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Rencontre avec l’humoriste Jarry: “Je dois tout aux femmes”

Impossible de ne pas être interpellé par la personnalité “atypique” de Jarry. Ses aspects d’hurluberlu et sa sensibilité en ont fait l’un des humoristes préférés des Français. Et des Belges? Véritable amoureux des rencontres, il parcourra dès le mois d’octobre plusieurs villes de Belgique pour nous présenter une toute dernière fois son premier spectacle “Atypique”, dans lequel Jarry nous catapulte dans une histoire rondement menée, celle de sa recherche d’emploi. Rencontre. 

Atypique, qui l’est? Vous ou votre spectacle?

Quand je cherchais un titre pour mon spectacle, je ne savais pas trop comment l’appeler. Et puis un jour, une de mes meilleures amies m’a dit: “dès qu’une personne parle de toi, elle emploie le mot atypique.” C’est vrai, depuis que je suis né, c’était le cas. Les voisins disaient à ma mère: “il n’est pas comme ses frères, il est atypique”. Ce mot est venu naturellement. Est-ce que je suis atypique? Je ne crois pas, je pense qu’on l’est tous. On a tous un petit détail qui fait qu’on ne ressemble pas aux autres.

Votre spectacle l’est aussi quelque part par le thème qu’il aborde, à savoir la recherche d’emploi.

Quand j’ai commencé à écrire le spectacle, je ne voulais pas faire dans l’humour communautaire parce que ça me fait énormément souffrir. Cela bloque les personnes dans une case. C’est comme si on ne pouvait rire que de certaines personnes. Alors je ne voulais surtout pas faire d’humour pour la communauté homosexuelle, que je ne connais pas, que je ne fréquente pas. J’avais envie de faire rire tout le monde. Parler de l’immigration, de politique… Ca m’est insupportable, cela ne fait que nourrir les clichés et donc l’extrêmisme. Je veux que les gens se disent “on a rigolé ensemble”. Appuyons nous là-dessus pour construire.

En choisissant de parler de l’emploi, un thème universel, l’objectif est-il justement de rassembler?

Souvent, on nous demande très tôt ce qu’on veut faire. Cette question nous pétrifie alors que l’on doit s’en foutre. On doit surtout s’intéresser à ce que l’on met en place pour réussir dans nos vies. En commençant quelque chose, on rencontre d’autres personnes qui vont nous emmener sur d’autres chemins. Souvent, je rencontre des jeunes et je leur demande “t’aurais voulu faire quoi?” et ils me répondent par exemple “j’aurais voulu être vétérinaire, mais j’ai peur de ne pas réussir”. Cette phrase est terrible. A chaque fois, c’est la peur qui fait que les gens n’osent pas et cultivent une angoisse qui fait qu’elle nous éloigne les uns des autres. Il faut qu’on se rencontre. C’est notre seule alternative à la violence.

Et la rencontre peut se faire par le rire.

Et le rire pour dédramatiser. Je crois que le rire fait tomber toutes les barrières. Quelque chose qui vient de ton intérieur et qui sort est la meilleure des représentations. Oui, on rigole tous des mêmes choses.

 

Quand on parle de vous, peu importe le milieu, vous faites très souvent l’unanimité. Qu’est-ce que cela vous fait ?

(Jarry est très ému et prend quelques secondes) Ca m’émeut beaucoup parce que, quand j’ai commencé le spectacle, beaucoup disaient “ça ne marchera pas, un homosexuel, ça n’intéresse personne.” Les gens ne voyaient que ma sexualité, cette chose qui me concerne, qui m’isole dans une chambre avec une autre personne, pour plein de gens c’est ma carte d’identité. Ca me blesse énormément car il y a des gens qui me jugent et condamnent avant même de ne m’avoir entendu. Je ne juge jamais personne sur une de ses particularités. C’est ce que j’essaye de défendre. Ce qui est important, c’est que l’on est profondément, les valeurs que l’on porte. Ca me semble tellement être un combat perdu d’avance, alors quand on me dit que des gens m’apprécient, ça me bouleverse.

On a l’habitude de vous voir faire rire, mais vous semblez également très sensible…

Je dis souvent que je ne suis pas assez fort pour vivre cette vie. Je suis trop sensible, en permanence je suis bouleversé. Et je ne peux passer ma vie à encaisser cela. Avec les années, j’ai appris à maîtriser cette sensibilité et surtout à l’accepter comme faisant partie de ma personnalité. Aujourd’hui, ce n’est plus un problème.

Prochainement, vous présenterez pour la dernière fois votre spectacle “Atypique” aux Belges. Quelle sera la suite?

Je vais me lancer dans la réalisation d’un film. Et puis, je vais revenir avec un deuxième spectacle. J’aimerais que celui-ci parle de nous de manière encore plus humoristique. J’ai envie de parler de ces gens que j’ai croisés en quatre ans. Quand tu joues à Namur, ce n’est pas la même chose que quand tu joues à Marseille. Dans tous ces endroits, je rencontre des gens qui sont bienveillants. Et pourtant je rencontre des personnes que je n’aurais jamais croisées dans ma vie. J’ai été étonné avec “Atypique” parce que celles qui ont fait ma réussite, ce sont les femmes. Alors que tout le monde disait « ça ne plaira pas à la ménagère », aujourd’hui j’ai 80% de femmes dans mes salles. C’est fou, parce que dans toutes les cultures, ce sont toujours les femmes qui font avancer les choses. Je dois tout aux femmes.

A commencer par votre maman…

Effectivement. Ma maman est celle qui voyait que j’étais différent, qui n’arrivait pas à mettre des mots dessus et qui m’a protégé. Pendant des années, j’avais ce sentiment d’être un enfant adopté et je me disais “quand est-ce qu’on va me le dire?”. Je ne ressemble pas physiquement à mes frères, et on n’avait pas les mêmes centres d’intérêt. Ma mère me disait “viens avec moi”, je regardais des séries dans la chambre pendant que mes frères regardaient des matches. Sans elle, je pense que je ne serais pas là aujourd’hui. Pendant mon adolescence, ma mère était le seul point qui me donnait envie de vivre. Les mères, les femmes, sont des saintes.

Jarry sera de passage le 9 octobre à Mouscron, le 10 octobre à Binche (complet), le 14 octobre à Bruxelles, le 8 novembre à Charleroi, le 9 novembre à Marche-En-Famenne et le 14 décembre à Mons. Informations et réservations, ici.

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