Unsplash © Brooke Cagle

L’art de la répartie: 10 clés pour devenir intarissable dans ce domaine

Avoir de la répartie, voilà un talent qui n’est pas donné à tout le monde. Si certaines ont la réplique qui fuse, d’autres ont le souffle coupé. Pourtant, répondre du tac au tac est un art qui s’apprend.

Au travail, à un repas en famille, à une soirée avec des amis… Peu importe la situation, c’est toujours la même chose. Face à une remarque, vous sentez la chaleur vous monter au visage, votre cœur s’accélère, un sentiment de gêne et de colère vous envahit et… c’est le black-out: vous ne savez pas quoi répondre, vous bredouillez une phrase médiocre, ou pire, vous devenez agressive. Puis, pendant le reste de la journée, vous fulminez: “Mais voilà ce que j’aurais dû répondre!”

Une bonne répartie, on en rêve. Savoir répliquer avec élégance, lancer la phrase qui fait mouche et, par la même occasion, rééquilibrer le dialogue et réaffirmer sa place. Pourquoi certaines personnes n’ont-elles pas de répartie? D’où vient le blocage? Peut-on apprendre à bien répliquer?

La peur de déplaire

Isabelle Nazare-Aga, psychologue spécialisée dans l’art de contrer le jeu des manipulateurs, mène depuis 35 ans des groupes d’entraînement à l’affirmation et l’estime de soi. Selon elle, l’un ne va pas sans l’autre: les personnes qui manquent d’estime de soi sont aussi souvent dépourvues de répartie. “Elles souffrent généralement d’anxiété sociale et sont bloquées par deux croyances. La première est celle de penser qu’elles ont besoin d’être aimées de tous. Elles éprouvent alors des difficultés à dire ce qu’elles pensent de peur de blesser l’autre et de se sentir rejetées. La deuxième est de croire qu’elles doivent être parfaites, irréprochables. Si bien qu’une pique qui pointe une lacune ou un défaut les blesse profondément. Enfin, à cela, on peut rajouter une troisième croyance, celle que les femmes ne doivent pas être agressives. Or, pour avoir de la répartie, il faut parfois faire preuve d’ironie, qui est une forme d’agressivité contrôlée, mais aussi d’humour. Autre chose que très peu de femmes s’autorisent”.

L’art de la répartie: que l’entraînement commence

Heureusement, de la même manière qu’on peut renforcer ses muscles, on peut s’entraîner à mieux utiliser sa parole. “La répartie, explique Monia Gandibleux, coordinatrice des Ambassadeurs d’expression citoyenne, qui forme les jeunes à l’éloquence, est une question d’attitude. Dans tous les sens du terme: il faut muscler son ventre, ses mots, sa pensée et son cœur, pour ne jamais tomber dans l’attaque et la violence”.

1. Analyser

Il y a cette pique lancée par un collègue que vous n’avez jamais digérée. Celle d’un beau-frère qui vous a fait bouillir intérieurement au dernier repas de Noël. Avec un proche, une amie, rejouez la situation traumatisante pour la transformer en expérience positive. “On se remémore ce qu’il s’est passé et on se demande ce qu’on aurait pu répondre, conseille Monia Gandibleux. Une fois qu’on a sa réplique, on analyse ce qui nous a empêché de la sortir. J’ai été bloquée, je ne m’y attendais pas, j’étais surprise, soufflée, estomaquée? Souvent, on trouve la réplique après coup, ce n’est donc pas l’idée qui manque, mais la capacité à débloquer dans l’instant certains leviers, comme la respiration et la créativité”.

2. Respirer

Dans son livre L’art de la répartie, Séverine Denis parle de l’effet de sidération que provoque une remarque désagréable. Monia Gandibleux invite alors à travailler sur sa respiration pour dépasser ce stade. “La respiration peut dégeler une situation où l’on se sent congelée sur place. Je préconise une technique de gestion de stress: on inspire quatre secondes, on bloque l’air quatre secondes, on expire quatre secondes. À répéter plusieurs fois s’il le faut. Cela laisse le temps de reprendre ses esprits et d’aligner son corps pour que la réponse sorte d’un bloc”.

3. S’ancrer

Inspirer, expirer, poser sa voix. Monia Gandibleux rappelle que la parole passe par le corps et que nous avons tendance à négliger ce dernier. “Quand on est déstabilisée par une provocation, on l’est aussi au sens physique du terme. On croise tout ce qu’on peut croiser, les mains, les jambes, les bras. Il suffit alors d’être légèrement bousculée pour tomber. Pour rester solide face à une pique, il faut s’ancrer, ressentir ses jambes, stabiliser le bassin, le ventre et aligner le cœur et la tête. Une façon aussi d’affirmer sa présence, ici et maintenant”.

4. Oser

Ceux qui ont le sens de la répartie vous le diront: “C’est sorti tout seul!”. La réplique les a traversés sans même qu’ils aient eu le temps de réfléchir. Si la répartie relève chez certains d’un talent inné, d’un réflexe qui mobilise des mécanismes inconscients, c’est qu’elle est liée à la capacité à lâcher prise… Et à laisser se former les images mentales au lieu de s’adonner à un argumentaire rationnel qui, bien souvent, tapera à côté. Dans son ouvrage L’art de la répartie, Séverine Denis explique: “L’art de la répartie se produit à partir d’une image qui jaillit en soi et que l’on peut synthétiser en quelques mots ou une courte phrase d’une façon réactive”.

5. Se réconcilier avec sa créativité

Pour Monia Gandibleux, une bonne répartie, comme tout bon argument, doit être concise, complète et concrète. “Les mots sont des outils, et comme l’artisan, il faut savoir affiner son propos, l’aiguiser, l’affûter pour aller droit au but. D’où l’importance de manier les images, les métaphores qui synthétisent une idée”. Il existe un jeu simple pour stimuler la créativité: à un dîner, l’un donne un mot et le voisin rebondit avec un autre. “À ‘maison’, vous répondrez peut-être ‘porte’, ‘jardin’ ou ‘bonheur’. Ce jeu permet d’ouvrir le champ lexical et de prendre conscience de ce qui est à l’œuvre dans sa manière d’utiliser les mots. Réfléchit-on par opposition, par addition? On est bon en répartie quand on travaille sa connaissance de soi”.

6. Prendre de la hauteur

Moucher, clouer le bec, fermer le clapet… Lorsqu’on se sent attaquée par une provocation, il est facile de confondre répartie et clash. “Une bonne répartie, précise Monia Gandibleux, est capable de cibler l’autre, sans le blesser, tout en s’élevant. Je prends son arme, je ne la pointe pas contre mon adversaire, mais je m’élève avec. Mais en aucun cas, je ne l’écrase. Sinon on rentre dans un cycle de violence dans lequel chacun se renvoie ses propres blessures et le débat devient stérile. Sortir du jeu dans lequel l’autre nous a enfermée en prenant de la hauteur, c’est la priorité et c’est à ça que sert la répartie”.

7. Écouter et décrypter les intentions

Pour bien répondre, encore faut-il savoir bien écouter. “Un bon exercice est de trouver le mot-clé, le mot central dans le discours de l’autre. C’est sur celui-là qu’il faut rebondir”, conseille Monia Gandibleux. Mais écouter l’autre est aussi indispensable pour décrypter ses intentions et adapter sa réplique en conséquence. “On peut se retrouver piégée par ses émotions parce qu’on interprète mal les propos. Ce qu’on prend comme une pique se révèle être une boutade, certes maladroite, mais rarement malveillante. Il est alors possible de dédramatiser la situation et retrouver confiance en soi pour rétorquer de manière appropriée… et pourquoi pas simplement avec un silence”. En effet, faut-il nécessairement répondre à tout?

8. User du silence

Face à une remarque qui nous met en difficulté, ne pas saisir la balle au bond n’est pas forcément un échec. Au contraire. “J’aime bien utiliser la métaphore du badminton. Si tu touches le volant alors qu’il allait vers la sortie, tu perds le point”, illustre Monia Gandibleux. User du silence s’avère en effet salvateur dans certains cas. “Quand il n’y a pas d’enjeu, quand la personne n’en vaut pas la peine, ou qu’elle est méchante. Car lorsque quelqu’un est dans l’attaque, il exprime en réalité quelque chose de sa zone, sa colère ou sa méchanceté, et cela ne vous appartient pas”.

9. Trouver son style

Répondre sur le ton de l’autodérision, avec un brin d’insolence, par une pirouette, sous forme de question ou, pourquoi pas, avec un compliment! Il y a autant de façons de répartir que de personnalités. Une palette de styles que propose d’explorer le jeu de cartes TAkAttAk, développé par Geneviève Smal, formatrice en prise de parole en public. Chaque carte contient sur le recto la pique à laquelle il faut répondre et sur le verso la couleur qui indique le style de la réponse. À chacun de voir dans quel registre il se sent le plus à l’aise!

10. Distinguer pouvoir et puissance

Ça y est: vous êtes prête à goûter désormais au pouvoir d’une réplique bien envoyée. Mais si avoir de la répartie est valorisée socialement, il faut en faire un bon usage. “Parfois, souligne Monia Gandibleux, il est bon de se dire: j’ai ma répartie, je suis alignée, je suis combattante, est-ce que j’envoie ma bombe? Qu’est-ce que cela va m’apporter? Avoir plus de confiance en soi ou nourrir son orgueil, ce n’est pas du tout la même chose”. Et Monia d’enchaîner avec un argument d’autorité en citant Montesquieu: “Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser”. “Si tu goûtes à cette capacité à te faire entendre par le verbe, transforme ce pouvoir en puissance. Et la puissance implique aussi la retenue. C’est comme avec une Ferrari: tu peux conduire à cette vitesse-là, mais tu n’es pas obligée de le faire. Une fois qu’on maîtrise le sens de la répartie, c’est pareil. Tu sais que tu peux rugir et c’est parfois suffisant pour se sentir bien face à une attaque”.

Pour aller plus loin:

  • Le brio d’Yvan Attal, 2017 (film).
  • Ridicule de Patrice Leconte, 1996 (film).
  • Se former à l’éloquence grâce à ambassadeurs.org.

Texte: Emilie Pommereau, coordination: Christelle Gilquin, adaptation Web: Justine Leupe

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