© Marine de Hoffmann

“Je reconstruis les aréoles mammaires des femmes victimes d’un cancer du sein”

Par Justine Leupe

Un cancer du sein est une épreuve, l’après-cancer en est une autre. Elle mélange soulagement et réappropriation de son corps et de sa féminité. Dans ce cheminement, il y a parfois l’arrivée de Marine de Hoffmann, spécialiste en maquillage permanent. La jeune femme reconstruit les aréoles mammaires de celles qui ont subi une ablation du sein. Rencontre.

On connaît le maquillage permanent pour son côté esthétique (les lèvres, les sourcils ou encore les yeux), mais moins pour son aspect médical. C’est le cas lorsqu’il s’agit de diminuer l’importance d’une cicatrice, d’une brûlure ou de reconstruire des aréoles mammaires. Un travail où il est question d’assemblage de teintes, de volume, et puis surtout d’écoute, pour comprendre l’attente qu’ont ces femmes. Ces patientes, touchées par le cancer, ont toute une histoire, leur histoire, que Marine de Hoffmann raconte à travers son travail!

Étudiante en art, Marine de Hoffmann se tourne vers l’esthétique après ses secondaires. Son rêve à l’époque? Travailler en parfumerie et devenir maquilleuse. Objectif atteint, elle travaillera sept ans dans le milieu. Jusqu’au déclic. “Une de mes collègues est revenue avec des sourcils dessinés au maquillage permanent, et je me suis dit ‘waouh’, c’est ça que je veux faire”. Le maquillage permanent regroupait tout ce que cette passionnée de tatouage aimait. “J’ai donc entamé une formation de base il y a plus de deux ans, et encore aujourd’hui, je continue de me former. Pour les aréoles mammaires, j’ai suivi la formation de Carole Evrard, championne du monde de maquillage permanent en 2015-2016. Dès le début, je me suis intéressée à la reconstruction d’aréoles, mais je voulais avoir de bonnes bases pour dessiner les sourcils, les lèvres et le trait d’eye-liner pour me lancer”, avance Marine.

© Marine de Hoffmann

Redonner confiance à toutes les femmes

Depuis toujours, la maquilleuse veut sublimer toutes les femmes: “Durant mes études d’esthétique, pour un travail, j’avais décidé de redessiner les sourcils effacés d’une dame atteinte par le cancer. Ce côté esthétique et social est présent depuis toujours chez moi”.

La campagne de sensibilisation au cancer du sein Octobre rose se termine, mais la maladie continue de sévir et, chaque année, plus de 10.000 personnes sont touchées. “C’est un cancer qui est davantage mis en lumière, et donc on s’intéresse aussi plus à la reconstruction mammaire, les gens en parlent plus ouvertement, nous dit Marine. Alors qu’elle a pourtant toujours existé”. En hôpital, en post-opération, une reconstruction sommaire a lieu. Une aréole ronde est réalisée sur chaque sein qui a subi une opération. Mais cette dernière est uniforme, le choix des couleurs est limité… et après un an, elle disparaît. “L’idée, lors d’une reconstruction réalisée grâce au maquillage permanent, c’est de jouer avec les volumes, les ombres et les lumières…”, précise Marine. Pour qu’une femme retrouve une aréole au plus proche de la réalité. “Chaque sein est singulier. Le corps d’une femme n’est pas celui d’une autre, les histoires de mes clientes sont différentes, les discussions que nous avons aussi… Reconstruire une aréole est une démarche très intime et résolument humaine”.

Trois rendez-vous pour retrouver une part de féminité

L’enthousiasme prend le pas sur la peur lorsque les clientes passent la porte du salon de Marine. “Elles sont beaucoup moins stressées face à la douleur que d’autres personnes. Avoir subi une chimiothérapie ou une radiothérapie leur a enlevé une certaine sensibilité. Mais ce qui peut arriver, c’est qu’elles soient un peu timides. Au fil du temps, elles se libèrent”.

Le travail de reconstruction se réalise en trois étapes: “Je vois une première fois la cliente pour discuter. J’observe son sein, j’écoute ses attentes et souvent, elle me pose toutes ses questions”. Ensuite, “on passe à l’action, on dessine et on repigmente l’aréole. C’est généralement lors de cette étape que la cliente se confie sur son histoire. Quand je retravaille un sourcil, je suis hyper concentrée, c’est un travail précis à mener, donc je parle très peu. Quand je reconstruis des aréoles, j’ai une réelle discussion avec la cliente, car le travail est différent. C’est un moment où elles se livrent à cœur ouvert car c’est un peu le dernier détail qui les ramène à leur féminité”, nous explique la maquilleuse. Un moment où Marine doit parfois retenir ses émotions, tant les discussions sont profondes et peuvent faire mal… “Il y a une vraie relation de confiance qui s’installe entre nous”.

Six semaines après la repigmentation, vient le troisième et dernier volet de la reconstruction. Il permet de peaufiner la couleur et la forme. “Après cela, la cliente est tranquille pendant deux ans environ. Il faudra ensuite procéder à quelques retouches, parce que le maquillage permanent s’estompe avec le temps. Il y aura toujours une ombre, mais plus tous les détails et autant de couleur”, explique Marine. La jeune femme met un point d’honneur à expliquer chaque étape de son travail, comme le fait que le résultat est loin d’être définitif à la sortie du deuxième rendez-vous. “La repigmentation perd 30 à 40% de sa couleur avant d’être définitive et naturelle, mais pour mes clientes, c’est déjà un réel changement à la sortie de ce deuxième rendez-vous”.

© Marine de Hoffmann (en haut à gauche: 1er rendez-vous, en bas: 2e rendez-vous, à droite: le résultat définitif)

Un lien privilégié qui perdure

Les femmes qui passent le pas de la porte de Marine pour une reconstruction ont ce petit quelque chose qui les rend fortes et sensibles à la fois. Elles offrent leur confiance et leur reconnaissance. C’est aussi pour cela que Marine déploie ses armes avec bienveillance et passion: “En règle générale, les clientes me donnent carte blanche. Et si ce n’est le cas, elles me guident”. Le travail est différent si je dessine un ou les deux seins. “Si ce n’est qu’un seul, on va créer une reproduction de celui qui n’a pas été touché. Alors que si ce sont les deux qui ont été opérés, je laisse libre court à mon imagination, en suivant les recommandations de la cliente”, détaille la maquilleuse.

Est-ce qu’elle doute? Non. “Je n’ai jamais vraiment eu peur de pratiquer cette technique parce que j’ai été bien formée. Et puis, je ne me pose pas trop de questions. Au début, je me souciais surtout du fait que ça cicatrise bien”. Le plus important, c’est évidemment que la cliente soit contente et “pour l’instant, elles ont toutes été satisfaites. J’ai vraiment un contact privilégié avec elles. Ma première cliente me donne encore des nouvelles de l’évolution de mon travail”.

Malheureusement, il y a un hic…

Là où le bât blesse, c’est que le travail de Marine n’est pas remboursé par la mutuelle. “Le rond réalisé post-opération par le chirurgien est compris dans l’opération, alors qu’une repigmentation chez moi (150€ une aréole, 250€ pour les deux) ne l’est pas, puisque je ne dispose pas de numéro INAMI. En tant que membre de l’Association belge de Dermopigmentation, je me bats pour que ce soin soit reconnu”, précise la jeune femme. “Au tout début, quand j’ai commencé la reconstruction mammaire, je travaillais bénévolement. Je demandais juste à la cliente de laisser une enveloppe pour Think Pink. Aujourd’hui, il ne m’est plus possible de travailler gratuitement au vu des nombreuses demandes, mais les femmes qui veulent peuvent toujours laisser un petit supplément pour l’ASBL”.

Plus d’infos: www.mdhmaquillage.be

On vous parle cancer du sein

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