© Trent Szmolnik/Unsplash

Témoignage: “Je suis surdouée et ça ne me facilite pas la vie”

“Avant d’être dépistée, je savais que j’étais différente des autres, pas que j’étais intelligente”, confie Nathalie. Elle revient sur son parcours, représentatif des difficultés rencontrées par les HP (hauts potentiels) et des incroyables défis qu’ils peuvent relever.

Nathalie est coach, thérapeute et conférencière. Découvrir son haut potentiel lui a permis de comprendre pourquoi elle s’était toujours sentie en décalage. Depuis, elle s’est spécialisée dans l’accompagnement des personnes dotées d’hypersensibilité (l’une des caractéristiques des hauts potentiels) et organise chaque année Douance, un congrès virtuel sur le haut potentiel.

“Avant d’être dépistée, je me demandais pourquoi je ne fonctionnais pas comme les autres. J’avais l’impression d’être une extraterrestre et j’essayais de rentrer dans le moule. Petite, c’est surtout mon hypersensibilité, une caractéristique des hauts potentiels, qui n’était pas bien accueillie. On ne parlait pas des émotions dans ma famille. Or, j’étais très vite touchée émotionnellement. Je me sentais en décalage avec mes parents, même si je les aimais énormément. Ça peut sembler étrange, mais ma chance a été qu’ils étaient restaurateurs et n’avaient pas beaucoup de temps. Ils me laissaient donc assez libre. Pour que je m’occupe seule, ils m’offraient les livres et les jeux que je voulais. Je n’ai pas toujours reçu autant d’attention que d’autres enfants, mais j’ai beaucoup appris grâce à cette liberté. En plus, je faisais de la danse classique 7 heures par semaine et cela m’a sauvée, en me permettant d’évacuer mon énergie et de m’exprimer.

“Toi, tu ne réussiras jamais”

À l’école, c’est en secondaire, quand j’ai dû commencer à étudier, que ça a été compliqué. J’avais du mal à me poser, sans doute à cause de mon hyperactivité: j’avais besoin de beaucoup de calme pour me concentrer. Certains profs manquaient de bienveillance et, ce qui est typique des hauts potentiels, je rejetais alors tout en bloc, le cours, le prof, tout. M’asseoir pour étudier des choses qui me semblaient n’avoir aucun sens était difficile. Mais quand j’y étais obligée, j’y arrivais. Par exemple, j’avais très envie de partir aux États-Unis après ma rhéto, ce qui était rare à l’époque. Pour partir, il était indispensable que je réussisse en première session. Sauf qu’en math, j’avais 37,5/120 en janvier. La prof m’a dit: ‘Toi, tu ne réussiras jamais’. Ça a été un déclencheur. J’ai étudié comme une malade et j’ai réussi mon année!

Pas extraterrestre, mais HP!

On m’avait déjà dit que j’étais HP, mais ça me semblait impossible. C’est lors d’une formation que j’ai réalisé à quel point je ne faisais pas les choses comme les autres. J’en ai discuté avec une collègue concernée par le haut potentiel à titre personnel, et elle m’a amenée à considérer les choses sérieusement. J’ai consulté un site qui reprenait 22 caractéristiques du haut potentiel et je me suis retrouvée dans 21 d’entre elles… J’ai lu énormément sur le sujet, notamment le livre Je pense trop de Christel Petitcollin, dont le titre me parlait. Ça a été le début d’une prise de conscience.

Je me suis résolue à passer un bilan haut potentiel, même si ça me stressait. Je n’en ai pas fait état autour de moi, mais quand je l’ai dit à l’un de mes collègues, il m’a répondu: ‘C’est la grande mode du moment.  Tu viendras me voir quand tu auras passé le test, car je n’y crois pas.’ Des mots très durs…

Quand il est bien réalisé, le bilan comprend au minimum une anamnèse (‘Qu’est-ce qui vous amène à consulter?’ et surtout, on repasse par l’histoire de vie du patient en lien avec sa demande), un test de QI avec un psy, puis un débriefing. Pour être HP, on considère généralement qu’il faut un QI de 130. Mais le QI ne suffit pas, d’ailleurs, on m’avait détendue par rapport à ce chiffre, en m’expliquant qu’on pouvait être quelques points en dessous et HP tout de même. D’autres éléments entrent en compte. Le verdict est tombé: mon haut potentiel était confirmé.

Pas toujours comprise

Ce diagnostic m’a éloignée de certaines personnes. La validation de ma douance a donné tellement de sens à mon vécu. Dans un premier temps, cela m’a donné un sentiment de toute-puissance car j’ai soudain réalisé que j’avais du potentiel. J’ai pu saouler certaines personnes… Mais je suis redescendue très vite. J’en ai parlé à ma mère aussi. J’espérais être reconnue dans ma différence, encouragée, mais ça ne s’est pas passé comme je l’attendais. C’était drôle, elle m’a félicitée comme si j’avais réussi un examen. Pour une fois qu’un chiffre ressemblait à des bons points… (Rires)

De meilleures relations

J’ai toujours eu beaucoup de copains mais j’ai parfois fait de mauvais choix dans mes relations. Mon empathie a pu prendre le dessus sur l’écoute de mes propres besoins, probablement par recherche de reconnaissance. J’ai souvent observé que les personnes très sensibles faisaient confiance très rapidement (un hypersensible n’est pas forcément HP, mais l’inverse l’est: un HP est hautement sensible). Il y a quelque chose de très binaire, on décide de faire confiance, ou non, et on ne continue pas à vérifier, à construire la relation de confiance.

Professionnellement, ça n’a pas non plus toujours été simple. En découvrant mon haut potentiel, j’ai réalisé que j’avais pu malmener mes équipes, manquer de bienveillance, car je pensais ‘Si je sais le faire, tu sais le faire’. Les choses allaient rarement assez vite pour moi. Je travaille en même temps sur un PC, une tablette et parfois un deuxième PC. Et en réunion, je n’ai pas toujours pris le temps d’enrober les choses. Je mettais le doigt sur ce qui n’allait pas, et paf, c’était réglé pour moi, je ne voyais pas l’intérêt d’y passer plus le temps.

Découvrir mon haut potentiel m’a aidée à réaliser que tout le monde ne fonctionne pas comme moi. Désormais, j’explique aux gens comment je fonctionne, sans dire pour autant ‘Je suis HP’, car ça peut faire peur, il y a plein de clichés sur les HP. Je dis plutôt: ‘Je suis une vraie speed, si tu me vois partir, tu me le dis.’ (Rires)

Avec le temps, j’ai appris à apaiser mon mental, le petit vélo qui tourne non-stop dans ma tête. Il m’a fallu longtemps avant d’arriver à pratiquer la méditation. J’ai aussi compris mon côté multipotentiel, qui s’est traduit par de grands changements de carrière. J’ai travaillé dans le marketing, ouvert une boutique de déco, je me suis lancée comme coach… Aujourd’hui, j’ai créé une structure dans laquelle je m’épanouis, car elle me permet d’accompagner les gens et d’apprendre sans cesse, d’écrire, de donner des conférences…

Hypersensibilité et HP

J’utilise l’intelligence émotionnelle comme porte d’entrée pour le suivi que j’offre en tant que coach et thérapeute, car je crois que c’est surtout l’hypersensibilité qui rend la vie compliquée aux HP. D’après Elaine Aron, 15 à 20% des personnes sont concernées par l’hypersensibilité. Alors que seulement 2 à 3% le sont par le haut potentiel. La littérature anglophone met fort en avant le fait que l’hypersensibilité est systématique chez le haut potentiel. C’est pourquoi, je préfère parler d’‘émotifs talentueux’. D’abord, car on y retrouve les initiales d’E.T., extraterrestre, car on se sent différent des autres. ‘Émotifs’ souligne le côté émotionnel, l’hypersensibilité de la plupart des surdoués et ‘Talentueux’ le fait qu’on peut transformer son potentiel en talent…

Texte: Julie Braun/Coordination: Stéphanie Ciardiello

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