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"Il m'a fallu du temps pour retrouver l'étincelle…", nous raconte Olivia. © Cottonbro Studio/Pexels

Perte d’une meilleure amie: “15 ans après, ma tristesse demeure toujours”

Quand on évoque une grande perte, on pense souvent à un partenaire, un parent ou un enfant. Mais la mort d’une amie peut aussi vous briser le cœur. Olivia*, 55 ans, le sait bien, elle qui n’oubliera jamais son âme sœur disparue.

“‘Tu sais bien que je ne peux pas te dire adieu. Nous savons qu’un jour, quelque part, nous poursuivrons nos conversations. Alors je te dis au revoir et comme dans les SMS qu’on échangeait au coucher: dors bien.

Ce sont les derniers mots de la lettre que j’ai lue à l’enterrement d’Hélène*. Et c’est ce que je ressens encore. Hélène n’est pas partie, elle est avec moi, chaque jour. Dans une chanson qui passe à la radio, sur le banc à sa mémoire devant notre classe, dans les souvenirs partagés avec nos collègues. Elle me manque, mais je serai reconnaissante toute ma vie pour notre amitié. Je n’ai jamais trouvé personne qui puisse la remplacer. Bien sûr, j’ai des amis, mais ce n’est jamais aussi intense qu’avec elle. Hélène était et reste ma meilleure amie.”

Une rencontre épistolaire

“Hélène et moi nous sommes rencontrées il y a quasi 30 ans, nous étions les profs en binôme d’une classe de 4e primaire. Dès le 1er septembre, un lien spécial s’est créé entre nous. Nous étions du genre calme, peu bavardes, et nous attachions de l’importance aux mêmes choses: notre famille, profiter des petits riens de la vie… Nous en étions au même stade de notre vie, avec des enfants en bas âge et des maris très occupés.

Le moteur qui a fait démarrer notre amitié, c’est le carnet d’échange de notre binôme, où l’on notait chacune à notre tour ce qui concernait les élèves. L’une qui devait rattraper un contrôle, un autre qui était malade… Peu à peu, c’est aussi devenu un carnet personnel. Nous parlions de nos ressentis, quand on avait mal dormi ou quand on s’inquiétait pour l’un de nos enfants… Écrire était une façon de mieux nous connaître. Le rythme constant de ces échanges nous confirmait l’importance de cette amitié. Un jour, Hélène a écrit: ‘Tu es l’amie que je n’ai jamais eue.’ C’est le plus beau compliment que j’aie jamais reçu.”

Complémentaires

“Année après année, nous nous sommes rapprochées, et même les parents d’élèves nous félicitaient pour notre bonne entente. Nous avons commencé à nous voir en dehors de l’école, toutes les 2, puis avec nos familles. Nous aimions nous promener, dîner, passer des week-ends à la mer… Tous les mois, nous allions au cinéma puis prendre un verre. Nous discutions pendant des heures.

J’ai trouvé chez Hélène la tranquillité qui me manquait parfois dans une famille avec 3 enfants, et elle, la plus réservée de nous, m’a dit que je lui avais appris à parler de ses sentiments. Nous nous sommes rendues plus fortes, plus sûres de nous. Savoir qu’elle était là m’a donné des ailes pour traverser la vie. Le fait de se dire qu’on était amies a été un grand plus. En général, quand on entame une relation sentimentale, on sait qu’on a un ‘date’. Pour l’amitié, on tâtonne. Quand se dire ‘amies’? Dans notre cas, c’était écrit dans le carnet. Je disais souvent à Hélène à quel point je trouvais notre amitié belle, presque trop belle pour être vraie. Tant de bonheur entre âmes sœurs ne pouvait durer éternellement…”

Sa dernière fête

“Nous avions aussi écrit sur le thème ‘Comment je nous vois dans 5 ans’. Sa réponse: ‘Pareil qu’aujourd’hui: on s’enverra beaucoup de SMS, on se souciera autant l’une de l’autre, on partagera de nombreux voyages, et j’espère que nous serons en bonne santé et heureuses.’ Les choses ont tourné tout autrement. En 2006, au début des vacances d’été, Hélène a senti une grosseur dans son sein. Je me suis inquiétée. Il s’agissait d’un cancer, mais Hélène m’a rassurée, avec la chimiothérapie et la radiothérapie, tout irait bien. Le 1er septembre, j’ai repris ma classe avec une autre enseignante comme partenaire. Hélène me manquait énormément. Au printemps, le cancer a paru vaincu. Nous étions impatientes de reprendre l’année scolaire ensemble.

Nous sentions tous que ce serait son dernier réveillon de Nouvel An, sa dernière fête…

Mais quelques mois plus tard, le cancer était revenu, en force. Ma grande amie a traversé une autre période de douleur, de fatigue et d’anxiété. J’essayais de lui rendre visite aussi souvent que possible, et chaque soir, je lui envoyais un message de bonne nuit. Mais il n’y avait aucune amélioration. Fin 2007, elle a demandé qu’on fête le Nouvel An ensemble, avec sa sœur et quelques amis proches. Même si personne n’osait le dire à haute voix, nous sentions tous que ce serait son dernier réveillon du Nouvel An, sa dernière fête.”

Larmes et consolation

“Un de ses messages reste gravé dans ma mémoire: ‘Ma chère Olivia, il n’y a plus d’espoir. Ce ne sera plus long maintenant. Mais ne sois pas triste, passe demain, nous pourrons en parler et je te réconforterai.’ Ce message m’a brisée. Je savais qu’Hélène n’allait pas aller mieux, mais le voir noir sur blanc était irréel. Qu’elle ait écrit qu’elle me réconforterait lui ressemblait bien: elle pensait toujours aux autres.

Les dernières semaines, j’ai essayé de lui rendre visite autant que possible. La direction de notre école m’a même permis de lui rendre visite pendant mes pauses déjeuner. J’essayais de rester forte devant elle, mais dans la voiture, les larmes coulaient souvent si fort que je devais me garer. Une fois, je n’ai pas pu me retenir. ‘Je ne sais pas si je peux y arriver sans toi’, lui ai-je dit en pleurant. Hélène a joué son rôle de consolatrice: ‘Tu seras bien soutenue, tu peux y arriver’.”

Et soudain, le silence

“Un matin, j’ai reçu un message de son mari m’annonçant son décès. J’étais tellement dévastée que la direction m’a obligée à rester chez moi cette semaine-là. J’ai écrit la lettre que j’ai lue à l’église. Je regrette de n’avoir pu lui lire de son vivant, même si on s’était dit l’essentiel. ‘Tu es ma petite sœur’, m’avait-elle déclaré. Tout était dit.

J’avais perdu mon rocher, mon soutien, ma paire d’ailes.

J’avais perdu mon rocher, mon soutien, ma paire d’ailes. Le plus dur, c’était de ne plus pouvoir extérioriser mes sentiments au jour le jour. Un ennui, une pensée fugace: je partageais tout avec Hélène. Et soudain, c’était le silence. Son souvenir me faisait si mal que j’ai quitté notre classe pour devenir enseignante spécialisée. Je fonctionnais, je ne passais pas la journée à pleurer, je faisais mon travail et je menais une vie de famille bien remplie. Mais je pouvais ressentir la perte à chaque minute de la journée, comme s’il manquait de l’éclat à ma vie.”

15 ans après, la tristesse est toujours là

“Il m’a fallu du temps pour retrouver l’étincelle. Cela n’a pas été un processus conscient, le temps a fait le travail pour moi. Le fait que je continue à intégrer Hélène dans ma vie m’a aidée. Le jour de sa mort, j’ai décidé de dresser chaque soir la liste de 3 choses dont je suis reconnaissante, pour réaliser ma chance d’être en vie. Même très triste, je les ai trouvées. Devant ma classe – après 2 ans en tant qu’enseignante spécialisée, j’ai retrouvé ma classe d’avant – il y a un banc avec une plaque que j’avais fait réaliser pour elle. Y est écrit: ‘Ce banc nous rappelle la chaleur, le calme et le sentiment de satisfaction dont tu rayonnais toujours.’ Chaque année, le dernier jour d’école, pendant la fête de l’équipe, je m’éclipse discrètement pour m’asseoir sur ‘son’ banc.

Plus de 15 ans après, ma tristesse demeure et Hélène me manque encore tous les jours. Je continue de lui parler, dans la voiture ou quand je passe devant sa photo posée sur mon armoire. Le jour de mon anniversaire, je me dis: ‘Allez, j’ai de la chance d’avoir pu vivre une année de plus.’ Elle m’a appris ça: qu’il faut être content de pouvoir vivre.”

*Prénoms d’emprunt. Texte: Tine Trappers

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