© Tess Meurice

Témoignage: “Moi, Natacha, taille 44 et mannequin”

Avec son crâne rasé, ses tatouages et sa taille 44, Natacha n’aurait jamais imaginé poser pour des photos de mode et rassembler 30.000 abonnés sur son compte Instagram. Jusqu’au jour où une agence de mannequins la repère…

De nature gourmande et aimant faire la fête, Natacha, 23 ans, a toujours eu des courbes et cela ne l’a jamais particulièrement complexée. “Il arrive, certains matins, que mes défauts m’ennuient, mais pas plus que n’importe quelle autre femme”, précise-t-elle d’emblée.

Mon corps, cet atout

Il y a six ans, Natacha décide de faire de son corps un atout lorsqu’elle voit passer une annonce dans un magazine: “Êtes-vous le visage mode de demain?”, son réflexe est d’envoyer l’info à ses copines qu’elle trouve jolies. “C’est ma mère qui m’a encouragée à envoyer, moi aussi, ma candidature. Sur le moment, j’ai trouvé ça mignon – les mamans sont peu objectives quand il s’agit de leur fille -, mais je ne pensais vraiment pas avoir une chance. À l’époque, j’étais un peu traumatisée par les phrases assassines de Karl Lagerfeld, du genre: ‘Une femme qui fait plus qu’un 36 n’a rien à faire dans la mode’. J’avais 17 ans. Je faisais des études artistiques et je venais de demander à ma mère de me raser les cheveux. À l’époque, ce n’était pas encore à la mode, mais j’avais vu des stars le faire et je trouvais ça super beau. Je me souviens avoir dit à maman que si c’était moche, je pourrais toujours mettre une perruque: un petit aperçu de mon caractère bien trempé”.

Avec sa nouvelle coupe, Natacha pense que ce concours n’est pas fait pour elle. “À cause de mes cheveux, certaines personnes pensaient que j’étais droguée ou malade. Difficile, dans ces conditions, de croire que je pourrais séduire des professionnels de la mode”, avance la mannequin belge.

© Felicia Van Ham

Une agence prestigieuse à son service

Contre toute attente, la jeune fille passe la première sélection, puis la deuxième, pour finalement finir parmi les gagnantes. “Ce concours m’a permis de décrocher mon premier contrat avec l’agence Flag Models. J’ai dit à l’agent qui m’a reçue que je refusais de faire un régime pour correspondre à leurs standards. Quand j’ai compris que mon physique leur convenait, ça m’a évidemment donné confiance. Avant d’intégrer IMM, la prestigieuse agence qui m’a prise sous contrat il y a quelques mois, j’ai eu une ou deux expériences moins sympas”.

La mode, ce milieu cruel

La jeune femme se souvient d’un jour où, en guise de bienvenue, un agent lui a lancé: “Tu sais ici, tous les jours, il y a un mannequin qui arrive et un autre qui dégage. À toi de voir à quelle catégorie tu veux appartenir”. Une phrase qui a profondément touché la mannequin. “En sortant de leurs bureaux, j’ai pleuré dans l’ascenseur… Est-ce que cette expérience m’a dégoûtée du métier? Non. Je savais que leur mépris n’était pas lié à mes mensurations. C’est leur manière de traiter les filles, tout simplement”.

La minceur, une notion relative

Natacha s’est accrochée pour tenir, et celui qui lui a donné la motivation, c’est son premier agent. “Il a été incroyable. Avec son soutien, j’ai pu participer à une campagne pour la chaîne de magasins Asos et poser pour quelques magazines. En travaillant dans ce milieu, j’ai réalisé que la notion de beauté, mais aussi de minceur, est très relative. Il est déjà arrivé qu’une marque belge refuse que je pose pour elle, à cause de mes rondeurs. Pourtant, elle vend des vêtements taille 44. C’est le genre de décisions qui me révoltent”. À l’inverse, en Allemagne, lors d’un shooting, on a estimé que Natacha était trop mince.

“En matière d’acceptation de soi, notre plus grand ennemi, c’est nous”

L’importance des réseaux sociaux

Au-delà des “books”, les réseaux sociaux sont aujourd’hui indispensables pour les mannequins. C’est en quelque sorte un CV pour eux. “Quand j’ai commencé à travailler, je n’avais pas de compte Instagram. C’est mon agent qui m’a expliqué que si je voulais décrocher des contrats, l’image que je véhiculais sur les réseaux sociaux était tout aussi importante que mon book. Aujourd’hui, par le biais de IMM, je participe à des campagnes digitales. Le chef d’orchestre, c’est moi. Dernièrement, j’ai participé au lancement de Perfect, le parfum de Mark Jacobs. Mon travail consistait à publier trois images de promotion de la fragrance. J’ai pu choisir mon photographe, mes vêtements, le style d’images…”. Et si Natacha a accepté ce contrat, c’est certainement grâce au nom porté par ce parfum. “J’aime pouvoir véhiculer l’idée que la perfection est un concept relatif. Si, à mon niveau, je peux contribuer à ce que les femmes prennent davantage confiance en elles, j’aurai l’impression d’avoir été utile. D’un côté, je pense que ça fonctionne. Ma communauté – très fidèle – est composée à 98% de femmes. Et, chose rare sur les réseaux, je ne reçois presque jamais de critiques ou d’insultes. Ça arrive qu’on me traite de grosse, mais ça reste tellement anecdotique que j’oublie vite”.

La société qui doit changer, et non les corps

“Chez IMM, je suis référencée dans la catégorie ‘More to love’. Ça change des habituels ‘plus size’, ‘curvy’ ou autres appellations du genre. Si ça ne tenait qu’à moi, il n’y aurait plus de segmentation du tout”. Natacha considère que la vraie diversité passe par la suppression de ces catégories qui ne veulent rien dire. “Des filles archi-connues comme Ashley Graham ont largement contribué à ce que les femmes rondes se sentent belles et désirables. Voir qu’un mannequin qui fait du 44 et qui montre sa cellulite et ses vergetures pose pour les plus grands photographes, c’est terriblement encourageant”, sourit Natacha. Le message de Ashley Graham: “Je suis comme je suis et si ça ne vous plait pas, ça m’est égal” est une leçon pour les modèles quelle que soit leur taille, mais aussi pour toutes les femmes du monde. “Ce que j’espère, c’est que le changement qui est en train de s’opérer dans le secteur de la mode n’est pas une tendance éphémère. À mes yeux, ce ne sont pas mes kilos qui sont un problème. Si on réfléchit bien, le simple fait d’être une femme, de s’imposer dans la société et de trouver sa place, est déjà un combat en soi”, poursuit-elle.

 

 
 
 
 
 
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Le principal: se sentir bien dans son corps

“Depuis quelques mois, j’ai décidé de laisser pousser mes cheveux. Je suis consciente que je perds une partie de mon identité, mais je refuse de me laisser enfermer dans un seul et unique style. J’ai la même tête depuis six ans. Il est temps de m’ouvrir à d’autres choses”.

Pour être à l’aise devant l’objectif, il est primordial de se sentir bien dans sa peau, nous dit Natacha. C’est dans le cadre de cette démarche qu’elle a décidé d’entreprendre un régime, avec l’aide d’une nutritionniste. “Depuis que je suis mannequin, je suis invitée à beaucoup d’événements, ce qui fait qu’en peu de temps, j’ai pris quinze kilos. Ce n’est pas mon agence qui m’a demandé de perdre du poids, c’est moi qui en ressens le besoin pour me sentir à nouveau bien dans mon corps. Même si je m’allège de dix kilos, je resterai une femme ronde, c’est dans ma nature. Mais pour être bien dans ma vie et dans mon métier, j’ai besoin d’être totalement à l’aise sur les photos. Ce régime, je ne le fais pas non plus pour plaire davantage aux hommes. D’ailleurs, en devenant mannequin, j’ai découvert que ma notoriété ne jouait pas en ma faveur dans mes relations amoureuses. Entre ceux qui s’intéressent à moi parce que je suis connue et les autres qui, dès qu’ils découvrent ma page Instragram, s’enfuient en courant, je galère un peu”.

Bien que la jeune femme avance que cela n’est pas toujours facile à vivre, pour l’instant, elle savoure les bons moments que lui offre son métier. “Je ne me suis jamais considérée comme différente ou atypique. Quoi qu’il arrive, je n’oublie jamais qu’en matière d’acceptation de soi, notre plus grand ennemi, c’est nous-même”.

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