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Psycho: reconnaître un(e) hypernarcissique et s’en défaire

Il/elle vous colle sur l’autoroute ou vous invective ouvertement en réunion. Nous connaissons toutes un(e) hypernarcissique, colérique, autoritaire… Mais comment gérer ce profil?

Romane Gardener, la trentaine, est l’héroïne de Raphaëlle Giordano à qui l’on doit le best-seller Ta seconde vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une. Dans ce bouquin, Romane a conçu un “programme de déburnerie comportementale” permettant de se débarrasser définitivement de “penchants autoritaires, dominateurs, égocentriques, narcissiques, agressifs, jugeants, castrateurs”. En clair: elle aide les hypernarcissiques à guérir. Ou du moins à s’adoucir. “La burnerie (ou hypernarcissisme) est un thème qui me touche depuis longtemps, explique Raphaëlle Giordano. J’ai été exposée à énormément de comportements de ce type dans ma vie, notamment avec mon père. Moi qui suis très sensible, j’ai souvent été choquée par cette agressivité gratuite”.

L’hypernarcissisme, une affaire d’homme?

Au stage de Romane se présentent cinq personnages, soit autant de sous-types d’hypernarcissiques. Maximilien, PDG d’une multinationale, en est l’archétype: autoritaire, imbu de lui-même, omnipotent. Nathalie, elle, très nombriliste, a tendance à monopoliser l’attention et à bouffer l’oxygène d’autrui. Émilie, persuadée d’agir pour le bien de son fils en contrôlant sa vie a provoqué le départ de celui-ci. Patrick, à force de dénigrer sa femme, a fini par se faire quitter. Quant à Bruno, petit chef dans toute sa splendeur, il cherche sans cesse la petite bête à ses employées, mères de famille, flirtant allègrement avec le harcèlement moral. “Je voulais montrer que la burnerie n’est pas que l’histoire de gros machos”, précise Raphaëlle Giordano.

Dans les faits, pourtant, cette pathologie concerne une majorité d’hommes (entre 50 et 75% selon les études). “Ils ont été élevés au biberon du pouvoir, de la domination, de la force, du machisme”, nous apprend l’auteure. “Difficile pour eux d’enrayer d’un claquement de doigts des comportements aussi enracinés”.

10% de la population

Les hypernarcissiques représenteraient 10% de la population. Cela n’étonne pas Christine Calonne. “Ils sont le symptôme d’une société qui va mal et qui cultive des valeurs telles que: ne pas montrer ses sentiments, être performant, gagner de l’argent…”. Et en ce sens, ils sont particulièrement appréciés par le monde du travail. “On les trouve souvent au sommet, confirme la psy, parce qu’ils sont prêts à écraser des têtes, nuire, dévaloriser, manipuler pour gravir les échelons”.

Plus étrange, ils séduisent également les femmes. Jean Cottraux, psychiatre et auteur de Tous narcissiques, explique: “Les narcissiques savent jouer des pièges de la passion, jusqu’à ce que leurs proies se rendent compte que la seule vraie passion qu’ils n’aient jamais eue, c’est eux”.

Seuls car épuisants

Les points communs des hypernarcissiques? Orgueil, jugement, égocentrisme, manque d’écoute, d’empathie, d’altruisme, soif de domination, tendance à l’agressivité, impatience ou intolérance. “Ils sont aussi profondément seuls”, ajoute Christine Calonne, psychologue clinicienne, spécialisée dans l’aide aux victimes et auteure de Les pervers narcissiques: 100 questions/réponses. “Car vivre avec un narcissique est difficile: son narcissisme ne lui permet pas de vivre dans l’échange. Avec lui, on ne se sent jamais écouté, aimé, on est sans cesse critiqué, il ne sait donner ni compassion ni temps. À la longue, il épuise son entourage et finit par se retrouver seul”. “En réalité, continue Christine Calonne, leurs comportements sont des défenses mises en place contre la dépression, les angoisses, le manque d’estime de soi, le sentiment d’abandon”.

Le signe d’une souffrance?

Dans le roman de Raphaëlle Giordano, Maximilien avoue: “J’ai passé ma vie avec la croyance que pour être un homme, un vrai, il fallait être dur. Ne pas montrer ses émotions. Pour mon père, les sentiments, c’est pour les bonnes femmes. Quand on est un homme, on ne pleure pas. On serre les dents et on avance. Toujours en train de mettre une pression d’enfer pour être le premier et tenir les autres à distance pour ne pas m’impliquer émotionnellement… Et au final, j’ai réussi quoi? À me couper de la vraie vie. Et de moi-même. Une espèce d’anesthésie générale”.

Ces enfants, souvent, ne se sont pas sentis aimés pour ce qu’ils étaient, nous dit Christine Calonne “parce que leurs parents étaient absents (épuisés, dépressifs ou concentrés sur leur carrière) ou parce qu’ils les ont élevés de manière stricte avec des messages tels que ‘il faut être fort/le meilleur’, ‘ne pas montrer ses émotions’… C’est le cas aussi des enfants éduqués de façon ultralibérale, sans limites: les enfants deviennent de petits tyrans et le restent”.

Quelle différence avec le pervers narcissique?

Il est important de différencier le narcissisme et l’hypernarcissisme. Ils sont tous deux une composante de l’ego, mais le deuxième se développe de manière exagérée. En effet, le narcissique aime se vanter devant les autres, mais n’aura pas un trait de caractère dominant. Alors que l’hypernarcissique aime dominer dans le but d’être le premier, le meilleur.

À l’inverse du pervers narcissique, par contre, l’hypernarcissique ne cherche pas à blesser ou à se cacher derrière des stratégies pour amadouer son public. C’est un compétiteur qui manque clairement d’empathie.

Reconnaître un(e) hypernarcissique

Selon les critères du DSM, le manuel des troubles mentaux de l’Association Américaine de Psychiatrie, cités par Jean Cottraux, l’hypernarcissique répond à au moins cinq de ces neuf caractéristiques:

  • Il/elle a le sens de sa propre importance, surestime ses réalisations et ses capacités et s’attend à être reconnu(e) comme supérieur(e).
  • Il/elle fait preuve d’attitudes et de comportements arrogants et hautains.
  • Il/elle a des fantasmes de succès illimité, de pouvoir, de splendeur, de beauté ou d’amour idéal.
  • Il/elle pense être exceptionnel(le) et ne pouvoir être admis(e) ou compris(e) que par des institutions ou des gens spéciaux et de haut niveau.
  • Il/elle a un besoin excessif d’être admiré(e).
  • Il/elle pense que tout lui est dû.
  • Il/elle utilise autrui pour parvenir à ses fins.
  • Il/elle manque d’empathie.
  • Il/elle envie les autres et croit que les autres l’envient.

Comment gérer ce profil? 5 conseils

  • Posez vos limites car l’autre ne peut les respecter si vous ne les avez pas énoncées clairement. Dites non et n’hésitez pas à appliquer la technique du “disque rayé en répétant ce non de manière ferme.
  • “Plus vous aurez confiance en vous, moins ils auront de prise”, affirme Raphaëlle Giordano.
  • “Identifiez vos propres failles”, conseille Christine Calonne, car le narcissique aura tôt fait de trouver votre point faible.
  • En cas de conflit, tentez la communication non violente: premièrement, exposez les faits brièvement. Ensuite, parlez de votre ressenti en “je”. Et enfin, proposez un accord satisfaisant pour les deux interlocuteurs. “Cette manière de communiquer n’est hélas pas tenable toute une vie”, regrette Christine Calonne.
  • Des recours juridiques existent en cas de harcèlement. Renseignez-vous auprès du conseiller en prévention interne ou externe de votre entreprise si vous y êtes confrontée au boulot. Mais “fuyez”, résume Christine Calonne, car il n’est pas possible de rester indemne si l’on est victime de violence au quotidien.

Suis-je parfois hypernarcissique?

Nous pourrions toutes et tous faire preuve d’hypernarcissisme à un moment ou à un autre de notre vie. Ne vous est-il jamais arrivé de hurler sur un automobiliste ou un piéton sans réelle raison? De vous fâcher sur votre enfant comme pour lui faire porter le chapeau? “Ça nous arrive à tous, rassure Christine Calonne. À force de frustrations accumulées, on finit par exploser et décharger sa colère n’importe où. C’est humain, et cela ne fait pas de vous un monstre, mais il est préférable d’évacuer sa colère au fur et à mesure”.

Témoignages

“Il entre chez moi, sans y être invité et donne son avis sur tout”

Françoise, 55 ans: “Quand je me suis séparée de mon mari, il y a une dizaine d’années, mon voisin, divorcé lui aussi, a dû se dire qu’une femme était complètement incapable de se débrouiller seule. Du coup, il a commencé à me donner des conseils sur l’entretien de mon jardin ou de ma chaudière, à insister lourdement sur le fait que je devais l’appeler si j’avais un souci. Ce que je n’ai jamais fait, évidemment. Mais ça ne l’empêche pas de venir. Avec le temps, c’est devenu de plus en plus lourd: il lui arrive de sonner chez moi et d’entrer sans y être invité. Je l’ai déjà mis plusieurs fois à la porte, mais rien n’y fait. Même pas le fait qu’un autre homme partage aujourd’hui ma vie. Il a un avis sur tout et ne peut s’empêcher de le donner!”

“Tout était prétexte à s’emporter, c’était un éternel insatisfait”

Élodie, 40 ans: “J’ai vécu quatre ans avec quelqu’un qui pouvait s’emporter pour un oui ou pour un non: un apéro servi trop tôt, deux glaçons au lieu de trois, les bougies pas allumées, pas assez chaud ou trop dans la maison… Tout était prétexte à s’emporter, la vie était un véritable enfer pour moi. J’ai même développé de gros soucis de santé à force d’essayer de ne pas le contrarier, ce qui est impossible avec un éternel insatisfait! Pour moi, c’était un grand frustré qui pensait savoir tout mieux que tout le monde. Pour supporter la situation, je me suis mise au sport, puis j’ai fini par le quitter”.

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