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Témoignage: “J’ai créé un spectacle basé sur des contes érotiques”

Pour surprendre son mari et se lancer un défi, la comédienne belge Sophie Dumont (39 ans) a décidé de devenir conteuse coquine et, dans la foulée, prof de pole dance. Un double challenge qui a changé sa vie. Et pas que la sienne…

En 2014,  Sophie se lance un défi pour surprendre son mari: “J’avais envie de lui faire un cadeau insolite pour la Saint-Valentin. Je ne suis pas du tout matérialiste. Lui non plus. Nous étions ensemble depuis 12 ans et je ne savais plus quoi lui offrir. C’est là que j’ai eu l’idée de créer un spectacle basé sur des contes érotiques. Moi qui étais timide et extrêmement pudique, c’était déjà un défi en soi”.

Passer des contes pour enfants aux contes pour adultes

En tant que conteuse pour enfants, Sophie aime les histoires basées sur deux niveaux de lecture, des récits qui peuvent parler tant aux petits qu’aux grands qui les accompagnent. “Mais là, je voulais aller beaucoup plus loin. La preuve: j’ai poussé le vice jusqu’à jouer ce spectacle devant un vrai public. Très vite, je me suis demandé dans quoi je m’étais embarquée. J’avais choisi de raconter cinq contes érotiques d’Henri Gougaud et d’en écrire un sixième. Pour corser le tout, j’avais opté pour un ‘dîner/spectacle’, un format assez intimidant puisqu’il nécessite d’être proche du public. Dès le premier soir, les réactions ont été très positives. Mon mari a beaucoup aimé, lui aussi”.

Oser dire les mots

Les contes érotiques que clame Sophie mettent en lumière la richesse de l’amour et de la sexualité. Celle-ci y est envisagée comme un voyage, une succession de saisons riches et diverses. “C’est très libérateur comme message. Cela dit, je ne vais pas mentir: les premières fois où j’ai dû prononcer certaines phrases à voix haute, j’ai rougi. Mon metteur en scène a parfois dû batailler ferme pour me faire sortir des répliques particulièrement explicites. Le texte reste néanmoins très subtil. Ces contes parlent, le plus souvent sous forme de métaphores, de notre vision du corps et de la genèse du plaisir”.

Le pole dance s’invite au spectacle

La même année que la création du spectacle, Sophie est invitée à le jouer au festival d’Avignon. Un vrai encouragement, mais aussi le début d’une grande aventure. “À l’issue de la dernière représentation, c’est en observant la scène vide – à l’époque, je n’avais qu’une simple chaise en guise de décor – que j’ai eu une vision. J’ai tout à coup imaginé jouer avec une barre, la même que celle qu’on utilise en pole dance. Une manière de rendre le show plus sensuel, mais aussi d’assumer davantage ma féminité. J’ai donc commencé à prendre des cours. Mon idée n’était pas de mincir ou de changer mon apparence, mais à force d’entraînement, j’ai naturellement perdu deux tailles de vêtement”.

Des “accidents positifs”

Petit à petit, Sophie change ses costumes de scène. Au fur et à mesure que sa silhouette se modifie, elle porte des pièces plus courtes ou plus moulantes: un t-shirt moins large, puis un corset et enfin un haut rouge avec des froufrous (photo). “Désormais, quand je suis sur scène, je me sens belle et féminine. Tous ces petits changements, je les appelle mes ‘accidents positifs’. Quand j’ai décidé d’accessoiriser ma tenue avec un boa, je ne savais pas comment le manipuler. J’ai donc pris des cours d’effeuillage avec des artistes issues du cabaret burlesque. Un nouveau prétexte pour me réinventer et explorer ma féminité. Désormais, ce costume est comme une seconde peau”.

Un moment doux et chaud

“Il est fréquent que des spectatrices viennent me dire merci à la fin du show. Elles sont heureuses que je remette la femme, ses désirs et sa féminité au centre du débat, nous explique Sophie. J’aime croire que mon spectacle est gourmand. On y vient en couple et on en repart plus amoureux. Généralement, les gens s’installent côte à côte, puis se rapprochent au fil de la soirée. J’aperçois des bras qui s’effleurent, des mains qui se touchent, une tête posée sur une épaule. Pour eux, c’est libérateur. Pour moi aussi”.

Deux amants pour une même femme

C’est l’histoire d’une femme qui a un amant, mais qui n’exclut pas d’en avoir un second. Le dernier des contes, que Sophie a écrit, parle de l’amour libre. “Encore une fois, il s’agit d’une métaphore. Mais pour moi qui ai grandi dans un milieu très moralisateur marqué par l’obligation de conserver une certaine retenue, j’ai l’impression que ce spectacle m’octroie une liberté de pensée et de ton. J’ose enfin m’affirmer en tant que femme. J’ai la chance d’avoir un compagnon qui m’a laissée vivre cette renaissance comme je l’entendais. Il me soutient énormément. La plupart du temps, son entourage lui dit qu’il a de la chance”. Le fait que ce spectacle ait été écrit pour son mari, rend les choses plus évidentes et plus faciles à assumer pour Sophie. “Pour moi, mais aussi pour notre couple, il a été synonyme de redécouvertes. J’ai tout à coup pris conscience de ma capacité à rebondir, de l’importance de m’autoriser des choses complètement dingues, de me laisser emporter par tout ce que m’offre la vie. Désormais, je ne cherche plus à édulcorer mes rêves. Je les vis. L’un des plus beaux compliments que j’ai reçus émanait d’un homme. Mes contes lui avaient fait réaliser la beauté du désir et à quel point il regrettait de n’avoir pas su désirer les femmes qu’il avait aimées”.

Conteuse coquine et mère de famille

Sophie est conteuse coquine, mais aussi maman de deux garçons de 7 et 9 ans. “Les laisser seuls avec leur papa les soirs où je joue ne m’a jamais posé de problème. Il arrive que des femmes de mon entourage me fassent des remarques à ce sujet. Mais le pire, ce n’est pas tellement les contes coquins. À Libramont, là où je vis, mes séances de pole dance sont encore très taboues. Les gens ne voient pas cela comme un sport acrobatique, mais plutôt comme un truc louche. On m’a même insultée. Pourtant, tout est parti d’une demande. Mes élèves, jeunes et moins jeunes, n’avaient pas envie d’aller jusqu’à Namur pour s’initier à cette pratique. En ce qui me concerne, je vois ces cours comme un moteur d’ouverture, une invitation à se libérer de certains carcans. Lorsqu’elles commencent la pole dance, certaines élèves s’excusent pratiquement d’être là. Après quelques semaines, même les plus rondes changent de tenue. Elles s’offrent des shorts courts et moulants, parfois agrémentés d’un petit volant. Au bout de trois mois, certaines improvisent des démos pour leur amoureux ou leur mari”.

Nues à la barre

“Le succès de mes cours repose en partie sur la notion de curiosité pour un sport plutôt méconnu, mais il ne faut pas se leurrer: la pole dance, ce n’est pas du jogging. Ce sport se pratique entre femmes. Pour adhérer à la barre, il faut être assez dénudée. Ce contexte oblige les participantes à parler et à se montrer solidaires les unes des autres. Un ami comédien m’a fait remarquer que le mouvement #MeToo a libéré la parole féminine. Désormais, en matière de sexualité, nous pouvons aller plus loin qu’un homme. Moi, en tout cas, j’ai conscience que j’ai le droit de tout dire. C’est assez exaltant. On peut voir les contes coquins comme des facilitateurs de plaisir. Et quoi de mieux que le plaisir pour rendre une femme encore plus entière?”.

Pour suivre l’actualité de Sophie Dumont, connaître les dates de ses spectacles et obtenir des infos pratiques concernant ses cours de pole dance, consultez son site lesacteursdesophie.eu.

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