© Artem Kovalev/Unsplash

Témoignage: “Je me reconstruis après une enfance difficile”

Les épreuves rencontrées durant l’enfance créent des failles que l’on peut tenter de combler toute sa vie. France Angélique Guldix s’est longtemps sentie seule dans son enfer familial, aux côtés d’une maman alcoolique. Adulte, elle s’est ouverte à différentes techniques thérapeutiques pour apprendre à vivre pleinement.

“C’est à 9 ans que ma vie a connu sa première fracture, avec le divorce de mes parents. Mon frère et moi avons été placés en internat. À l’époque, on parlait moins aux enfants, on ne mettait pas des mots sur ce qui se passait. Je l’ai vécu comme un abandon. Les week-ends, on rentrait chez mon père ou ma mère, et on rendait souvent visite à ma grand-mère. Sa maison accueillante, ses confitures, ses bons repas et son amour m’ont donné une base, même fragile, pour toute ma vie.

L’enfer de l’alcool

Quand j’ai eu 15 ans, maman, qui travaillait dans une grande agence publicitaire, a perdu son emploi. Elle s’est mise à boire du soir au matin, se négligeait, oubliait de se laver, laissait pourrir la nourriture… C’est là que je me suis enfermée dans un rôle, pour tenir et tenter de sauver ma famille. Le week-end, je faisais les courses, la lessive, je nettoyais l’appartement et préparais les repas. Mon père nous soutenait matériellement, mais il n’avait pas conscience des dégâts que pouvait causer l’état de notre maman…

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J’avais deux ans de plus que mon frère et je m’en sortais mieux que lui. Je le voyais brosser l’école, prendre de la drogue, fuguer… Mais je ne pouvais rien faire. J’ai eu des professeurs attentionnés qui devinaient que ça n’allait pas à la maison, qui me soutenaient. Mais je n’osais pas parler de la situation chez moi. J’avais honte. J’essayais de mener une vie normale, j’avais des amies, des petits amis, j’aimais étudier, apprendre, et ça m’aidait beaucoup. Mais je me sentais tout de même seule dans mon enfer familial.

Pour donner un sens à ma souffrance, je me suis tournée vers les livres spirituels. Jeune adulte, j’ai reçu le conseil de me rendre à une réunion Al-anon, un groupe de soutien pour les personnes qui vivent avec des personnes dépendantes à l’alcool ou la drogue. C’est un peu comme les alcooliques anonymes. J’y ai reçu énormément d’aide et j’ai cessé d’avoir honte. Je me suis enfin sentie comprise et j’ai accepté mon impuissance à sauver ma mère. Je me suis rendu compte que j’avais toujours voulu protéger ma famille, même si ce n’était pas mon rôle.

Renouer avec son corps

Mais ma véritable délivrance a eu lieu un peu plus tard. J’avais entendu parler d’une formation de Marie-Lise Labonté, une Québecoise qui a créé la Méthode de Libération des Cuirasses (MLC). Elle permet de libérer les tensions physiques et psychiques par le mouvement. Je sentais qu’il fallait que j’y aille. C’était une intuition très forte. Une semaine après avoir commencé ma formation, j’ai été licenciée de mon job d’assistante de direction dans une boîte américaine. Ça a été une libération.

J’ai touché un an de salaire qui m’a permis de prendre le temps de travailler sur moi-même. Pendant ma formation, j’ai réalisé que je n’étais pas vraiment incarnée dans mon corps, qu’il y avait beaucoup de chaos en moi. Je me suis laissé guider par le mouvement et j’ai enfin pu rencontrer mon corps. Pendant toutes mes années de souffrance, il avait engrangé des tensions, pour me protéger. Après plusieurs séances, j’ai pu me libérer de ma colère.

Déchirements familiaux

Du côté de ma famille, cela n’allait pas mieux. Sous l’emprise de la drogue, mon frère a fait plusieurs allers-retours en prison. Dans la même spirale d’autodestruction, maman était retournée en hôpital psychiatrique. J’avais besoin de me différencier d’elle, de sortir du puits. Je lui ai demandé de signer un contrat relationnel. Soit elle  choisissait la guérison en demandant un soutien extérieur, soit je mettais un terme à notre relation. Ça a été un choc pour elle. Elle l’a signé… Malheureusement elle n’a pas fait de travail sur elle-même et il n’y a pas eu de changement. À 65 ans, elle avait l’air d’en avoir 80. Il m’a fallu beaucoup d’amour pour aller lui rendre visite dans la maison de repos qui a fini par l’accueillir.  Et un jour, elle a été renversée par une voiture lors d’une promenade. Le choc l’a transformée. Tous les voiles se sont levés. Nous avons enfin pu nous rencontrer vraiment.

Comme j’étais assoiffée de connaissances, j’ai continué à apprendre sur moi-même, notamment via le chamanisme. Tetra, une association on ne peut plus sérieuse, proposait un atelier permettant de découvrir ses ‘animaux de pouvoir’ au cours d’un voyage au son du tambour. Couchés sur le sol, nous avons ‘voyagé’ intérieurement dans les mondes souterrains. La louve blanche est le premier animal de pouvoir que j’ai rencontré. Dernièrement, un éléphant m’est apparu. Il marche lentement et sûrement. On peut trouver ça étonnant, mais ces animaux m’accompagnent dans mon quotidien et le rendent surprenant et joyeux.

J’ai aussi énormément appris grâce à la Communication Non Violente (CNV). J’ai participé à une formation intensive avec Marshall  Rosenberg, son fondateur, et j’ai été frappée par son pouvoir d’écoute. La CNV demande d’observer la situation, de prendre conscience de ce qu’on ressent, de ses émotions et de ses besoins, et de formuler une demande. Nous étions 80 personnes de toutes nationalités. Ça a été une expérience très riche pour moi.

Toujours en construction

Malheureusement, en rentrant de cette formation, j’ai retrouvé maman en mauvais état. Elle fumait encore beaucoup, alors qu’elle avait un cancer du poumon. Je savais qu’elle allait partir. Je me sentais impuissante, malheureuse et sereine à la fois, car c’était le cycle d’une vie qui se terminait. À sa mort, j’étais triste, mais contente pour elle, enfin libérée de ce corps malade. Pendant quelques mois, j’ai senti sa présence, comme si elle voulait me donner tout ce qu’elle n’avait pas pu me donner avant. Au cours d’une visualisation, je lui ai dit au revoir et je l’ai laissée partir. Je n’aurais sans doute jamais pu lui dire au revoir de façon si sereine si je n’avais pas cherché à me reconstruire. Et je ne cesserai jamais de le faire.

Ainsi, à un atelier Guérir à cheval, j’ai découvert l’amour infini que peut offrir un cheval, et qu’il peut être un thérapeute à part entière. C’est là que j’ai pu  renouer avec mes racines. J’ai aussi beaucoup appris grâce à la systémique. J’ai réalisé à quel point ma lignée maternelle est marquée. Un de mes arrière-grands- pères s’est pendu, mon oncle s’est immolé par le feu, ma mère buvait et mon frère s’est drogué… J’ai compris que l’autodestruction que portait ma mère, je la portais aussi en moi, mais j’ai choisi de la transformer.

La psychogénéalogie, quant à elle, m’a permis de réaliser que les femmes de ma famille n’ont pas pu mettre au monde leurs talents. C’est pourquoi j’aimerais dédier ce témoignage à ma mère et à ma grand-mère, ainsi qu’à toutes les femmes qui n’ont pas pu aller au-delà de leur souffrance, qui n’ont pas transformé leur vie.

Enfin, c’est grâce à une formation en constellations symboliques de Georges Didier que j’ai pu me restructurer psychiquement, me différencier de mon histoire et qu’à présent, je me sens solide. Aujourd’hui, je suis thérapeute psychocorporelle en Méthode de Libération des Cuirasses, entre autres. J’aide les autres. Et je continue à travailler sur moi-même, car je ne serai jamais achevée.”

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Texte: Julie Anh

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