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Témoignage: “J’ai découvert le plaisir sexuel à 60 ans”

En matière de relations amoureuses, Johanna a pas mal roulé sa bosse. À 57 ans, elle avait connu de beaux moment d’émotion, d’excitation et de plaisir. Du moins, c’est qu’elle pensait… jusqu’à sa rencontre avec Charles.

“J’ai toujours été la fille sage de service: de mes trois sœurs, j’étais la plus studieuse, et celle qui était la moins intéressée par les garçons et la fête. Ensuite, à l’université où j’ai étudié l’histoire de l’art, quand je sortais avec des amis, j’étais toujours celle qui rentrait se coucher tôt.

J’avais des potes un peu partout, mais quand tout le monde commençait à picoler et à se lâcher, je m’ennuyais. Je préférais retrouver mes draps et m’épargner le spectacle consternant de tous ces gens à peu près intelligents la journée, qui se transformaient délibérément en imbéciles euphoriques ou dépressifs, une dixième bière à la main. Si je ne renie rien sur le fond, je reconnais aujourd’hui qu’un peu de lâcher-prise ne m’aurait pas fait de mal à l’époque. Par exemple, j’avais à cœur d’être mince et sportive, et j’ai contrarié ma nature gourmande en m’infligeant des régimes stricts et des séances de sport intensives.

Le contrôle était ma ligne de conduite et ça m’a plutôt bien réussi. Je suis curatrice d’expositions importantes qui ont tourné dans de grands musées pendant des années, j’ai écrit des livres d’histoire et personne ne soupçonnerait que j’ai presque 60 ans. Mais cette maîtrise de toutes choses a eu un prix: je suis trop longtemps passée à côté de l’extase sexuelle. Je l’ignorais, parce que j’avais du plaisir avec les différents amoureux qui ont accompagné ma vie. Je pensais que les femmes qui racontent leurs faramineux orgasmes en font tout un plat et que les hommes qui se vantent d’envoyer leurs conquêtes au septième ciel fanfaronnent. Ce dernier point reste vrai.

Un jeu innocent

J’avais 55 ans lorsque j’ai rencontré Charles, lors d’un séminaire professionnel dans le Sud de la France.

À l’époque, j’étais en couple avec Christophe depuis sept ans. Un gentil garçon avec qui je vivais une relation sereine, mais ronronnante. Notre vie sexuelle était rapidement devenue plan-plan, et ça me convenait: une histoire sympa et respectueuse suffisait à mon bonheur. “Suffisait”, c’était peut-être ça le problème. Ce soir-là, après les conférences, tout le monde avait été convié à un drink. Distraitement, je cherchais cet homme séduisant que j’avais aperçu plusieurs fois dans la journée. Je suis une grande fidèle, je n’ai jamais trompé personne, plus par nature que par vertu. Mes intentions étaient donc ludiques et innocentes. Lorsque mon regard a croisé le sien, ses immenses yeux verts étaient déjà posés sur moi. Il devait avoir à peu près mon âge, il dégageait une énergie électrique.

Nous avons joué à “je te suis, tu me fuis” toute la soirée, entre les mange-debout et les plantes vertes, sur la terrasse de l’hôtel. Finalement, l’une de mes copines de séminaire a capté notre petit jeu et y a mis son grain de sel. J’étais en train de commander un spritz au bar et elle est arrivée par derrière: ‘Johanna, laisse-moi te présenter Charles. Il est spécialiste de culture amérindienne et tu me disais que tu adores les États-Unis, vous aurez sûrement des choses à vous raconter.’ Et elle nous a plantés là. À ce stade, vous vous dites: ‘Ils ont fini dans la chambre de l’un ou l’autre.’ Vous regardez trop de téléfilms: ça a été plus alambiqué que ça.

Le chat et la souris

Nous avons commencé par un court silence embarrassé, qui m’a semblé durer des heures. Il m’a tendu la main au moment même où je lui tendais la joue. Maladresse, flottement, rouge aux joues. Tension sexuelle. ‘Vous vous intéressez aux peuples à civilisations archaïques?’, a-t-il demandé pour rompre le malaise. J’ai répondu, en contrôlant le trémolo dans ma voix: ‘Je suis curatrice d’expositions qui mettent le folklore en perspective avec la modernité.’ Nous avons discuté jusqu’à 3h du matin.

Lorsque Christophe m’a appelée, comme tous les soirs, je n’ai pas répondu. Parce qu’inconsciemment, j’étais déjà en train de le tromper. Avec Charles, nous choisissions soigneusement les mots de notre conversation, parlant des sujets qui suscitent ‘le désir’ des visiteurs et de la difficulté de ‘faire monter l’excitation’ autour de l’art antique. Lorsqu’il m’a raccompagnée devant la porte de ma chambre, j’ai espéré un baiser de tout mon être. Il m’a fait la bise et m’a saluée très courtoisement. J’en aurais pleuré. Je suis redescendue au bar acheter un paquet de cigarettes. J’avais arrêté depuis dix ans mais là, j’en avais besoin.

Le lendemain, tous les conférenciers se croisaient au petit-déjeuner. J’ai évité Charles. Je jouais à nouveau au chat et à la souris, mais parce que j’étais en colère. J’étais frustrée et je le supporte très mal. À un moment, j’ai quitté ma table pour retourner au buffet et quand je suis revenue avec mon bol de fruits, un papier plié était glissé sous ma serviette. Son numéro de téléphone. Je me suis juré de ne pas l’appeler. J’ai tenu deux heures.

Une autre femme

Charles vivait à Paris, moi près de Bruxelles. Après deux semaines de conversations tendancieuses sur WhatsApp, il m’a annoncé qu’il venait me voir pour le week-end. Il a pris un hôtel en ville et j’ai raconté à Christophe que je partais en stage de yoga avec une amie. Rien que mes préliminaires à moi – épilation chez une autre esthéticienne que ma praticienne habituelle, achat de lingerie, coiffeur pour refaire mes racines – m’ont mise dans un état second. Je ne m’étais jamais sentie aussi prête et affamée. Lorsque Charles est arrivé dans le restaurant d’Etterbeek où je lui avais donné rendez-vous – parce que je ne connais personne à Etterbeek – nos regards ont embrasé l’air.

Ce dîner était insoutenable de langueur, chargé d’hormones et savoureux de désir encore inassouvi. Je l’ai raccompagné à son hôtel et la question que je le suive ou non dans sa chambre ne s’est pas posée. J’ai eu mon premier orgasme de la soirée lorsqu’il m’a embrassée dans le cou, avec lenteur, en me tenant délicatement les bras. Je n’avais jamais vécu un truc pareil. Ma nuque, ses lèvres, une éruption volcanique. Le reste de la nuit a confirmé la compatibilité de nos peaux. J’ai décollé huit fois. J’ai compté. J’ignore si c’est Charles qui est un amant exceptionnel – il connaît deux-trois trucs – si j’ai enfin trouvé une personne qui me ramène à un niveau animal et arrive à court-circuiter mes défenses d’intello, ou si c’était une question d’âge et d’expérience, mais j’ai compris que je n’avais jamais vraiment joui auparavant.

Être épanouie

Lorsque je suis rentrée chez moi le lundi matin, j’ai tout avoué à Christophe, que j’ai quitté dans la foulée. Le corps léger, mais le cœur lourd: cet homme avait toujours été impeccable avec moi, mais j’avais exploré des contrées que je ne pourrais plus jamais abandonner. Outre le fait que tout mon entourage m’a trouvée particulièrement primesautière et de bonne humeur au cours des semaines qui ont suivi, cette libération, cette décomplexion, ont impacté tous les autres domaines de ma vie.

J’ai cessé de me contenter de ‘bien manger’. Désormais, tous mes repas doivent être une fête. En deux ans, j’ai pris six kilos. Rien de dramatique, c’est le prix d’un autre type de bonheur sensuel, celui d’une exploration du goût. Je suis devenue plus exigeante dans mes amitiés, dans mon travail. Je dépense des fortunes en fringues. Avant, je faisais attention à mes ‘vêtements’. Maintenant, je suis fan de mode. Charles a mis six mois à s’installer en Belgique. Ma vie sensuelle, ma vie sexuelle, ma vie charnelle ont complètement basculé. C’est comme si une autre Johanna était née. On pourrait penser que j’ai perdu du temps avant, mais le plaisir, en toutes choses, est une question de tempo. Il était grand temps que j’apprenne… à jouir de l’existence.”

Témoignage recueilli par Lise Osoix | Coordination: Julie Rouffiange

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