Le wokisme: mode ou révolution sociétale? 5 questions à une experte
C’est quoi le wokisme au juste? Utilisé à tort et à travers, le terme suscite de vifs débats et réactions. Une sociologue nous éclaire en 5 questions-réponses.
On l’entend partout dans l’espace public, souvent de manière critique ou parfois moqueuse. “Un artiste très woke”, “un débat pas très woke”… Mais le wokisme, qu’est-ce que c’est exactement? S’agit-il d’une tendance passagère ou d’une évolution profonde de notre société?
Wokisme, ça veut dire quoi?
Audrey Van Ouytsel, sociologue, a répondu à nos questions sur cette idéologie complexe.
D’où vient le terme “wokisme”?
“Le wokisme vient du terme anglais ‘woke’, qui signifie ‘éveillé’. Il s’agit d’une idéologie et d’un mouvement social issus des luttes pour les droits civiques et contre la ségrégation raciale de la communauté afro-américaine dans les années 60, notamment avec la figure de Martin Luther King. Progressivement, ce mouvement s’est élargi à d’autres combats et dénonciations de systèmes oppressifs, contre le patriarcat, pour les droits des LGBTQIA+ ou contre le colonialisme, notamment. Il connaît une résurgence depuis les années 2010, avec le mouvement social du Black Lives Matter.”
Quel est son cheval de bataille?
“Aujourd’hui, le wokisme s’assimile à toute dénonciation de discrimination à l’égard d’une minorité, en opposition à l’ordre établi. Il remet en question les modes de pensées dominants et valorise la reconnaissance de la singularité de chacun et de chacune. Ce que souhaitent les adeptes du wokisme, c’est une déconstruction des normes sociales et du pouvoir. Ils critiquent aussi les institutions (police, école, médias…) qui perpétuent les inégalités.”
Les anti-woke sont avant tout des personnes qui ont peur du changement.
Pourquoi le wokisme est-il aussi clivant?
“Il est clivant, car il n’a pas de théorie définie, qu’il inclut aussi bien les mouvements anti-racistes, le mouvement #metoo, les luttes féministes… En ce sens, il fait l’objet de pas mal d’amalgames. Le terme est un peu galvaudé. Et puis, comme ce mouvement conteste l’ordre établi, il fait beaucoup de bruit. Ce que ses détracteurs lui reprochent, c’est notamment qu’en voulant préserver toutes les singularités, on perd une forme d’universalisme au sein de la société. Ils craignent le chaos, la perte de repères. Mais les anti-woke sont avant tout des personnes qui ont peur du changement et de l’évolution de la société.”
Existe-t-il un clash générationnel autour du concept?
“Le wokisme répond à des interrogations sociétales qui sont beaucoup plus portées par les jeunes générations, moins conformistes que leurs aînés. On constate chez les jeunes une forte revendication des singularités et du respect de la différence. La relativité de la norme et la liberté sont, chez la génération Z, assez spectaculaires. Quand on voit ce qui tourne autour du body positive et de l’acceptation du corps de la femme notamment, les modes de pensées ont vraiment évolué. Ces générations sont aussi confrontées à beaucoup plus d’écueils que les précédentes, que ce soit sur les questions environnementales, l’insécurité professionnelle ou affective. Elles se questionnent et s’opposent de plus en plus à la société de performance.”
Les jeunes générations sont confrontées à beaucoup plus d’écueils que les précédentes.
D’après vous, s’agit-il d’une tendance ou d’un mouvement durable?
“Je pense que le wokisme peut devenir un outil de transformation sociale. Il caractérise l’évolution actuelle de notre société et je ne pense pas qu’il sera passager. Selon moi, il amorce une mutation sociétale. À un moment donné, ces contestations mèneront à des actions concrètes et, sans doute, à une société plus ouverte et plus respectueuse des différences de chacun.”
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