vitiligo
Le vitiligo touche 1% de la population. © Inna Kapturevska Ua/Unsplash

“Critiques, traitements: comment j’ai appris à vivre avec le vitiligo”

Une personne sur 100 dans le monde est touchée par le vitiligo. Victoria, 34 ans, en fait partie. Entre critiques et crèmes miraculeuses, elle nous raconte son parcours.

À l’heure actuelle, on ne sait toujours pas pourquoi certaines personnes développent le vitiligo. La maladie auto-immune dépigmente la peau et peut se déclencher à n’importe quel moment, sans distinction d’âge, de sexe ni d’origine. Les taches blanches qui apparaissent sur l’épiderme sont dues à la destruction des cellules qui produisent la mélanine, ce pigment naturel qui fonce le teint tout en protégeant des rayons UV.

Un tout nouveau traitement

Si l’on ne connaît pas l’origine de la maladie, on sait aujourd’hui comment mieux la soigner. Le 19 avril dernier, l’Agence européenne du médicament autorisait la commercialisation de l’Opzelura (voir encadré ci-dessous), une crème qui améliore la repigmentation de la peau chez les patients. Produit miracle? Victoria, Bruxelloise de 34 ans, n’est pas pressée de la tester: “Ado, j’aurais foncé, mais là, j’ai appris à vivre avec la maladie. Ce n’est plus une priorité de la cacher”. Pour autant, son histoire n’est pas simple…

D’abord, la frayeur

“Le vitiligo peut frapper à n’importe quel moment; moi, j’avais 1 an. Disons que j’ai toujours vécu avec”, nous explique Victoria. Pour ses parents, il y a la frayeur d’abord, puis les nombreux allers-retours chez le médecin: “Quand j’étais petite, on a testé plusieurs traitements, mais ça n’a jamais marché. Je me rappelle que mes parents ont essayé une crème suggérée par un médecin qui a même empiré la situation. Ils ne savaient pas quoi faire, car c’est le frottement qui fait apparaître les taches. Un enfant marche à quatre pattes, des taches se dessinent donc au niveau des mains, des coudes…”. Pour Victoria, la dépigmentation aux genoux est le reflet d’une enfance insouciante passée à l’ombre des oliviers de la campagne de l’Hérault, en France.

L’adolescence, problématique

C’est à l’adolescence que le vitiligo la marque le plus, psychologiquement parlant. “Les ados, et pas seulement à l’école, peuvent être très méchants. On me disait que j’étais tachée comme une vache, que j’avais du dentifrice ou du lait sur le coin de la bouche, des trucs comme ça…”. Et si ce n’était pas “hyper récurrent”, reste qu’à 15-16 ans, ces réflexions font mal, très mal.

On me disait que j’étais tachée comme une vache

Ado, elle cache d’ailleurs ses taches: “Je crois que j’étais complexée de manière générale, comme tout le monde à cet âge. J’ai toujours été assez maigre, alors avoir le vitiligo en plus n’aidait pas”.

Déménagement à Liège

C’est à cette époque que Victoria se tourne vers une pharmacienne, spécialisée en esthétique de recouvrement. “Elle avait des astuces pour le vitiligo. À 16 ans, j’ai décidé de suivre un traitement UV sur tout le corps, pour les faire disparaître. Une fois que les taches au visage sont parties, j’ai arrêté, c’était bon pour moi, c’était celles qui me dérangeaient le plus. J’ai été tranquille pendant deux ou trois ans, puis c’est revenu”.

C’est une maladie auto-immune, elle est favorisée par le stress

Changement de vie, déménagement à Liège pour ses études d’infirmière, le vitiligo s’invite dans la vie de Victoria plus ou moins fort par période: “C’est une maladie auto-immune, elle est donc favorisée par le stress. J’avais plus de tics, je me frottais certaines zones du visage, comme les yeux, à cause de la fatigue”. Et de poursuivre: “Il y a deux ans, les taches ont augmenté beaucoup au niveau du visage: j’applique donc une crème, qui agit en présence des UV, mais je ne suis pas très assidue… Ça a un peu fonctionné, elles ont rétréci. Les taches de mes mains ne me dérangent pas au point de faire l’effort de mettre de la crème. Je ne me suis jamais dit que j’allais réussir à les faire partir de toute façon. Adolescente, on m’a dit d’éviter les jeans trop ajustés, par exemple. Maintenant, vestimentairement parlant, j’ai arrêté de me cantonner, car le vitiligo apparaît de toute façon, quel que soit le type de vêtement que je porte. Par contre, je préfère éviter le maquillage”.

Stop aux restrictions!

Sa routine beauté: crème hydratante et trait de crayon noir bio au-dessus des yeux, ses longs cils noirs se suffisent à eux-mêmes. “Je ne les démaquille pas, par confort, car j’ai les yeux qui pleurent facilement quand j’utilise des démaquillants et ça risquerait d’empirer la situation. Les mannequins qui ont des taches de vitiligo au niveau des yeux et de la bouche, c’est dû au démaquillage quotidien avec des cotons”.

L’hypothyroïdie va souvent de pair

Si enfant, Victoria devait régulièrement expliquer l’origine de ses taches blanches, aujourd’hui, les réseaux sociaux et les mannequins, comme Winnie Harlow, semblent avoir levé le voile sur la maladie. “Les gens ont tendance à vouloir me conseiller, que je le demande ou non. En tant qu’infirmière, je rencontre beaucoup de monde; les patients ont souvent une astuce, un régime ou une crème miracle (souvent en vente dans d’autres pays) à me renseigner. On me parle de médecines alternatives aussi. Côté régime, on m’a souvent dit qu’il fallait éviter les œufs, le poulet ou encore l’ananas et le citron. Je réponds simplement ‘Merci, c’est gentil’, et je continue mon travail. Si le nom d’une crème revient régulièrement, je le note parfois sur un bout de calepin, mais ça ne va jamais plus loin”.

Par flemme? “Aussi (rires), car quand c’est contraignant, j’abandonne vite. Et si la solution n’est pas garantie à 100%, je ne vois pas l’intérêt”. D’autant que Victoria doit gérer deux autres maladies auto-immunes, dont une hypothyroïdie détectée très récemment et qui va souvent de pair avec le vitiligo: “J’ai assez de médicaments à prendre, le vitiligo est secondaire aujourd’hui. J’ai décidé de m’accepter telle que je suis. D’ailleurs, je préfère quand ma peau est bronzée même si les taches blanches sont plus visibles”.

C’est quoi, cet Opzelura?

Quelle est la particularité de cette nouvelle crème, l’Opzelura (Ruxolitinib)? On fait le point avec Bernadette Blouard, chef du service de dermatologie à la Clinique Saint-Luc de Bouge.

“Il existe différents types de traitements depuis plusieurs générations, mais sans efficacité remarquable. On utilise depuis hyper longtemps une pommade immunomodulatrice, dont la molécule est le tacrolimus (un immunosuppresseur puissant, ndlr). J’en prescris depuis 20 ans dans les vitiligos, avec des succès extrêmement divers. Ce sont des traitements qu’on utilise au long court, quand les patients arrêtent la pommade il y a un risque que ça dépigmente à nouveau”. Les traitements UV sont aussi prescrits, “sous surveillance stricte médicale”, afin d’essayer de restituer des mélanocytes. “Des crèmes à base de cortisone ont longtemps été prescrites, lorsqu’il n’y avait pas d’autres traitements”, poursuit la dermatologue. L’Opzelura promet une repigmentation satisfaisante de la peau dès six mois. “Il agit sur base d’anti-JACK, une nouvelle classe de médicaments déjà utilisée pour soigner d’autres maladies auto-immunes. La bonne nouvelle, c’est que le traitement attaque le problème à sa base. Les anti-JACK permettent d’agir physiologiquement sur la cause de la destruction du mélanocyte tandis qu’avec les corticoïdes ou les UV, on essayait d’agir en bout de course”.

Et les chiffres sont encourageants. “Environ 31% des patients ont obtenu une amélioration d’au moins 75% de la pigmentation de leur visage après six mois”, indique l’association française du vitiligo. “ll n’y a pas de succès chez tous les patients, souligne la spécialiste, mais le médicament pourrait en aider certains. Et comme je dis toujours, le seul risque qu’on prend, c’est que ça marche! Ce n’est pas un médicament dangereux, donc si vous avez la chance de répondre au traitement, tant mieux”. Quant aux effets secondaires, ils sont limités: “Le risque le plus cité est de développer de l’acné, un risque supportable si le patient s’en accommode”. Et de conclure: “Si les anti-JACK fonctionnent, ils vont supplanter tous les autres traitements”. À noter qu’il n’y a pas de délai connu pour la commercialisation belge. En France, on parle de 2025 au plus tard.

Interview: Caroline Beauvois

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