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"Les gens ne comprenaient pas que je puisse être barbu et m'appeler Jeanne…" © Doc. privé

Edward-Jeanne, 30 ans: “Dans ma tête, j’ai toujours été un garçon”

Edward-Jeanne est né homme dans un corps de femme. À 30 ans, malgré un parcours souvent compliqué, il vit sereinement sa transidentité.

“Mon prénom est Edward-Jeanne. Je suis un homme transgenre. Né garçon dans un corps de fille. Ma mère m’avait prénommée Jeanne. Beaucoup de transgenres veulent faire disparaître leur ancien prénom pour clore ce chapitre douloureux de leur vie. Moi j’ai toujours aimé mon prénom. Je ne voulais pas en changer. Mais plus ma transition avançait, plus il me causait des soucis. Les gens ne comprenaient pas que je puisse être barbu et m’appeler Jeanne… Le jour du baptême de mon neveu, alors qu’on était à table en famille, j’ai demandé à ma mère de me choisir un prénom masculin. Je n’y avais pas réfléchi jusque-là, mais il me semblait logique que ce soit elle qui choisisse. J’ai vu de l’émotion dans ses yeux. Edward! Elle m’aurait dit Robert ou Christian, peu importe. C’était son choix de maman. Depuis, je m’appelle donc Edward-Jeanne.”

Un petit garçon comme les autres

“Ma famille m’a toujours accueilli tel que j’étais. Quand j’ai décidé de ne plus porter de robes, vers l’âge de 4 ans, ma mère les a reléguées au placard et remplacées par des salopettes. Je n’avais évidemment aucune conscience de ma transidentité. Dans ma tête, j’étais un petit garçon comme les autres…

Un jour, je devais avoir 7 ou 8 ans, l’institutrice a séparé la classe en deux pour un atelier: les filles d’un côté, les garçons de l’autre. Moi, naturellement, je me suis dirigé vers le groupe des garçons. La maîtresse m’a mis la main sur l’épaule et m’a dit: “Ah non, toi, Jeanne, tu es dans l’autre groupe!” Je m’en souviens comme si c’était hier. Mon cœur s’est serré. Pourquoi me mettait-on avec les filles alors que j’étais un garçon? Au fil des ans, ce type d’incident s’est répété, me laissant dans une totale perplexité. Plus je grandissais, plus je me posais de questions.”

Le jour des premières règles

“Mon corps s’est ensuite mis à changer. Très tôt, très vite. Quand j’ai eu mes premières règles, j’ai dit à ma mère: ‘Je ne veux pas!’ Sa réponse fut implacable: ‘C’est la nature, Jeanne. Tu es une femme.’ J’ai beaucoup pleuré, mais je me suis dit que je n’avais pas le choix. J’avais passé 10 belles années à jouer au petit garçon, il était temps de grandir, je devais devenir une femme…

À 13 ans, j’ignorais encore tout de la transidentité. Je ne comprenais rien à ce qui m’arrivait.

J’ai laissé pousser mes cheveux, j’ai commencé à me maquiller. Mais je n’y croyais pas trop moi-même. Pour me conforter dans l’idée d’être une femme, j’avais besoin de l’approbation des hommes. Très jeune, je me suis donc lancée dans une course effrénée aux garçons. Mais c’était chaotique. Ça m’apportait davantage de souffrance que de satisfaction. Je me sentais mal après les ébats, comme si j’avais fait un truc que je ne voulais pas. Je me sentais aussi très mal devant le miroir: ce corps, ce n’était pas moi. À l’époque, à 13 ans, j’ignorais encore tout de la transidentité. Je ne comprenais rien à ce qui m’arrivait. En parler? À qui? On me prendrait pour une tarée. J’ai préféré me taire. Me replier sur moi. Mais à l’intérieur, c’était le chaos.”

Révélation dans la baignoire

“À 14 ans, mon regard a été attiré par une fille. Après un petit jeu de séduction, elle m’a embrassée. Ce fut une révélation. Je suis rentrée à la maison folle de joie: ‘Maman, je suis lesbienne!’ Je pensais avoir trouvé la réponse à toutes mes questions, la solution à tous mes maux. Je me suis rasé les cheveux, j’ai commencé à faire de la muscu… et pendant plusieurs années, j’ai ainsi vécu dans le rôle de la parfaite lesbienne masculine. Mais ce n’était qu’un rôle, et il ne me convenait qu’à moitié. Je ne supportais plus de voir mes seins dans le miroir, de devoir les toucher sous la douche. Je ne supportais plus mon corps. Je ne me supportais plus.

Mon mal-être était de plus en plus grand, mon anxiété de plus en plus profonde. J’ai voulu me foutre en l’air. Ça a été le plus beau jour de ma vie. J’étais dans la baignoire, avec mon rasoir, prêt à me tailler les veines et il s’est passé un truc surnaturel: je me suis vu heureux, épanoui… en homme! À cet instant-là, pour la première fois, j’ai compris que j’étais un homme dans un corps de femme. Je suis sorti de la baignoire, j’ai posé le rasoir, je me suis regardé dans le miroir et je me suis dit à voix haute: ‘Tu vas y arriver’.”

Un premier amour qui ouvre les yeux

“J’avais désormais conscience d’être un homme transgenre, mais il me fallait encore apprivoiser l’idée. J’ai commencé mon parcours de transition à 23 ans. Je savais que ce serait long. À ce moment-là, j’étais célibataire et je comptais le rester: ce n’était pas le moment d’avoir quelqu’un dans ma vie. Mais l’amour arrive souvent quand on ne l’attend pas!

J’étais impatient d’être débarrassé de mes seins.

C’est ainsi que j’ai rencontré Émilie. Au premier regard, elle a pensé que j’étais un homme. Je lui ai expliqué que j’étais en transition. À ma grande surprise, comme ma famille et mes amis avant elle, elle a réagi de manière très ouverte. Émilie a été mon premier grand amour. Elle m’a accompagné durant toute ma transition, jusqu’à la mammectomie. Cette opération était essentielle pour moi, j’étais impatient d’être débarrassé de mes seins. Malheureusement, le résultat n’a pas été à la hauteur de mes espérances. J’ai alors vu de l’empathie dans les yeux d’Émilie, alors que j’aurais voulu y voir du désir. Je me suis dit qu’elle méritait mieux. La séparation fut douloureuse, mais douce.”

“Aimer l’homme transgenre que je suis”

“Cette rupture m’a offert l’occasion d’être seul avec moi-même. De faire le point. Pour être bien avec les autres, il fallait d’abord que je sois bien avec moi. Ce n’était pas le cas! J’avais passé tellement d’années à me dénigrer que mon amour-propre était au plus bas. Mes blessures étaient à vif. Je devais prendre le temps de les soigner. Je devais apprendre à aimer l’homme transgenre que je suis. Et renoncer à l’idée d’être un jour un homme cisgenre. J’ai bien sûr songé à l’hystérectomie, à la phalloplastie… Mais en ai-je vraiment envie?

Chacun vit la transition à sa manière, à son rythme. Aucune opération n’est obligatoire. Il faut se poser les bonnes questions. Est-ce que je le fais pour moi? Ou pour les autres? Pour moi, la mammectomie était vitale. Le reste, on verra avec le temps… Ça ne m’empêche pas de me sentir pleinement homme. Si j’envisage l’hystérectomie, ce ne sera qu’après ponction d’ovocytes. Cela me permettrait d’avoir un enfant de mes gènes. Mais je ne compte pas le porter! Je préfère que ma femme soit enceinte, et elle aussi… On est raccord, c’est cool.”

Accompagner les personnes transgenres

“L’insertion professionnelle n’est pas simple pour une personne transgenre. J’ai donc créé mon propre métier. J’ai suivi plusieurs formations pour devenir coach PNL (programmation neurolinguistique, ndlr) humaniste. À 30 ans, à ce stade de mon parcours, je pense que je peux être utile aux personnes déboussolées par les questions de transidentité. J’accompagne des personnes transgenres ainsi que leurs proches. Tous ont d’abord besoin d’être rassurés. Les parents ont peur de perdre leur enfant. Je leur dis: ‘Regardez-le dans les yeux, vous verrez qu’il n’a pas changé.’ Ils passent par des moments compliqués, et je les comprends. Je les ai vécus. Mais ce sont toutes ces épreuves qui ont fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui. J’aurais pu survivre tant bien que mal en restant Jeanne, j’ai choisi de vivre pleinement en étant Edward-Jeanne.”

Pour aller plus loin

Edward-Jeanne Cerdan raconte son parcours dans un livre: L’indompté. Confidences tendres et authentiques d’un homme transgenre, éd. Good Mood Dealer. Vous pouvez aussi le suivre sur Instagram: @edw_great.

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