Même si elle est fréquente, la fausse couche précoce peut être difficile à accepter.
Même si elle est fréquente, la fausse couche précoce peut être difficile à accepter. © Getty Images/Maskot

Témoignage: “J’ai fait une grossesse biochimique”

Le test est positif! Pendant 2 semaines, Maurine pense être enceinte et se sent comme sur un nuage. Mais à la première échographie, le verdict tombe: la grossesse est non évolutive.

Grossesse biochimique? Derrière ce terme savant se cache une réalité aussi brutale que fréquente: celle de la fausse couche. Car la grossesse biochimique n’est autre qu’une fausse couche très précoce, qui intervient si tôt que la grossesse passe souvent inaperçue, même si la femme a bel et bien été enceinte. Maurine*, 32 ans, et Nathan*, 33 ans, en ont fait l’expérience.

“Mon amoureux et moi, on s’est rencontrés sur les bancs de l’université. Ça a été le coup de foudre. On a profité à fond de notre vingtaine, en voyageant et en faisant la fête avec nos potes. Il y a quatre ans, on a emménagé ensemble dans un appartement à Bruxelles. Et il y a quelques mois, on s’est dit: ça y est, on est prêts à devenir parents! J’ai arrêté la pilule et mes règles sont revenues rapidement. En février 2023, on s’est lancés: pour la première fois de notre vie, on faisait l’amour sans se protéger… Ça paraissait à la fois magique et totalement normal”.

Premier essai: positif!

“Comme la plupart des femmes, je crois, je ne m’attendais absolument pas à tomber enceinte le premier mois. Peut-être influencée par mon entourage, j’avais l’intime conviction que ça allait prendre du temps. Je connais beaucoup de couples qui galèrent, je me disais pour me protéger que ça n’arriverait pas tout de suite. Et en vérité, je me sentais encore loin de tout ça. Au cycle suivant, mes règles n’arrivaient pas, mais je ne m’en suis pas souciée. Je me disais: ‘C’est normal, tu viens d’arrêter la pilule, ton cycle doit trouver son rythme’.

Un soir, alors que j’étais à cinq jours de retard, mon copain m’a dit: ‘Tu n’achèterais pas un test? Je suis curieux quand même…”. On est allés l’acheter à deux. Le lendemain matin, je me suis levée et je suis allée dans la salle de bains, sans grande conviction. J’étais persuadée qu’il serait négatif. Encore à moitié endormie, j’ai fait pipi sur ce bâtonnet et j’ai attendu. Deux minutes ont passé puis j’ai vu le signe + apparaître. Je n’y croyais pas. Je me suis rhabillée rapidement et je suis retournée dans la chambre, l’air hagard, le test en main: ‘Il est positif’.

Encore à moitié endormie, j’ai fait pipi sur ce bâtonnet et j’ai attendu, sans trop y croire

Le reste est un peu flou. On planait! Je me suis recouchée près de Nathan, on a passé un moment dans la chambre baignée dans la lumière du matin. On était trop heureux mais prudents: ce n’était qu’un test après tout. On a commencé à rêver, un peu malgré nous. À compter pour voir quand tomberait la naissance, à anticiper les mois à venir. On riait d’incrédulité en se disant qu’il avait suffi d’un seul cycle pour que je tombe enceinte. C’était juste impossible”.

2 semaines de suspense

“J’avais vu mon gynéco quelques semaines plus tôt et lui avais parlé de mon projet de grossesse. Il m’avait dit de lui envoyer un mail en cas de test positif, ce que j’ai fait le matin même. On a fixé un rendez-vous pour une première échographie, deux semaines après, pour être à six semaines d’aménorrhée environ.

Pendant deux semaines, on a donc continué nos vies, gardant cette nouvelle secrète: je me suis juste confiée à ma sœur et Nathan, à un ami proche. J’ai arrêté l’alcool, j’ai commencé à surveiller ce que je mangeais. À nous deux, on s’en parlait sans arrêt, excités, mais toujours prudents aussi. On envisageait tous les scénarios, on se réjouissait, on se demandait si ce serait une fille ou un garçon. Sur les deux semaines, il m’est arrivé à plusieurs reprises de devoir le cacher lors de dîners d’amis. J’essayais d’être discrète, mais j’ai su après coup que quelques copines m’avaient grillée en voyant ce verre de vin rempli qui ne se vidait pas… (rires).

Côté symptômes, je ne sentais rien. Pas de seins tendus, pas de nausées ni de fatigue particulière. J’aurais bien aimé en avoir, pour me rassurer. Sur Internet, j’ai lu pas mal d’articles qui disaient qu’on pouvait très bien être enceinte sans avoir de symptômes, donc ça me rassurait”.

La première échographie

“Fin mars, on a donc eu rendez-vous chez le gynéco pour une première échographie. On était impatients, même si on se préparait aussi à ne pas recevoir une bonne nouvelle. Tout était possible à ce stade. Une fois dans son cabinet, il a commencé par me poser quelques questions, avant de passer à l’écho. Mon copain est resté debout près de moi. Le gynécologue a introduit la sonde dans mon vagin et on a vu l’image apparaître à l’écran.

Suspense. Tout en douceur, le gynécologue a commencé à ‘chercher’. Il bougeait la sonde mais ne voyait rien: pas de poche, pas d’embryon. ‘Je ne vois rien, il n’y a pas de sac ovulaire’, a-t-il dit. Il a commencé à m’expliquer les causes possibles, me disant que s’il y avait bien une grossesse évolutive, à ce stade, il devrait voir au moins une poche. Il a commencé à me parler de taux d’hormone. Il a pressé le bas de mon ventre doucement en me demandant si ça me faisait mal: il soupçonnait une grossesse extra-utérine, mais je n’avais pas mal.

“Comme tombée à l’intérieur de moi”

Il parlait, mais je l’écoutais à moitié, je me suis sentie tombée un peu à l’intérieur de moi-même. Mon copain, toujours debout, a commencé à avoir très chaud, il transpirait. Le médecin lui a conseillé de prendre une chaise et de s’asseoir. C’était un moment très émouvant en fait. On a simplement réalisé que ce n’était pas pour cette fois. L’examen terminé, je me suis rhabillée et j’ai rejoint le médecin et Nathan. Le gynécologue s’est montré très rassurant: ‘Ce n’est pas pour cette fois-ci, c’est probablement une fausse couche précoce, on va faire des tests sanguins pour le confirme’, a-t-il dit. ‘C’est très fréquent, ce n’est pas de votre faute et ça veut au moins dire que vous êtes fertiles et que ça va fonctionner à un moment donné’. Comme je pleurais un peu, il a ajouté pour me rassurer ‘dans ce genre de scénarios, vous aurez quatre enfants si vous le souhaitez’.

Il bougeait la sonde mais on ne voyait rien: pas de poche, pas d’embryon

On est sortis du cabinet, on s’est serrés dans les bras et j’ai directement été faire une prise de sang. Le but était de vérifier mon taux de HCG, pour comprendre ce qu’il s’était passé. Quelques jours après, j’ai eu les résultats: il y avait bien eu un début de grossesse, le taux de HCG avait augmenté mais sans évoluer comme il devait. C’était donc une fausse couche précoce”.

Déçus mais optimistes

“Avec Nathan, on était bien sûrs tristes et déçus. Mais on a vite rebondi. On s’est promis de ne pas rendre ça plus grave que ça l’était, de garder le cap. Nathan m’a aidée à tenir le coup de la nouvelle, il disait que c’était positif, que ça signifiait qu’on était fertiles et qu’on allait y arriver. On s’est dit que ça prendrait le temps que ça prendrait, qu’on ne voulait pas se mettre de pression.

Le soir-même du rendez-vous, mes règles sont apparues. Comme il n’y avait pas eu de formation de poche, je n’ai pas eu d’hémorragie ni de règles plus fortes. Elles sont juste revenues normalement, comme si de rien n’était. Mon cycle suivant a par contre été beaucoup plus long que d’habitude: il a duré 40 jours, alors que mon cycle habituel est de 28 jours environ. Il paraît que c’est normal en cas de fausse couche, que le cycle doit se réajuster un peu. Par la suite, il est redevenu normal”.

Un tournant

“Même si je n’ai pas arrêté de me répéter à moi-même ‘Ce n’est pas grave, c’était tellement précoce, tu ne vas pas en faire un drame’, je sens quand même que cette fausse couche a marqué un tournant dans mon esprit. J’étais tellement heureuse à l’idée d’être enceinte, que maintenant j’ai un peu du mal à attendre”.

Je n’ai pas arrêté de me répéter: ‘Ce n’est pas grave, c’était précoce, tu ne vas pas en faire un drame’

Aujourd’hui, quelques mois plus tard, Maurine n’est pas enceinte. “Je vais bien, je continue ma vie, je me dis que ça viendra… Mais je sens bien que mon envie de tomber enceinte est bien plus forte qu’avant la fausse couche. J’ai cru l’être, et puis je ne l’étais plus. Parfois, la tristesse revient comme une vague. J’en ai parlé à quelques personnes et ça m’a fait du bien. Je me dis que je ne dois pas minimiser, que je peux m’autoriser à vivre cette tristesse quand elle vient”.

L’avis de la gynécologue

“On parle de grossesse biochimique lorsqu’il y a un arrêt du développement embryonnaire quelques jours après son implantation”, nous explique Pascale Grandjean, gynécologue. “Cela laisse le temps à l’hormone HCG, qui est l’hormone sécrétée par le placenta en cas de grossesse, d’augmenter. Il y a bien implantation d’un œuf fécondé au niveau de l’endomètre, sauf qu’il n’a pas évolué. Il s’agit donc d’une fausse couche précoce”.

Quand une femme voit un test de grossesse positif, elle a tendance à se projeter avec un bébé dans les bras. Or, le parcours est encore long

Les causes possibles

“Les causes des grossesses biochimiques sont nombreuses. Dans deux tiers des cas, il s’agit d’une anomalie de l’œuf en lui-même, qui n’est pas viable. Mais il peut également s’agir de raisons toxiques, comme la prise d’un médicament ou d’une substance contre-indiquée. Ou encore des antécédents, des séquelles de curetage ou d’un accouchement avec infection”. Pascale Grandjean poursuit: “On parle beaucoup de grossesses biochimiques dans le cas de PMA, parce que le test marque dès l’implantation, avant même qu’il y ait retard de règles. Comme la grossesse est très surveillée, on peut voir survenir des grossesses biochimiques qui sinon, passeraient inaperçues”.

Avant tout: rassurer

“Quand une femme voit un test de grossesse positif, elle a tendance à se projeter directement avec un bébé dans les bras neuf mois plus tard – ce qui va la rendre heureuse si cette grossesse est souhaitée. Elle n’y voit pas un processus biochimique, et c’est normal. Mais c’est ça qui est compliqué psychologiquement. Parce qu’en fait, le parcours est encore long jusqu’à la naissance! Au-delà du test urinaire, une grossesse se vérifie surtout avec un test sanguin qui analyse l’évolution du taux de HCG.

Dans un premier temps, il faut rassurer: faire une fausse couche est fréquent, cela ne veut pas dire que la femme en fera à répétition. Si cela se passe plus de trois fois de suite, il faut faire un bilan pour vérifier qu’il n’y a pas de problème de santé sous-jacent. Mais si ça ne s’est passé qu’une fois, on ne lance pas la batterie d’examens”.

*Prénoms d’emprunt

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