scène.

En plus, un concert, c’est comme un premier rencard avec le public. Du coup, je me suis demandé comment je voulais me préparer pour ce rendez-vous et me présenter. Et c’est en combinaison! Cette tenue, c’est un mélange de plusieurs références. Les bandes graphiques viennent de Bruce Lee, parce que je regardais beaucoup de films d’arts martiaux avec mon père. Il y a un peu d’Elvis Presley aussi: j’ai été serveuse dans un diner américain, où il y avait beaucoup de télévisions avec des images d’Elvis qui dansait dans sa combi. Et je me disais à chaque fois qu’il avait l’air trop bien là-dedans, que j’aimerais bien être à sa place dans cette tenue. Et puis le bleu, ça vient de Louis XIV, que j’ai beaucoup étudié dans l’histoire de la danse.

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De l’électro, mais avec des textes

Dans ton titre Suzane, tu abordes ton histoire, ton passé de serveuse notamment. Tes autres chansons sont-elles également autobiographiques?

Je pense que dans la plupart des titres, même si je décris des personnages, c’est forcément des personnes auxquelles je me sens liée. Sinon, je n’en parlerais pas. Il y a toujours un peu de moi, mais j’aime faire en sorte que malgré que ce soit mon histoire, les autres puissent s’y retrouver et se dire que je parle d’eux.

SLT est un titre plus engagé, dans lequel tu abordes le harcèlement sous toutes ses formes. La musique est-elle pour toi un moyen de faire passer des messages forts?

Oui, c’est grâce à la musique qu’on peut faire passer des messages. Je ne dis pas qu’on peut changer le monde, mais on peut parler de certaines choses. Quand j’ai commencé à écrire mes chansons, je ne pensais pas qu’elles allaient être écoutées. Donc j’ai écrit de manière très spontanée, peut-être un peu naïve. Quand je me suis rendu compte que mes chansons étaient un peu écoutées, ça m’a donné envie de porter des messages qui me choquent ou m’amusent dans ma vie de citoyenne.

Lorsque je dis que je suis “une conteuse d’histoires vraies”, c’est parce que j’aime parler du quotidien. Le harcèlement, ça existe depuis des générations, ce n’est pas un sujet très actuel, ça dure depuis toujours malheureusement. Et ça fait partie du quotidien de millions de femmes, notamment du mien. Du coup, c’était important pour moi d’en parler. J’ai écrit cette chanson dans la période de “Me Too”, quand le mouvement prenait de l’ampleur. J’étais serveuse et j’entendais énormément de débats autour de moi, auxquels je ne pouvais pas prendre part. Et j’entendais beaucoup de choses très violentes, de la part d’hommes, mais aussi de femmes. Comme “elle l’a cherché aussi, t’as vu sa tenue”. Du coup, j’ai eu envie de prendre la parole, et ma seule arme, ça a été l’écriture. Et je ne regrette pas du tout de l’avoir fait, car aujourd’hui j’ai de très beaux retours sur cette chanson. Les femmes s’y reconnaissent, tandis que les hommes ne se sont pas sentis stigmatisés et soutiennent le message. Donc je suis très contente de l’accueil de ce titre.

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Sur scène, tu annonces Anouchka comme l’une des chansons qui te tient le plus à cœur. Pourquoi?

Ça a été la chanson la plus dure à écrire, parce que je connais cette Anouchka, qui existe et qui fait partie de ma vie depuis l’âge de 16 ans. Son histoire m’a beaucoup touchée et j’avais envie de la raconter, que d’autres jeunes puissent se reconnaître et se sentir moins seuls. Anouchka, ça parle d’homosexualité, de la liberté d’être soi-même, d’aimer qui on veut. À une certaine période de l’adolescence, quand on se cherche encore et qu’il y a des copines qui commencent à sortir avec des garçons, il y a Anouchka qui sent qu’elle est différente et qu’elle va devoir se battre pour être elle-même. Donc j’espère que des gens dans cette situation se sentiront moins seuls grâce à ce personnage et son histoire.

Une saison de concerts et bientôt un album

Pas une semaine ne s’est déroulée sans un concert… Quel est ton meilleur souvenir de cet été?

C’était le rêve de ma vie d’être sur scène constamment, donc c’était vraiment super! Franchement, c’est dur à dire parce que chaque public, chaque endroit et chaque ambiance sont différents. Mais Paris, c’est la ville qui m’a accueillie il y a 5 ans, et j’y ai toujours vu les affiches du Fnac Live, qui est un événement assez prestigieux. Et cette année, j’étais programmée. Je ne savais pas du tout comment ça allait se passer, vu que tout le monde venait pour Aya Nakamura, et pas forcément pour moi. Mais si Paris, la ville où tout est possible, m’a toujours fait rêver, je dois dire que les Parisiens m’ont vraiment vendu du rêve. Ils m’ont accueillie d’une façon incroyable. Et il y a eu beaucoup de festivals comme ça. En Belgique notamment, Les Solidarités de Namur, c’était super.

Plus vite que ça, Novembre… Tu as déjà quelques chansons qui ne se trouvent pas sur ton EP. Un album est-il en préparation?

Bien sûr! L’EP est sorti il y a quelques mois, et on prépare la suite. J’ai vraiment hâte, je suis en train d’écrire la dernière chanson à vrai dire! Et de peaufiner le tout. J’ai eu la chance de faire découvrir pas mal de mes chansons en live, et du coup quelques personnes en attendent certaines. Mais il y a aussi beaucoup de titres que je n’ai jamais joués, donc il va y avoir quelques surprises. J’ai le trac, mais hâte.

Cette saison de festivals a été un franc succès. Ressens-tu une certaine pression face à ce futur album?

Plus on sent qu’on est écouté et attendu, plus on développe une pression je pense. Mais j’essaie de rester moi-même, de faire abstraction de tout ça. J’écris souvent quand je suis seule, dans une pièce vide. J’essaie de me retrouver et d’écrire en étant toujours très sincère.