Pourquoi les faits divers nous fascinent-ils tant?
Unqplash @joelstaeheli

Pourquoi les faits divers nous fascinent-ils tant?

Vous vibrez à l’idée de vous plonger dans l’histoire d’un crime sordide ou d’analyser la psychologie d’un mystérieux assassin? Non, ce n’est pas malsain, c’est simplement humain. Les faits divers nous fascinent et leur mise en scène contribue à les rendre encore plus attrayants.

Les articles sur la fascination exercée par les faits divers pullulent. On le sait, ces histoires sordides touchent à nos peurs profondes et réveillent cette part sombre qui sommeille en nous: les pulsions de mort, de violence, ce qu’on a parfois rêvé de faire, comme tuer son voisin, mais qu’on ne fera jamais. Ces histoires criminelles ont pour cette raison un effet cathartique. À travers elles, on rejoue ce que jamais on ne ferait, on extériorise nos angoisses les plus profondes et ça nous fait du bien. Mais si notre intérêt pour les faits divers en dit long sur notre psychologie, la façon de les traiter et de les mettre en scène aussi. Valérie Stiénon, professeure de Littérature à l’Université de Liège, nous explique.

C’est arrivé près de chez vous

Pour Valérie Stiénon, l’irruption de l’exceptionnel dans le quotidien est une caractéristique cruciale du fait divers. “J’ai envie de reprendre le titre du faux documentaire C’est arrivé près de chez vous dans lequel Benoît Poelvoorde décrit avec bonhomie ses crimes abjects. Le crime, l’accident, les revers de fortune peuvent potentiellement tous nous concerner. À travers ça, le fait divers touche à l’imaginaire collectif”.

Spécialiste du traitement et de l’esthétique du fait divers dans la presse et la littérature du 19e et 20e siècles, la romaniste détaille: “Le fait divers est représentatif des peurs collectives. Au 19e siècle, on avait peur de l’attaque en rue, de la foule. Par la suite, ce sont les attaques au domicile, les cambriolages qu’on a davantage redoutés”. Aujourd’hui, on observe par exemple un intérêt pour les affaires de viols et d’agressions sexuelles (Harvey Weinstein, Jeffrey Epstein, DSK), les cas d’infanticides et de maltraitance (À perdre la raison, The Act)…

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Le fait divers, une histoire qui fonctionne

Une disparition mystérieuse, une mort non expliquée, une attaque horrible… Ces événements exceptionnels qui surviennent dans la vie portent en eux tous les ingrédients d’une bonne histoire: une situation initiale qu’un événement troublant fait basculer. Viennent ensuite des indices, des soupçons, des pistes, un contexte psychologique.

Si on s’intéresse aux faits divers, c’est aussi parce qu’ils nous sont rendus accessibles à travers des récits ultra-efficaces qui fonctionnent généralement avec la même logique. “Le fait divers est répétitif. Il possède une structure qui en fait déjà un récit et tous les éléments nécessaires pour faire fiction. Dans la presse, les faits divers sont des récits presque déjà écrits, qu’il s’agit de compléter avec les coordonnées, les noms des protagonistes, des victimes, des malfrats, les dates, les lieux, etc. L’histoire est presque déjà ficelée”.

Voir ce qu’on n’est pas censé voir

Une mère qui assassine ses enfants, des corps déformés ou décomposés, des viols, des tortures… Les affaires criminelles nous fascinent aussi parce qu’elles sont transgressives. “Tout d’un coup le fait divers nous donne accès à cette frange cachée de la réalité, il franchit les frontières éthiques et nous emmène au-delà de la morale et du socialement acceptable”. C’est d’ailleurs cet aspect hors normes qui nous plaît dans les romans policiers et les thrillers. Il repousse les limites du dicible et du visible. “Le fait divers joue beaucoup sur la pulsion voyeuriste. Il s’agit de montrer la scène où tout bascule et donc de voir ce que normalement on n’est pas censé voir”. Pour preuve, on peut se rendre sur le compte Instagram de l’entreprise américaine de nettoyage de scènes de crime (Spaulding Decon) qui partage les photos de son travail. Il est suivi par 451.000 followers.

Le spectateur intégré dans le fait divers

Le fait divers réveille nos peurs mais aussi l’empathie, pour la victime notamment. Une émotion qui va nous impliquer émotionnellement dans l’histoire. “Dans la plupart des représentations du fait divers aux 18e et 19e siècles le spectateur est intégré dans la scène. On le dessine généralement sous la forme d’un personnage qui regarde le fait en train d’arriver”.

Aujourd’hui, l’appétence pour le “true crime” passe par une revalorisation du document. “On présente au spectateur les archives, les photos, les témoignages… Il se retrouve intégré au cœur de l’enquête. On entre beaucoup plus dans le détail de la chronologie, dans les motivations et on creuse les failles psychiques du meurtrier, ce qui l’a poussé à passer à l’acte, plutôt que de faire le simple constat des faits”.

Les faits divers vus par des youtubeurs

Après les séries documentaires (L’affaire du petit Grégory) et les films de type “true crime” (Le Serpent), les podcasts (Hondelatte parle, Affaire sensible), les feuilletons écrits (l’enquête sur Xavier Dupont de Ligonnès parue dans le magazine Society), les réseaux sociaux s’emparent aussi du fait divers pour répondre à notre besoin insatiable d’en savoir plus et de comprendre les crimes. “On assiste désormais à l’émergence de youtubeurs qui se présentent un peu comme la nouvelle génération de Pierre Bellemare. Ils sont très en lien avec leur communauté, traitent les cas soumis par leurs followers, et font un véritable travail de recherche et de documentation”.

Notre fascination pour le fait divers est donc intimement liée à sa représentation dans les médias. “Dès qu’il y a eu de l’image et de la vidéo, le fait divers s’est emparé de ces supports. Parce ce qu’il porte en lui tous les éléments d’un bon récit, il circule très bien et a la capacité de s’adapter aux différents modes d’expression. Il est multimédiatique”.

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