Laetitia Colombani La Tresse
L'adaptation du roman "La Tresse" sort au cinéma ce 29 novembre 2023. © Céline Nieszawer

Laetitia Colombani (La Tresse): “La veille du tournage, je modifiais encore le scénario”

Par Soline de Groeve

Vendu à plus de 5 millions d’exemplaires à travers le monde, le roman La Tresse de Laetitia Colombani est adapté sur grand écran. Rencontre avec l’auteure.

En 2017, Laetitia Colombani dévoilait son premier roman, La Tresse (Éditions Grasset), récit de trois femmes dont la vie s’entrelace. Le succès est immédiat! Aujourd’hui, l’auteure et réalisatrice française l’adapte au cinéma, avec Kim Raver, Fotinì Peluso et Mia Maelzer dans les rôles principaux.

La Tresse, de best-seller à long-métrage

Du roman à l’écran, qu’est-ce que ça fait d’aboutir à ce projet?

“C’est vraiment une belle et grande aventure. Quand j’ai commencé à écrire ce roman en 2015, je n’imaginais pas du tout que ça m’emmènerait aussi loin. Déjà, je n’avais pas songé à le porter à l’écran. Ça peut sembler paradoxal puisque je suis avant tout cinéaste, mais l’histoire se déroule sur trois continents, je ne pensais donc pas qu’elle pouvait donner lieu à un film, sachant à quel point c’est complexe de monter des projets de telle envergure et connaissant les coûts du cinéma. Contre toute attente, plusieurs producteurs m’ont contactée dès la sortie du roman. Ça m’effrayait un peu, mais en même temps, il fallait être fou pour refuser une telle opportunité: tourner dans trois pays si lointains, continuer la route avec mes personnages, avec cette histoire. Accompagner le film jusqu’à sa sortie, avec des avant-premières où rencontrer les spectateurs… C’est formidable. Sur le tournage, j’ai également écrit un livre making-of, Le Voyage De La Tresse: Le Journal De Tournage Du Film. Rien n’était prévu et tout a été une incroyable aventure”.

Je préférais qu’il n’y ait pas de film plutôt qu’une adaptation qui trahisse le roman

Avez-vous eu d’autres propositions d’adaptations avec d’autres réalisateurs ou réalisatrices?

“Une quinzaine de producteurs m’ont contactée. Ils avaient des réalisateurs précis en vue, une liste de suggestions ou m’ont proposé de m’en charger. Marc Missonnier et Olivier Delbosc étaient les tout premiers à me joindre, avant même la parution du roman et, surtout, avant son succès. Et ils m’ont tout de suite proposé de me charger de la réalisation. Ça a été un gage de confiance à mes yeux, la preuve qu’ils avaient foi en moi, non seulement en tant qu’écrivaine, mais aussi comme réalisatrice et scénariste. C’était très important, je préférais qu’il n’y ait pas de film plutôt qu’une adaptation qui trahisse le roman. Ils m’ont laissé une complète liberté”.

Comment avez-vous choisi les interprètes de vos personnages?

“J’avais très précisément en tête qui étaient ces trois femmes. J’ai travaillé avec quatre directeurs de casting (en Inde, au Canada, en Italie et en France) et j’ai rencontré des dizaines de comédiennes. Ça a finalement été simple car j’ai vraiment eu quatre coups de cœur. Quatre, en comptant Sajda Pathan, qui interprète Lalita (la petite fille indienne, ndlr). Je dirais que je ne les ai pas choisies, je les ai reconnues: c’était évident. Quand j’ai aperçu Mia Maelzer, qui vient du monde du théâtre, je l’ai vue dans le personnage de Smita. C’est pareil pour Fotinì Peluso, qui incarne Giulia: elle a ce côté solaire, lumineux et en même temps intense que je recherchais. Et pour le personnage de Sarah, l’agent de Kim Raver nous a mis en contact: il avait eu vent du projet et pensait qu’elle pouvait être intéressée par ce rôle fort impliquant une transformation physique. On s’est rencontrées sur Zoom pendant le confinement et ça a immédiatement matché. Ces coups de cœur n’ont pas été démentis pendant le tournage: ça a été des collaborations incroyables, avec des actrices très généreuses qui se sont investies à 100% dans leur personnage”.

Est-ce que le succès du roman était une source de stress sur le tournage?

“Un tournage, c’est toujours un challenge. C’est un marathon et une course contre la montre, d’autant plus qu’ici, on tournait sur trois continents, avec des équipes différentes et dans des langues différentes. C’était un vrai défi en tant que réalisatrice! Je n’avais jamais réalisé de film de cette ambition. Mais j’ai eu des équipes et techniciens fantastiques dans chaque pays. Les comédiennes ont rencontré un peu de stress, non pas par rapport au roman, mais parce qu’elles avaient conscience que l’équilibre du film tiendrait à leur prestation. Il ne fallait pas qu’une d’elles déçoive par rapport aux autres: les trois brins de la tresse devaient être d’intensité et profondeur égales. Il fallait trouver une vraie harmonie entre ces trois histoires, qui devaient être de la même force. C’était un défi pour elles comme pour moi, mais j’avais une confiance totale en leur performance. Elles m’ont d’ailleurs apporté au-delà de ce que j’espérais. Elles ont donné chair à ces personnages avec tellement d’intensité et de générosité que je ne pouvais pas rêver mieux”.

Avez-vous dû renoncer à certaines images que vous aviez en tête pour l’adaptation?

“C’est toujours le cas au cinéma: il faut être capable de s’adapter et de faire des compromis. Il y a plein de choses qui ne se sont pas déroulées comme j’imaginais. En Inde notamment, où rien ne se passe comme prévu et c’est tant mieux, on est constamment surpris. Lorsqu’on attendait un train, inévitablement, il était en retard et sur un autre quai. Ça peut être chaotique, donc on a filmé avec une caméra à l’épaule sans éclairage ou matériel technique, car il faut tout le temps s’adapter à la réalité du terrain. J’ai également énormément rectifié le scénario: jusqu’à la veille du tournage, je faisais des modifications suite aux idées apportées par les comédiens, les équipes techniques ou ma co-scénariste, Sarah Kaminsky. J’aime beaucoup travailler comme ça: un film, c’est un projet vivant, qui évolue avec le scénario et qui se réécrit au montage. Rien n’est figé, il faut laisser de la place à l’inconnu et aux ‘accidents de parcours'”.

Je n’ai pas choisi les actrices, j’ai reconnu les personnages en elles, c’était une évidence

Quel est votre meilleur souvenir de l’aventure?

“La première projection! C’était en Inde, où l’on a organisé un visionnage du film avec toute l’équipe. C’était la toute première fois que Sajda allait au cinéma: c’est une petite fille Intouchable qui vient d’un bidonville très pauvre, qu’on a auditionnée en casting sauvage dans la rue. C’était déjà très émouvant de présenter le long-métrage à toute l’équipe, mais qu’elle découvre un grand écran et qu’elle s’y voit, c’était vraiment touchant”.

Et de nouveaux projets

Avec quatre livres et trois films à votre actif, vous sentez-vous écrivaine ou réalisatrice?

“Écrivaine lorsque j’écris un roman et réalisatrice quand je suis sur un plateau. À mes yeux, ce sont différentes versions d’un même métier. Ce qui me plait, c’est la fiction, raconter des histoires, ça m’amuse énormément! J’aime à la fois la solitude de l’écrivain, être dans une bulle pendant plusieurs mois, et j’adore aussi le côté euphorisant d’un tournage, être avec les acteurs, figurants et techniciens. C’est très galvanisant et j’espère avoir la chance de continuer ces deux activités qui me correspondent très bien”.

J’ai envie de parler du courage des femmes et de notre époque

Vous avez écrit Les Victorieuses et Le Cerf-volant, d’autres histoires de femmes fortes…

“En tant que spectatrice et lectrice, je suis marquée par les personnages féminins. Mes œuvres préférées sont portées par des femmes fortes, déterminées, engagées. Je voyage aussi beaucoup et c’est un très grand enrichissement pour moi que d’aller à la rencontre des personnes qui vivent à l’autre bout du monde, de les écouter, de voir comment elles mènent leur vie, de discuter de leurs combats. À chaque fois, je suis touchée et bouleversée par les femmes que je rencontre. Je ressens toujours beaucoup d’admiration pour elles, pour tout ce qu’elles gèrent et portent. Je m’en sens proche, m’y identifie très facilement malgré nos différences et j’ai envie de raconter ce que j’entends, ce que je vois. J’ai envie de parler de leur courage et de notre époque”.

Avez-vous espoir de voir ces romans à l’écran?

“Comme pour La Tresse, je n’ai rien prévu. Mais ce n’est pas impossible: on m’a récemment proposé un projet pour Les Victorieuses. Il faut encore que je réfléchisse… Ça fait quatre ans que je suis focalisée sur cette première adaptation. On verra pour la suite”.

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