Témoignage: J'ai vaincu ma phobie de l'eau. © Filip Filkovic Philatz/Unsplash

Témoignage: “Comment j’ai vaincu ma phobie de l’eau”

Se laver les cheveux, prendre un bain, faire quelques longueurs en piscine ou encore marcher le long de la mer… L’eau, qui est pour la plupart d’entre nous source de plaisir, fut longtemps un cauchemar pour Clémence. Une phobie qu’elle décide de surmonter à 39 ans, quand elle réalise qu’elle est en train de toucher le fond.

“Je ne sais pas à quand remonte ma phobie. L’un des premiers souvenirs que j’ai de mon rapport à l’eau se situe au début des primaires, lors d’un cours de natation avec l’école. J’avais dû faire la planche, comme les autres. Je ne sais plus ce qu’il s’est passé ce jour-là, mais je n’ai plus jamais été dans une piscine ensuite. Tout est assez flou dans ma tête. Je ne sais toujours pas comment j’ai fait pour parvenir à rester sur le bord, semaine après semaine, pendant toutes mes études, alors que mes camarades de classe ne pouvaient échapper sous aucun prétexte au cours de natation. Je n’étais pas malade, je n’avais rien de cassé. Juste cette peur panique de l’eau à en perdre tous mes moyens et me mettre, du coup, réellement en danger au milieu d’une piscine, même lorsque j’avais pied.

Ma stratégie: l’évitement

À la maison, nous n’avions pas de douche. Je remplissais le bain de quelques centimètres lorsque je devais me laver. Face à une baignoire plus remplie, je sentais l’angoisse m’envahir. J’avais même fini par développer une technique pour ne pas faire couler d’eau sur mon visage lorsqu’il fallait me laver les cheveux sous une douche. Rien que de l’imaginer ruisseler sur mes yeux, ma bouche ou mon nez, je suffoquais. Les rares fois où j’ai eu de l’eau sur le visage se sont transformées en crises d’angoisse. J’étais proche de l’asphyxie, ne parvenant plus à respirer.

J’avais même fini par développer une technique pour ne pas faire couler d’eau sur mon visage

Du coup, quand les adolescents de mon âge faisaient des projets de sortie sur le lac ou de week-end à la mer, j’inventais des prétextes pour ne pas avoir à les rejoindre. J’adorais la mer, mais même avec la meilleure volonté du monde, je n’aurais jamais pu y mettre un pied. Et pour la montagne, il suffisait que je voie un lac ou un torrent pour être tétanisée, refusant de continuer. Je me voyais tomber dans la rivière, noyée. Il m’est arrivé plusieurs fois de rester sur place, tandis que les autres continuaient la balade.

De mère en fils

J’ai grandi en apprenant à composer avec cette phobie, tout en tentant de la cacher le mieux possible à mon entourage. J’avais 29 ans lorsque j’ai rencontré l’homme qui allait devenir mon futur mari. Nous avons eu trois enfants, trois garçons plutôt téméraires. Le plus grand avait 5 ans lorsque nous sommes partis en Ardèche en vacances. Nous avions trouvé un camping avec piscine, mais au lieu d’en profiter, les enfants la délaissaient… J’ai réalisé que je leur avais transmis ma peur. Les voir se tenir, comme moi, le plus loin possible du bord, fut une véritable prise de conscience. Pour rien au monde je ne voulais qu’ils souffrent de mes angoisses.

Rendez-vous au canal

De retour en Belgique, j’ai pris rendez-vous chez mon ostéopathe pour qu’il m’aide à m’en sortir. Il m’a conseillé une kinésiologue réputée. Je n’avais jamais entendu parler de cette discipline, mais au point où j’en étais, j’étais prête à tout donc j’ai pris rendez-vous. Lorsque j’ai compris où elle tenait ses consultations, j’ai vacillé: une péniche amarrée sur l’un des bras du vieux canal, à Ronquières! J’aurais pu en rire, si je n’avais pas eu envie de pleurer. Demander de l’aide à quelqu’un qui habite sur l’eau, quelle cruelle ironie…

Le jour de la séance, j’étais paralysée. Arriver jusqu’à la passerelle était déjà un exploit en soi. Que dire alors du fait de l’emprunter? Je me souviens m’être agrippée de toutes mes forces aux cordes et avoir fait un tout petit pas après l’autre, m’obligeant à ne jamais baisser la tête pour éviter de voir l’eau sous mes pieds. Ces quelques mètres de traversée m’ont coûté une énergie incroyable.

Pour rien au monde je ne voulais qu’ils souffrent de mes angoisses

La thérapeute, d’emblée très chaleureuse, m’a aussitôt emmenée dans la salle de consultation, ayant une vue imprenable… sur l’eau alentour. J’ai été prise d’un énorme malaise. Étonnamment, je me suis calmée assez rapidement, assistant au traitement mi-intriguée, mi-amusée. Pour la kinésiologue, mon blocage venait de loin, de mes ancêtres. En guise de conclusion de cette séance à laquelle je n’avais pas compris grand-chose, elle m’a fait lire un texte qui semblait avoir été écrit pour moi. Même si je me sentais mieux, je suis repartie avec de gros doutes quant à l’efficacité de tout ça sur cette phobie chronique.

La séance terminée, il fallait bien que je ressorte… Je me vois encore réemprunter cette passerelle sans hésiter, d’une traite, à l’aise. J’étais terriblement impressionnée, mais refusais toujours de croire que les effets de la séance puissent être aussi rapides et surtout, aussi puissants. Pourtant, je suis rentrée plus légère, marchant au bord de l’eau sans me sentir aspirée par elle. C’était inespéré et sans doute trop beau pour être vrai. Une fois à la maison, j’ai repris mes stratégies d’évitement de l’eau, par habitude et pour ne pas prendre le risque de réaliser que rien n’avait changé.

Une nouvelle vie

Trois mois plus tard, la société pour laquelle je travaillais m’a demandé de gérer un meeting international qui devait avoir lieu à Cannes… sur un yacht. À nouveau, je n’en menais pas large, d’autant qu’il me fallait prendre l’avion toute seule, perspective qui, elle aussi, me terrifiait. Mais je ne voulais pas refuser une mission professionnelle. Au moment d’embarquer dans l’avion, je m’attendais à ce moment de panique classique. Rien. Je me suis même surprise à adorer le vol. Restait à gérer le yacht. Là encore, contre toute attente, j’étais incroyablement sereine. J’ai eu le déclic lorsque le bateau a levé l’ancre pour une balade en mer. Ma peur était partie! J’étais sur le pont et j’admirais comme une enfant cette énorme étendue d’eau tout autour de moi. Cette fois, le doute n’était plus permis: j’étais guérie.

J’ai eu le déclic lorsque le bateau a levé l’ancre pour une balade en mer. Ma peur était partie!

J’allais avoir 40 ans et une nouvelle vie s’ouvrait à moi. Douches, bains, mais aussi mer, jacuzzi, piscine… Je voulais profiter de tout et rattraper le temps perdu. Avant tout, je voulais apprendre à nager. Par chance, il y avait une petite piscine près de la maison où exerçait une kiné à l’approche très humaine, Brigitte. Elle a aussitôt accepté de m’aider à réaliser mon rêve et m’a appris, avec une patience infinie, à apprivoiser l’eau à mon rythme. Elle a fait de même avec les enfants et nous avons suivi des cours de natation tous les quatre. Le cadet a même suivi des cours de perfectionnement et est un vrai poisson dans l’eau. Quel bonheur de découvrir ces nouveaux plaisirs à leurs côtés!

C’était il y a quinze ans. Depuis, les enfants et moi allons régulièrement faire quelques longueurs. Ils profitent des joies de la mer durant nos vacances et je les observe tout en confiance. J’ai même monté un cours d’aquagym avec Brigitte pour rester en contact avec l’eau. Vous ne me verrez sans doute jamais sauter du plongeoir de 7 m, mais je ne m’en porte pas plus mal. Pas à pas, je suis devenue la Clémence que j’ai dû être à un moment donné de ma vie.

Vaincre ma peur de l’eau m’a donné une confiance en moi qui me permet aujourd’hui de vivre ma vie comme je la souhaite. Je suis heureuse et fière, pleine de gratitude face à ce tout ce que la vie m’offre.”

Texte: Marie Bryon/Coordination: Julie Rouffiange

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