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Inceste: comment en parler avant que cela n’arrive?

Par Justine Leupe

Les langues se délient et les témoignages se multiplient sur l’inceste. Ces mises en lumière sont l’occasion de montrer aux victimes qu’elles ne sont pas seules et qu’elles seront écoutées et crues. Mais pour éviter d’en arriver à ces agressions sexuelles, il est important d’éduquer l’enfant à son propre corps, d’être attentif et éveillé par rapport à son petit bout.

Fin septembre, les associations et intervenants dans le domaine des agressions sexuelles ont pu s’exprimer par rapport à la réforme du Code pénal. “Il date des années 1800, il y a donc beaucoup de choses à revoir quant aux violences sexuelles. La société a changé, nous sommes plus éveillés aujourd’hui, et ce, depuis les affaires Dutroux, que ce soit sur les agressions sexuelles intra ou extra familiales. En 1996, de nombreuses victimes d’inceste ont vu une possibilité d’être entendues et de parler car beaucoup pensaient que les viols sur enfants n’existaient pas”, rappelle Lily Bruyère, la coordinatrice de SOS Inceste Belgique.

Après cette affaire, c’est 30 années de combat sur le plan juridique qui ont commencé. En 2001, le délai de prescription a été allongé dans le but de protéger les enfants. “Il est passé de 5 à 10 ans (à partir de 18 ans). L’allongement est ensuite passé à 15 ans et puis, en 2019, nous en sommes arrivés à ce qu’en Belgique, l’inceste soit imprescriptible. On est pratiquement les seuls en Europe”. Fin septembre 2021, une réforme du Code pénal concernant le volet des violences sexuelles avait lieu. “La grande avancée est que dorénavant, le mot inceste sera introduit dans le Code pénal. La définition y sera et cet acte sera une circonstance aggravante et un article de loi en soi. C’est ce qu’on demandait depuis longtemps”, explique, soulagée, Lily Bruyère. Auparavant, l’inceste était jugé sous la dénomination de viol et/ou attentat à la pudeur avec circonstance aggravante commis par un ascendant de la victime.

Parler d’intimité dès le plus jeune âge

C’est évidemment impossible de tenir un enfant responsable de sa propre sécurité. “C’est beaucoup trop lourd pour lui”. Les adultes doivent prendre leurs responsabilités et parler aux enfants de manière adéquate de leur propre intimité.

À la maison

Il est bon de lui expliquer que ses parties intimes n’appartiennent qu’à lui. “Si un adulte demande à un enfant qu’il fasse certaines choses, s’il pose ses mains sur lui, c’est que l’adulte ne respecte pas son intimité. Il faut apprendre au plus tôt à un enfant à se laver seul, à être un peu autonome, à lui répéter que son corps est à lui et que s’il sent un malaise face à un geste, il faut qu’il puisse manifester un ‘non’ et qu’il puisse en parler s’il ne sait pas s’y opposer. Il est important de lui expliquer qu’il peut se confier à un adulte en qui il a confiance. C’est un message qu’on peut délivrer tôt. Les enfants sont très vite éveillés”, conseille Lily Bruyère.

À l’école

L’école aussi a son rôle à jouer, toutes ces questions peuvent être abordées de façon ludique. “Avec des pièces de théâtre par exemple. L’ASBL Garance a notamment mis sur pied un programme Enfants CAPables qui leur permet d’identifier des situations dangereuses”. Malheureusement, toutes les écoles ne sont pas ouvertes à cela et il y a un réel manque de moyens pour tout ce qui touche à l’EVRAS (éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle). “Pourtant, c’est indispensable car les parents coupables de maltraitance ne parleront jamais de cela à la maison”, prévient la coordinatrice de SOS Inceste Belgique. Le chemin est encore long mais “heureusement, de plus en plus d’écoles, d’universités ou de hautes écoles forment les enseignants et éducateurs en intégrant des ‘cours’ pour plus d’éveil sur le sujet de l’inceste”.

Pour parler d’intimité aux tous petits, on vous recommande les livres suivants (à se procurer via le site lesnezanez.be):

Pour les petites filles:

Pour les petits garçons:

Les paradoxes de l’inceste pour l’enfant

En tant qu’adulte, il faut rester attentif au discours des enfants car l’inceste est paradoxal pour les plus jeunes. “C’est difficile car ces violences sexuelles se font au sein de la famille, un milieu où les adultes sont censés respecter l’enfant, l’aimer, le protéger et être bienveillant”, explique Lily Bruyère. Cet acte étant intra familiale, l’agresseur peut d’ailleurs facilement créer un lien avec l’enfant. Il fera ensuite preuve de manipulation, de chantage et d’emprise, il est alors difficile pour l’enfant de s’opposer. “On le répète, mais la sécurité de l’enfant ne doit pas reposer sur lui-même. On lui donne juste quelques outils pour qu’il sache crier au secours et demander de l’aide”.

“L’inceste heureux” n’existe pas

Un lien fort peut se créer entre la victime et son agresseur. L’enfant est sous son emprise et celle-ci peut être telle, et le lavage de cerveau si important, que la victime a l’impression de se sentir proche de l’adulte. À l’époque, quand la réforme du Code pénal n’était pas envisagée, lors de certains procès, on pouvait parler “d’inceste heureux” ou “d’inceste consenti”. “Alors que c’est impossible, un inceste n’est jamais consenti”. Aujourd’hui, lors d’un procès pour inceste, on considérera d’office qu’il y a de l’emprise et un non-consentement de la part de l’enfant. C’est là que cette réforme prend toute son importance car avant, il fallait apporter des preuves. “Mais il n’y a pas d’amour, il y a un rapport de domination et de ‘séduction traumatique’. Il y a de la manipulation autour de l’enfant et de l’adolescent qui grandit dans ce contexte incestuel et incestueux. Il est éduqué de manière à ce qu’il pense que c’est normal et que c’est lui qui induit tout ce qui lui arrive”, décrit la coordinatrice de SOS Inceste Belgique. Certains agresseurs arrivent même à faire croire à leur victime que c’est elle qui a demandé cela, c’est elle qui avait une petite jupe, qui est venue s’asseoir sur ses genoux et qui s’est frottée… L’inceste est un réel mécanisme de domination, manipulation, culpabilité et/ou honte.

Les difficultés à se construire en tant qu’adulte

L’enfant est alors confus et ce n’est que plus tard qu’il comprendra ce qu’il lui est arrivé plus jeune. Cette prise de conscience passe par des angoisses, des troubles alimentaires, des insomnies, de la dépression… et crée un traumatisme complexe. “L’enfant est agressé à répétition, de manière diverse: gestes, paroles, manipulation, dévalorisation parfois… Il y a donc des microtraumatismes qui se superposent”. C’est également très compliqué de grandir en pensant qu’on est ou a été un objet de désir.

Être vigilant

Malgré son innocence, l’enfant victime d’inceste comprend rapidement que l’adulte pose un geste sur lui qui n’est pas normal, il sent qu’il y a une intention mais il n’a pas toujours les mots pour l’exprimer. Tout adulte doit être attentif aux signes envoyés par l’enfant. “À un moment, les victimes montrent des signes, par le dessin par exemple ou tentent de parler mais on ne les entend pas toujours”. C’est donc important de garder une certaine vigilance et un éveil face à un enfant. “Il ne faut pas devenir obsessionnel mais avec les connaissances qu’on a aujourd’hui, on ne peut plus fermer les yeux”, conclut Lily Bruyère, la coordinatrice de SOS Inceste Belgique.

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