habiter en Patagonie
© Diego Jimenez/Unsplash

Témoignage: “J’ai habité au fin fond de la Patagonie”

À 30 ans, Géraldine a décidé de réaliser son rêve: s’installer en Patagonie. Sans eau, sans électricité, à 400 kilomètres de la première ville… La région est magnifique, mais peu hospitalière!

“Waow! On avait fait des jours et des jours de piste… Tout à coup, au détour d’un chemin, on a découvert cet endroit. Un lac grand comme la mer au milieu du désert. Des eaux bleu saphir. Et juste derrière, la cordillère des Andes dans la lumière orangée du petit matin. Michel et moi, on n’a pas eu besoin de se regarder. C’est là qu’on voulait s’installer! Il y avait une petite maison en ruines. Il manquait des vitres aux fenêtres et le carrelage avait été soulevé par les racines d’un arbre. C’était magnifique. Tout était à créer. On ne peut imaginer plus grand sentiment de liberté… Le moment était venu de vivre mon rêve!

Lettres d’Argentine

J’ai toujours rêvé de l’Argentine. La sœur de ma grand-mère avait épousé un Argentin et était partie vivre là-bas. Les deux femmes s’écrivaient une lettre par semaine, et j’ai grandi avec ces récits. Un jour, un cousin argentin est venu nous rendre visite. Il m’a dit: ‘Tu viens quand tu veux!’ J’ai bien entendu le message.

À 20 ans, j’ai pris l’avion pour Buenos Aires. Et là… j’ai eu l’impression d’être chez moi! Comme si je n’étais pas née au bon endroit. La manière de vivre et de penser est très différente en Amérique du Sud. J’avais la sensation d’y être enfin en harmonie avec moi-même. C’est là que je voulais vivre. Lorsque mon cousin m’a emmenée dans le sud du pays, en Patagonie, c’était une évidence. Le paysage est d’une beauté à couper le souffle. Et d’une immensité impressionnante. Il n’y a pas de  barrières, pas de frontières, juste l’horizon.

À l’époque, malheureusement, je ne pouvais pas tout lâcher en Belgique pour vivre là. Mais j’ai refait plusieurs longs voyages, je suis descendue jusqu’à Ushuaïa et au Cap Horn. Ensuite, j’ai eu la chance de ma vie: j’ai rencontré mon mari.

Seuls au bout du monde

Je rentrais d’un voyage en Patagonie avec l’envie de m’y installer pour toujours. Michel rentrait d’Afrique où il venait de travailler une dizaine d’années comme ingénieur en pleine brousse. Nous étions aussi incapables l’un que l’autre de vivre à Bruxelles. Nous avions besoin d’espace et de liberté. Quel bonheur de rencontrer quelqu’un qui partage les mêmes aspirations! Nous avons donc décidé de partir en Argentine, à la recherche d’un endroit où nous installer. Nous avons fait 12.000 kilomètres en voiture jusqu’à tomber sur ce lac au fin fond de la Patagonie. C’était exactement ce dont nous rêvions.

Nous avions un projet d’écotourisme. La région est fabuleuse, mais il n’y avait aucun endroit où loger à 1000 kilomètres à la ronde. Les gens du coin nous ont pris pour des dingues. Ils ne voyaient pas la beauté des lieux. Pour eux, c’était du vide et du vent, une terre sans intérêt où la vie est difficile. C’est vrai que la vie est loin d’être simple en Patagonie… Il faut d’abord vous imaginer qu’il y a moins d’un habitant au kilomètre carré (pour 322 en Belgique). On est seul au monde. Et au bout du monde. Le premier petit village était à 35 kilomètres de pistes. La première ville, le premier supermarché, le premier téléphone à plus de 400 kilomètres. Au début, on y allait chaque semaine. Il fallait tout acheter. On a commencé par ramener deux matelas, un poêle, quelques outils… Buenos Aires, la capitale, était à 2400 kilomètres. Il m’est arrivé de prendre l’avion pour voir mon banquier. C’est comme si, en Belgique, je vous disais: ‘Je vais à la banque à Tunis. À tout à l’heure!'”

Vivre d’amour… et d’amour

Au départ, on était en mode survie. Il n’y avait rien, mais on était bien. On vivait d’amour… et d’amour. On n’avait même pas d’eau. Quand on fait un camp scout, c’est marrant d’aller chercher l’eau à la rivière. Mais vivre pour de vrai sans accès à l’eau, c’est autre chose. Michel a creusé des canaux et installé des pompes pour amener l’eau à 25 mètres de la maison. Le luxe! Plus  tard, on a transformé un vieux tonneau à huile en ‘boiler’ sur le toit pour avoir une douche chaude. Petit à petit, on a réalisé un poulailler, acheté des moutons, fait des plantations… C’était un sacré boulot, mais c’était un bonheur partagé.

Par contre, dès qu’il fallait faire appel à l’extérieur, tout devenait compliqué. Le chef-lieu de notre province était à 1500 kilomètres. Ce n’est pas la porte à côté pour aller faire tamponner un papier… Un jour, au guichet, on me dit: ‘Vous vous appelez bien Géraldine? – Oui, pourquoi? – Sur votre acte de naissance, je lis ‘Géraldine, Denise, Anne, Camille.’ – En Belgique, c’est une tradition de donner plusieurs prénoms aux enfants. Seul le premier est sur mon passeport.’ – ‘Ah, désolé, mais rien ne me prouve que vous êtes bien la bonne personne…’ Et ce n’est qu’un exemple de tracasseries parmi tant d’autres! Mais quand on vit à l’autre bout du monde, il faut accepter les différences de culture, de mentalité. L’administration est bordélique, tant pis. Les gauchos engagés pour s’occuper du troupeau sont toujours ivres, tant pis. L’entrepreneur choisi pour les travaux de la maison a disparu avec l’acompte, tant pis. Il faut se faire une raison. On trouvera d’autres solutions.

Les larmes aux yeux

Alors que notre projet commençait à prendre forme, un volcan immergé dans la calotte glaciaire andine s’est réveillé. Il a cendré pendant 18 jours et 18 nuits. On aurait cru une explosion atomique. Tous les moutons sont morts, toutes les plantations sont mortes. Les pompes, les moteurs, les groupes électrogènes… Tout a explosé. Là, on a quand même eu un gros coup de découragement.

Mais on s’est remis au travail et on a enfin pu ouvrir notre estancia. Nous avions 6 bungalows, 18 lits. Et une grande salle à manger pour recevoir tout le monde. J’emmenais les gens à la découverte des merveilles de la région: du désert à l’océan, des forêts pétrifiées aux glaciers. Je leur montrais les baleines, je leur parlais des oiseaux… Ce n’étaient pas des touristes,  c’étaient des voyageurs. Et c’était fabuleux d’illuminer leur regard en partageant toute cette beauté. Je me souviens de ce matin où un couple a quitté le domaine les larmes aux yeux. La voiture s’est éloignée, puis elle a fait demi-tour. Je me suis dit qu’ils avaient oublié quelque chose… Mais non, ils voulaient juste nous dire que c’était le plus bel hôtel du monde!

Florent qui?

Un jour, nous avons reçu un couple super sympa. Elle était argentine, lui français. Ils cherchaient une terre à acheter dans la région. À table, la conversation s’engage et il nous dit qu’il est chanteur. Michel lui demande: ‘Et ça marche? – Oui, pas mal.– Vous avez enregistré des CD? – Quelques-uns’. Au fin fond de notre Patagonie, nous n’avions jamais entendu parler de Florent Pagny! Depuis, il a acheté un domaine pas très loin du nôtre… Il y est toujours, nous n’y sommes plus. Hélas. La vie nous a contraints à rentrer en Belgique. Michel était malade. Mais nous avons eu ce bonheur de vivre 14 ans en Patagonie. Cette terre d’une beauté absolue où l’on a la sensation de toucher l’infini. C’est la plus belle époque de ma vie. J’étais avec l’homme que j’aimais, dans l’endroit que j’aimais. En totale harmonie avec moi-même. Quand on a décidé de partir s’installer là-bas, il y a eu des tas de gens pour nous retenir, nous dissuader, nous culpabiliser. On s’est dit: tant pis, on y va. Chacun a le devoir de réaliser ses rêves!

Texte: Christine Masuy/Coordination: Stéphanie Ciardiello

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