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“Clean With Me”: quand le ménage permet de noyer son anxiété

Des femmes qui se filment en train de faire le ménage huit heures d’affilée sur YouTube. Voilà la matière première du documentaire glaçant réalisé par Gabrielle Stemmer, qui a remporté le prix spécial au Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand.

Pour son film de fin d’études, Gabrielle Stemmer a réalisé un incroyable documentaire à partir de vidéos YouTube de femmes qui se filment en train de faire le ménage: “Clean With Me (After dark). Un sujet qui pourrait prêter à sourire. “J’avais peur qu’on se moque d’elles”, confie la jeune réalisatrice de 28 ans. “Mais les gens ont compris le message”.

Une passion pour les tutos Youtube

Le documentaire débute avec une jeune femme blonde, apprêtée, qui vide le lave-vaisselle, le remplit et nettoie l’évier. “Cleaning the sink is a kind of therapy for me” (nettoyer l’évier est comme une thérapie pour moi) explique la youtubeuse. Petit clin d’œil à la méthode d’organisation “FlyLady” dans laquelle un évier qui brille est le point de repère pour reprendre de bonnes habitudes dans son organisation domestique et garder la motivation. Mais très vite on se demande: pourquoi ces femmes se filment-elles? Et pourquoi ai-je envie de continuer à regarder? Gabrielle Stemmer est partie de sa propre fascination pour ce genre de vidéos pour choisir le sujet de son documentaire. “Je regarde beaucoup de tutos sur YouTube, sur le maquillage, les conseils, les “morning routine”… J’aime voir l’intérieur de ces youtubeuses, le quotidien de ces madames Tout-le-monde. Et un jour l’algorithme Google a décidé qu’il était temps pour moi de découvrir les vidéos “clean with me”.

Faire le ménage par procuration

La jeune réalisatrice de 28 ans ne cache pas son addiction pour ces vidéos de ménage intense. “J’ai commencé à regarder ces femmes en train de nettoyer leur maison. J’étais fascinée de voir la transformation d’une pièce, le fait de voir quelque chose s’accomplir en temps réel, de voir le résultat d’une pièce rangée et nettoyée. C’est devenu une passion un peu bizarre qui interpellait mes amis et qui a commencé par m’interpeller moi-même. Pourquoi est-ce que je regardais ces vidéos? Pourquoi me faisaient-elles du bien? Je ne suis pas spécialement organisée, je n’aime pas vraiment faire le ménage. Vivais-je ces actions par procuration? Était-ce une sorte de catharsis? C’était le point de départ de mon documentaire. Aujourd’hui je n’ai toujours pas la réponse. En revanche, j’en sais un peu plus sur ces femmes”.

Des femmes au foyer en détresse psychologique

Et ce qu’on découvre dans le documentaire “Clean With Me” est bien plus profond et grave qu’un évier de cuisine qui scintille de mille feux. Grâce à sa technique de montage empruntée au “desktop documentary”, Gabrielle Stemmer nous guide sur l’écran de son ordinateur au travers de ses recherches sur Youtube, Instagram et Google Earth à la découverte de ces femmes. Et il ne faut pas chercher bien loin. L’une des youtubeuses explique ouvertement sur son compte “Keep Calm and Clean” qu’elle souffre d’anxiété et que le ménage l’aide à surmonter ses angoisses. Mariée très jeune, mari militaire souvent absent, maternité vécue dans la solitude, isolement, ennui, absence de vie sociale, d’amis… La maison devient rapidement la seule et unique perspective de la journée de ces femmes au foyer américaines.

 

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Rendre visible le travail invisible des femmes

Durant la réalisation de son documentaire, Gabrielle Stemmer explique avoir lu “Le Deuxième Sexe” de Simone de Beauvoir. “C’était en 1949, donc c’est une autre époque, mais l’auteure y explique comment le travail de la femme au foyer s’inscrit en négatif par rapport à celui de l’homme qui travaille. La femme à la maison enlève les taches, les salissures, tandis que l’homme qui travaille amène de l’argent, produit des richesses. Le malheur de la femme viendrait de son travail qui est invisible. Elle souffre d’un manque de reconnaissance. Avec les vidéos “clean with me”, les femmes au foyer montrent leur travail”. Même s’il est souvent fait la nuit, quand la maisonnée dort, d’où le nom “after dark” accolé au titre du documentaire. “Mais ce qui est le plus effrayant, c’est la dimension de surveillance. Quand elles se filment en train de récurer leur maison pendant 8 heures d’affilée, c’est comme si elles avaient besoin de prouver quelque chose, de s’auto-persuader qu’elles étaient productives, qu’elles prenaient leur vie en main”.

Femme au foyer Versus “Momtrepreneur”

Mais que penser de cette mise en scène des tâches ménagères? Gabrielle Stemmer est claire: “le problème n’est pas de s’occuper de sa maison où d’être femme au foyer, c’est l’absence d’autres perspectives dans la vie qui pose problème. C’est tout le temps que ces femmes consacrent à ces tâches. Même si elles engendrent des bénéfices avec leurs vidéos et qu’elles se présentent comme des entrepreneures, elles perpétuent l’image que personne d’autre ne fera aussi bien le ménage que les femmes et que c’est un modèle de réussite”. Avec ce documentaire, Gabrielle Stemmer attire aussi l’attention sur de nouveaux discours rendus audibles grâce aux réseaux sociaux. “Notamment la souffrance des femmes par rapport à la maternité, la vie domestique, la charge mentale. Ces choses ne se disaient pas avant”.

“Faut sortir de la maison!”, s’exclame Gabrielle Stemmer à la fin de notre interview. “Les femmes sont encore et toujours celles qui s’occupent le plus de la maison. La nouvelle forme de domesticité incarnée par les vidéos “clean with me”, par le mouvement des “tradwifes“, des tutos des produits ménagers faits maison (guidé par l’impératif écologique), alourdit un peu plus la charge mentale des femmes”.

Le court-métrage de Gabrielle Stemmer “Clean With Me (After dark)” a été présenté au Festival international du court métrage de Clermont-Ferrand le 8 février dernier. Malheureusement, le documentaire n’est pour l’instant plus disponible en ligne, mais une diffusion à la télévision sera peut-être prévue. En attendant, voici la bande annonce.

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