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Une thérapeute répond aux questions que vous n’avez jamais osé poser à votre psy

Un psy analyse-t-il tous ceux qu’il rencontre? Se sent-il parfois impuissant? Après l’excellente série En thérapie (ARTE) qui dévoile ce qui se trame dans le cabinet du Dr Philippe Dayan, la psychiatre et thérapeute Sylvie Wieviorka joue la transparence dans son bouquin, Dans la tête de ma psy.

Psychologues, thérapeutes, psychiatres… Tous sont garants de notre santé mentale et connaissent, de ce fait, nos secrets les plus intimes. Une relation qui nous pousse souvent à vouloir en savoir plus sur eux. Sauf qu’on ose rarement posé les questions qui nous parcourent. Femmes d’Aujourd’hui l’a fait pour vous! Nous avons interviewé Sylvie Wieviorka, psychiatre et thérapeute familiale française.

Nous analysent-ils vraiment tout le temps?

La série En thérapie est-elle fidèle à la réalité?

“Oui, elle est très bien faite. Évidemment, il y a quelques différences par rapport à la réalité: dans la série, il y a sans cesse des rebondissements. Alors que dans une thérapie réelle, parfois il ne se passe pas grand-chose: le psy s’ennuie, le patient aussi. Ça fait partie du processus. Je trouve le Docteur Dayan particulièrement pertinent et sympathique, alors que tous ne le sont pas à ce point! Enfin, mes patients ne sont heureusement pas aussi désagréables que les siens, sinon je ne ferais pas ce métier depuis 40 ans!”

Pourquoi choisit-on un métier qui consiste à écouter les malheurs des gens à longueur de temps? Le psy a-t-il un côté “sauveur”?

“Déjà toute petite, je voulais aider les autres, avoir le rôle gratifiant de celle qui aide (ce n’est pas modeste, désolé!), plutôt que celle qui est aidée. J’aime bien ça, être utile. Que quelqu’un entre dans mon bureau avec un air de chien battu et aussitôt, sans même m’en rendre compte, je vais avoir envie de l’aider”.

Quelles sont les réactions des gens lorsque vous annoncez que vous êtes psychiatre?

“Mes interlocuteurs ont tout d’abord un mouvement de recul: on prête – à tort ! – aux psys le don de deviner les pensées. Les gens se disent: “Ouh la la, il faut que je fasse attention à mon comportement”. Puis, si on sympathise, la conversation vire immanquablement à la consultation et… ma soirée est pourrie. Parce que j’aimerais bien parler d’autre chose quand je sors! Mais c’est un phénomène que les médecins connaissent bien, eux aussi”.

Avez-vous tendance à analyser les gens que vous croisez?

“Au début, ça m’agaçait de voir le regard psy que mes confrères portaient sur le monde. J’ai toujours essayé de ne pas analyser les gens au quotidien. À présent, je ne suis plus aussi radicale: je pense que tout métier transforme et qu’on voit le monde à travers la profession qu’on exerce. Mon métier a changé ma vision de l’être humain, m’a rendue plus ouverte d’esprit, plus bienveillante. Il m’a permis de rencontrer des gens très différents de moi, qui fonctionnent très différemment de moi. La palette est très vaste. De ce point de vue, ce métier est d’une richesse incroyable”.

S’ennuient-ils avec certains patients?

Est-ce que les raisons de consulter ont changé au fil de votre pratique?

“Oui. La fréquence des maladies psychiatriques n’a guère évolué. Par contre, on a vu arriver des gens qui ne parviennent pas à faire face à leurs obligations familiales ou sociales: des parents qui ont du mal à se faire respecter par leurs enfants, un employé qui se sent humilié au travail, une épouse qui trouve que son mari est trop distant… Des situations qu’avant, on réglait plutôt entre soi”.

Ne trouvez-vous pas certaines demandes trop anodines pour nécessiter une thérapie?

“Dans un premier temps, oui, parfois. Je me dis qu’ils pourraient se débrouiller un peu tout seuls! Mais dans un deuxième temps, je me dis qu’il est toujours intéressant de comprendre pourquoi des gens ne se sentent pas à la hauteur pour régler leurs problèmes et demandent de l’aide. Rien n’est à négliger. Il leur suffit parfois d’une intervention brève pour repartir du bon pied”.

Ressentent-ils des émotions en consultation?

A contrario, ne vous arrive-t-il pas de vous sentir totalement impuissante?

“Impuissante, non, car je pense qu’il y a toujours quelque chose à faire. Mais certaines personnes arrivent parfois dans un tel état et avec des histoires de vie tellement terribles – certains sont nés sous une mauvaise étoile et n’y peuvent pas grand-chose –  que je sais que ça va être difficile”.

Ressentez-vous parfois de la peur face à certains patients?

“Oui, il m’est arrivé d’être face à des personnes violentes. Je ne suis pas costaude, je suis une dame d’un certain âge, il ne faut donc pas compter sur mes capacités physiques pour me défendre! Alors, je le dis: ‘Monsieur, j’ai un problème, vous me faites peur’. Le simple fait d’en parler apaise la situation”.

Et de l’ennui? Au bout de 40 ans de carrière, vous devez souvent vous retrouver confrontée aux mêmes problèmes…

“Dans tout être humain, il y a une part de banalité et de singularité. Je m’intéresse à ce qui est singulier. La répétition, je la vois donc très peu. Mais ça ne m’empêche pas de ressentir parfois de l’ennui face à une personne. Je ne suis pas parfaite. Je n’essaie pas non plus de tout supporter stoïquement. Au contraire, je préfère utiliser mes ressentis comme outils pour faire avancer la thérapie. Je me dis: ‘Tiens, qu’est-ce qui fait que pendant qu’elle me parle de ses problèmes, je pense que je dois aller acheter un pain?’. Je peux même en parler ouvertement et voir quel écho cela a chez le patient. Ça relance la dynamique et je cesse immédiatement de m’ennuyer”.

Et du désir?

Dans la série En thérapie, l’une des patientes est amoureuse de son psy, qui lui-même ne semble pas insensible…

“J’ai sans doute totalement intériorisé cet interdit, car même s’il y a des patients que je trouve charmants, je n’ai jamais eu à réprimer un intérêt autre que professionnel. Quant à mes patients, peut-être certains ont-ils éprouvé du désir pour moi, mais aucun ne s’est jamais risqué à l’avouer (rires). Il faut dire que je n’ai jamais laissé d’ouverture! J’ai par contre des confrères dont les patientes tombent systématiquement amoureuses… Ce qui me pousse à penser qu’ils ont certainement une façon de se comporter qui laisse une ouverture. Ce qui est vrai, par contre, c’est qu’il y a des patients que j’affectionne plus que d’autres: un patient qui va mieux grâce à moi, c’est gratifiant. Par contre, c’est plus compliqué avec ceux qui ne s’améliorent pas au fil du temps”.

Vous savez tout de vos patients, et eux ne savent rien de vous. N’est-ce pas une situation injuste?

“La relation thérapeutique est par essence asymétrique: le patient et moi n’occupons pas la même place, et vouloir réduire l’écart est une tentation à laquelle le psy se doit de résister. L’efficacité de l’intervention psy repose sur cette distance qui garantit, si ce n’est une neutralité absolue, du moins une absence d’enjeu personnel autre que le souci de bien faire. Quand j’ai commencé à pratiquer, j’étais très attachée à ne rien laisser transparaître de ma vie personnelle dans mon travail. Pas de photos de mes enfants sur mon bureau, un contact aussi distant que possible. Les années aidant, je suis devenue moins rigide. Je ne m’interdis plus d’utiliser ce que je suis, ce que je ressens et ce que je pense, dans mon travail de psy”.

Sont-ils vraiment des humains comme les autres?

On imagine que les psys vont parfaitement bien vu qu’ils connaissent tous les rouages de la psychologie humaine. Est-ce votre cas?

“Une vie parfaite? Certainement pas! On reproche souvent aux psys d’être incapables d’appliquer à eux-mêmes ce qu’ils préconisent pour les autres. Quand je suis avec mes proches, la relation n’est évidemment pas la même. Si je ne déverse pas sur eux tout ce qui me passe par la tête, je ne passe pas mon temps à réfléchir à ce que je devrais dire ou faire. J’émets des jugements, des avis, je suis plus spontanée et je ne considère pas que mon rôle soit d’aider tous ceux qui m’entourent. Ce que ce métier m’a néanmoins appris, c’est à réfléchir avant d’agir. Face à mes problèmes personnels, j’ai tendance à ne pas m’emporter pour un oui ou pour un non”.

Le livre à lire ou offrir

Dans la tête de ma psy, Dr Sylvie Wieviorka, paru aux éditions “HumenSciences Santé”. Il est à retrouver sur le site de la Fnac.

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