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Témoignage: “J’ai changé mon fils d’école car il était victime de harcèlement scolaire”

Par Tatiana Czerepaniak

En cette Journée mondiale de lutte contre le harcèlement scolaire, une mère de famille partage avec nous l’ancien quotidien de son fils de 11 ans, qui été harcelé dans son établissement scolaire. 

Selon les chiffres d’une étude belge menée par l’UCL, près de 30% des élèves subissent chaque année du harcèlement à l’école. Ce qui fait de la Belgique le troisième pays européen le plus touché par le harcèlement scolaire. Mireille en sait quelque chose: son fils William, qui a aujourd’hui 11 ans et demi, a été victime de harcèlement scolaire de sa première année primaire jusqu’à sa quatrième. Et si aujourd’hui, tout cela est de l’histoire ancienne, le harcèlement a des conséquences irréversibles sur la vie de l’écolier.

2 ans de silence

Selon Mireille, William a toujours été un petit garçon solitaire, raison pour laquelle le harcèlement n’a pas sauté aux yeux de ses parents: “Mon fils n’a jamais eu beaucoup d’amis. Il est d’une nature taiseuse, comme dans son monde… Du coup, le fait qu’il ne me parle pas de ses journées d’école et de ce qu’il faisait avec ses amis ne m’a pas alertée. Couplé à la grossesse difficile que j’ai vécue pour sa petite sœur et sa prématurité qui a pris beaucoup de mon temps et de mon énergie, je peux dire que je n’ai rien vu”.

Pendant deux ans, William mettra sous silence ce qu’il vivait à l’école: moqueries, coups, insultes… Un groupe d’élèves de sa classe le brimait dès qu’il parlait, et le frappait dès que la professeure avait le dos tourné. Une situation qui détourne l’enfant des apprentissages et qui le pousse dans la spirale du décrochage scolaire. “Assez rapidement, ses notes ont été mauvaises et il semblait avoir du mal à s’intéresser à l’école. Il ne voulait pas travailler, que ce soit chez nous ou en classe et il prenait beaucoup de retard sur la matière. Quand on lui demandait ce qui n’allait pas, il disait qu’il ne comprenait rien… On a même pensé qu’il souffrait de troubles de l’apprentissage. C’était l’enfer!”, nous explique Mireille qui, malgré de nombreuses tentatives pour aider son fils, ne trouvait aucune solution.

En troisième primaire, l’explosion

Si William prend sur lui pendant deux années, lors de la troisième primaire, le petit garçon explose littéralement: il s’énerve en classe et à la maison, pique des crises, frappe et commence à se rebeller contre l’enseignante, les enfants de sa classe – y compris ces agresseurs – mais aussi sa famille. Ces réactions sont mal comprises et apparaissent disproportionnées, puisque William ne met toujours pas de mots sur ce qu’il vit. Il est alors vu comme l’enfant à problèmes, celui qui ne sait pas gérer ses émotions. Mireille et son mari décident donc de prendre rendez-vous chez une pédopsychologue. Au bout de quelques séances, le jeune garçon se livre à la spécialiste et explique enfin ce qu’il subit en silence depuis plusieurs années: quelques élèves le briment parce qu’il n’a pas les mêmes intérêts que les autres. Dès que William parle, on se moque de lui, on l’insulte et on le frappe.

Sauf qu’entre-temps, les choses s’enveniment: l’institutrice de William le fait – presque – passer pour le harceleur, demandant un jour de renvoi pour ce dernier. Mireille et son conjoint s’y opposent et décident d’aller voir la direction pour que toute la lumière soit faite sur cette histoire. William, lui, continue ses séances et la psychologue révèle à Mireille que le comportement “excessif” voire agressif de son fils est le résultat de nombreux mois de souffrances, un ras-le-bol qui le pousserait à exploser à la moindre contrariété, même à la maison. Pour Mireille, tout s’éclaire après des années d’incompréhension: “Je revois les moments où il est revenu de l’école avec des bleus et où il me disait qu’il était tombé à la récré, ou les jours où il revenait si énervé que je me demandais quelle mouche l’avait piqué”.

Lorsque Mireille demande à son fils pourquoi il s’est tu, ce dernier lui explique que c’est parce qu’à l’école, ni son institutrice ni les surveillants ne le croient. Il pensait qu’il ne pouvait pas être entendu par les adultes. “Il m’a expliqué qu’un jour, à la récré de midi, il est allé demander de l’aide auprès d’un surveillant, mais que celui-ci a refusé d’intervenir et l’a puni pour avoir ‘raccusé’. Pas étonnant que mon fils n’ait pas eu confiance dans les adultes”.

“J’ai dû me battre pour que l’on entende sa souffrance”

Du côté de l’école, rien ne se passe: William est toujours mis de côté, et si les harceleurs sont entendus, ils nient les faits. Mireille croit rêver: “On doit déjà faire face à une réalité difficile, puisqu’en tant que parents, on doit accepter que notre enfant a vécu de la violence et que l’on est passé à côté. Mais savoir qu’après des années de difficulté, notre fils était vu comme celui par qui les problèmes arrivaient, c’était juste insupportable! J’ai dû me battre pour que l’on entende la souffrance de William. Me battre contre son institutrice et contre la directrice”. Mireille se rend au Centre Médico Social de l’école pour faire ouvrir une enquête. Le PMS prend alors la décision d’interroger William et ses harceleurs, mais aussi les autres élèves de sa classe, ainsi que d’autres instituteurs et la logopède du petit garçon.

Des entrevues font la lumière sur ce que fait vivre un groupe d’élèves à William, mais aussi à d’autres enfants de l’école: brutalité, violence physique et morale, mépris… Les élèves sèment véritablement la terreur et harcèlent plusieurs enfants de diverses classes. Un soulagement pour Mireille, qui pense enfin voir le bout du tunnel. Sauf que rien n’est mis en place au sein de l’école pour mettre fin à cette spirale infernale. Et si les choses s’améliorent un peu, les comportements harcelants sont toujours présents. Les parents de William décident de changer leur fils d’école pour mettre fin, une fois pour toutes, à la situation.

Une reconstruction difficile

Cela fait deux ans que William est dans sa nouvelle école, un établissement davantage à l’écoute du bien-être des enfants et où les professeurs ont aidé le garçon à reprendre confiance en lui et en ses apprentissages. Mais le chemin est compliqué lorsqu’on a vécu plusieurs années de harcèlement: “William reste un enfant marqué par ce qu’il a vécu. Il n’accepte que peu de gens dans son cercle d’amis, n’a pas confiance en les autres ni en lui, d’ailleurs. Il est très sensible à ce que l’on peut penser de ce qu’il dit ou fait, a vite l’impression que l’on se moque de lui, et reste dans sa bulle. Aujourd’hui, nous restons extrêmement vigilants concernant ce qu’il pourrait se passer à l’école. Dès qu’il y a quoi que ce soit, je vais illico voir l’institutrice. Je refuse les comportements agressifs, que ce soit de la part des autres, mais aussi de mon fils. Je ne laisse plus rien passer. Forcément, ça peut sembler excessif, mais je refuse que William ait à revivre du harcèlement”.

Harcèlement scolaire: le reconnaître et y faire face

Que peut faire un parent afin de protéger son enfant? Comment l’aider à faire face à ce problème? Selon les experts, le harcèlement scolaire se caractérise par la répétition de faits de violence physique ou mentale (brimades, coups, humiliations, insultes). Ces actes sont posés dans l’intention claire de faire du mal et vont souvent de pair avec un abus de pouvoir de la part d’une personne ou d’un groupe. Hélas, il n’est pas toujours simple, en tant que parent, de comprendre que notre enfant en est victime. Nombreux sont les enfants harcelés qui cachent cette réalité à leur famille, de peur des répercussions. Voici les signes qui doivent vous alerter:

  • Votre enfant est démotivé: il traîne les pieds pour se rendre à l’école ou ne veut plus du tout y aller, allant parfois jusqu’à pleurer ou feindre une maladie.
  • Il est taiseux: il reste évasif quand vous lui demandez comment s’est passée sa journée. De plus, il semble ne pas avoir d’amis et comme être isolé dans sa bulle.
  • Il semble triste: lorsqu’il est à la maison, son comportement semble plus morose que d’habitude. Il est fatigué, épuisé même.
  • Il a de mauvaises notes: ses notes chutent sans raison apparente. Il peut déclarer des difficultés d’apprentissage ou être carrément en décrochage scolaire.
  • Il revient de l’école très nerveux: il semble excité, à fleur de peau.
  • Il présente des bleus et des marques sur la peau: s’il est victime de violence physique, il peut revenir avec des marques de coups, des bleus ou des égratignures qu’il mettra sur le compte d’une chute ou d’un jeu qui a mal tourné, de peur de représailles de la part de ses harceleurs. Il est aussi probable qu’il revienne avec du matériel scolaire dégradé.

Je pense que mon enfant est victime…

La maman de William nous conseille de tout mettre en œuvre pour faire entendre votre voix et celle de votre enfant si vous pensez qu’il souffre. Et elle a raison! Si vous constatez des faits de harcèlement, n’hésitez pas à prendre rendez-vous avec la direction de l’école et avec le professeur en charge de votre enfant, afin de parler de ce que vous avez constaté et de demander que des solutions soient mises en place. Vous pouvez également, comme l’a fait Mireille, contacter le centre PMS de l’école, afin d’être entendu par des spécialistes.

Si votre enfant ne sait pas mettre de mots sur ce qu’il vit, la meilleure chose à faire est d’aller voir un psychologue afin de l’aider à exprimer ses émotions. Il est important que l’enfant soit entendu et se sente compris, qu’il puisse voir qu’on croit ce qu’il dit et que les adultes sont présents pour lui.

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