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Témoignage: “Je suis une maman hypersensible et c’est mon super-pouvoir”

Comme plus de 20% de la population, Claude, 42 ans et maman de 3 enfants, est dotée d’une haute sensibilité. Elle nous explique comment ce trait de caractère implique sa parentalité, et comment elle en a fait un atout.

L’hypersensibilité désigne une haute sensibilité. Un trait de caractère qui serait commun à plus de 20% de la population et qui se manifeste par une stimulation accrue à l’environnement: sensibilité aux bruits, aux odeurs, à la lumière, hyperexcitabilité, hyperstimulation intellectuelle et émotionnelle… Si l’hypersensibilité peut être difficile à vivre, elle regorge d’atouts tels qu’une créativité accrue, une grande empathie, une forte intuition et une belle intelligence émotionnelle.

Lire le début du dossier: Sommes-nous toutes hypersensibles?

Maman et hypersensible

Claude a découvert son hypersensibilité à l’âge adulte. Si elle a longtemps considéré cela comme un frein à une maternité épanouie, elle voit les choses d’une autre manière depuis qu’elle a appris à vivre avec “sa particularité”, comme elle dit. Elle nous explique comment elle a fait de son hypersensibilité un super-pouvoir.

“Toute petite déjà, j’avais la sensation d’être différente des autres. J’avais peu d’amis, pour la simple et bonne raison qu’ils ne me comprenaient pas. Et je ne pouvais pas vraiment leur en vouloir, parce que moi aussi, j’avais beaucoup de mal à me comprendre… Ce qui était le plus difficile était de comprendre pourquoi je ressentais tout si intensément: la joie, mais aussi la peine et les déceptions. Ce qui paraissait anodin pour la plupart des gens était une tragédie pour moi. Et c’était parfois difficile à gérer pour les autres: mes proches, les profs et mes quelques amis”.

Chez Claude, ce trop-plein émotionnel a été mis sur le compte de l’adolescence. “Après tout, les ados ne sont-ils pas tous des Drama Queen? Sauf que mon émotivité à fleur de peau n’a pas disparu à l’âge adulte…”.

Incomprise, partout, tout le temps

Claude a 20 ans quand elle décide de quitter la maison: “Je ne me sentais ni comprise ni à ma place chez mes parents. Avec le recul, je pense qu’ils étaient simplement dépassés par ma grande sensibilité, mais à l’époque, je ne voyais pas les choses comme ça. Je suis donc partie vivre avec mon petit copain. Au début, je me suis sentie un peu mieux: je suivais mes règles, mes envies, mon rythme, et ça me convenait pleinement. J’étais plus calme et équilibrée ‘à l’intérieur’, mais mon émotivité était toujours aussi importante… Ce qui rendait ma relation amoureuse parfois compliquée”.

Les milieux dans lesquels j’évoluais attendaient de moi que je sois constante

Le compagnon de Claude, qui deviendra le père de ses enfants, a beaucoup de mal à gérer les débordements émotionnels de la jeune femme: “Je suis une personne entière et vive, qui déteste les demi-mesures et le flou. De son côté, mon compagnon a tendance à ne pas montrer ce qu’il ressent et à cultiver l’ambiguïté dans à peu près toutes les situations”.

Perte de confiance

Les années qui suivent, Claude vit une énorme baisse de confiance en elle: “Les milieux dans lesquels j’évoluais attendaient de moi que je sois constante, rigoureuse et que je garde mes émotions pour moi: ma belle-famille, qui a élevé des enfants ‘dans le contrôle’ ainsi que mon patron de l’époque, qui voulait que je fasse ce qu’il me demande sans réfléchir, un comble pour une hypersensible. On ne cessait de me reprocher ce trait de caractère émotif, et j’avais la sensation de n’être à ma place nulle part”.

Le tsunami de la maternité

Claude a 24 ans quand elle devient maman: “J’ai toujours eu envie de devenir mère. Pour moi, c’était la suite logique d’une vie d’adulte et surtout, j’avais besoin de trouver un sens à la mienne. Je pensais naïvement qu’être mère m’apporterait le bonheur que je ne trouvais pas ailleurs. Ce fut le cas: la naissance de mon premier bébé m’a rempli d’une joie si profonde que je peux difficilement mettre des mots dessus… Mais cela m’a aussi mise dans une angoisse profonde: j’avais peur de mal faire, de le perdre, peur de ne pas être à la hauteur, d’être une mauvaise mère. Je me prenais la tête pour tout et je n’étais plus vraiment maîtresse de mes émotions, la fatigue n’aidant pas”. Un déséquilibre émotionnel qui bouleverse la vie de la jeune femme.

Que du bonheur, vraiment?

Les premiers mois en tant que maman sont intenses pour Claude, qui a bien du mal à profiter de son bébé: “Je me suis plusieurs fois sentie en détresse, sans oser en parler à mon entourage. J’avais peur d’être jugée une fois encore. On me disait tellement qu’être mère n’était que du bonheur que je me sentais coupable de vivre les choses dans le stress. J’avais le sentiment de me faire manger par la maternité”.

J’avais le sentiment de me faire manger par la maternité

Avec le temps, les choses s’apaisent: son enfant a 2 ans quand elle commence à sortir la tête de l’eau, et goûte à des moments de bonheur. Quelques mois plus tard, la jeune maman tombe enceinte pour la seconde fois. Un petit deuxième qui la plonge à nouveau dans les difficultés émotionnelles, la menant jusqu’au burn-out: “Cette intensité émotionnelle couplée à la fatigue, au stress et à la charge mentale m’a mise en détresse”.

Un burn-out pour tremplin

Il aura fallu que Claude s’écroule pour qu’elle comprenne combien elle avait besoin d’aide: “Avec ce burn-out, j’ai enfin compris que mes émotions dirigeaient ma vie, qu’elles me bouffaient. J’ai compris que les choses devaient changer si je voulais être heureuse”. Claude entame alors une thérapie. Un travail de déconstruction de plus d’un an pendant lequel elle apprend à mieux gérer ses émotions afin d’utiliser son hypersensibilité à bon escient. “J’ai dû faire un gros travail pour me libérer de la culpabilité. Parce que oui, je me sentais coupable d’être ce que j’étais. On m’avait tellement dit que j’étais trop ceci ou pas assez comme cela, que j’avais fini par le croire. En fait, personne ne peut être heureux en se sentant coupable d’être ce qu’il est”.

Le bout du tunnel et un autre bébé

Pendant cette année de suivi, Claude construira avec sa psy des outils qui l’aideront à s’apaiser afin de ne pas laisser les émotions déborder: “J’ai appris à vivre la maternité un peu moins intensément, à ne plus angoisser constamment et surtout à utiliser positivement ma haute sensibilité. Ma grande intuition et mon empathie me permettent d’être très à l’écoute de mes enfants. Et ma faculté à remettre tout en question m’a souvent aidée à trouver des solutions adaptées à leurs besoins. Ils savent qu’ils peuvent me parler, que je les comprends et que je ne les juge pas”.

Après la thérapie, Claude et son compagnon accueilleront un autre enfant. La maman vivra un post-partum bien plus serein. “Avec la thérapie, j’ai pu faire face à mes émotions positives et négatives, lâcher prise sur la perfection que je voulais atteindre et qui m’angoissais. J’ai pu développer des compétences parentales en accord avec ma sensibilité. Par exemple, je n’essaie pas de conformer mes enfants à être comme ceci ou comme cela, et je les encourage à s’accepter tels qu’ils sont, à utiliser leurs émotions comme une force. J’ai trois enfants remplis de sensibilité et ce sont des traits de caractère qu’on cultive à la maison. Lorsque leurs émotions débordent, on les accepte au lieu de les redouter et on met des choses en place pour les apaiser. On grandit ensemble, les enfants et moi. Je pense vraiment que cette sensibilité accrue est un vrai atout, mon super-pouvoir de maman”.

Aujourd’hui, Claude est séparée du père de ses enfants. Elle s’est aussi réorientée professionnellement. “M’accepter telle que je suis m’a poussée à revoir mes priorités et mes relations: si j’ai dû faire des choix difficiles, les milieux dans lesquels j’évolue désormais m’acceptent comme je suis. Je me suis totalement réorientée professionnellement, dans un milieu, le journalisme, où je peux faire preuve de créativité. Et je suis en couple avec un homme qui ne cherche pas à me mettre dans une case. C’est vraiment précieux pour mon épanouissement”.

Faut-il se faire aider et comment?

Les conseils de Claude pour faire de votre hypersensibilité un atout:

  • S’accepter telle qu’on est: “Arrêtez de penser que vous n’êtes pas à la hauteur parce que vos émotions sont intenses. L’hypersensibilité ne définit pas qui vous êtes, même si cela fait bien partie de ce que vous êtes”, conseille la quadragénaire.
  • Se faire aider: si votre hypersensibilité est une souffrance, n’hésitez pas à entamer une thérapie pour apprendre à mieux reconnaître et gérer vos émotions.
  • S’informer: en lisant des livres et/ou en écoutant des podcasts sur l’hypersensibilité mais aussi sur la parentalité afin de trouver des outils pratiques taillés pour vous.

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