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Comment répondre aux remarques anti-féministes?

Par Justine Leupe

Le féminisme est un sujet difficile à aborder, plus encore avec celles et ceux qui se disent “anti”. Comment trouver les mots justes pour leur faire prendre conscience de l’importance du mouvement? Nos exemples concrets.

Quand on parle de féminisme, d’aucuns pensent encore que le mouvement cherche à promouvoir la domination des femmes dans la société (civile et au sein du foyer). Un préjugé qu’on doit à une mauvaise interprétation de la définition car le féminisme, ce n’est ni plus ni moins que de vouloir “les mêmes droits, les mêmes possibilités de se réaliser et les mêmes chances pour tous”. Et cela passe naturellement par l’extension du rôle de la femme dans la société. Pourquoi? Parce qu’elle a, encore aujourd’hui, moins de droits. Il n’est pas question ici de gommer les différences, ni de (re)prendre le pouvoir, mais bien de soutenir une égalité des droits et des chances entre les hommes et les femmes. Voilà un premier élément de réponse crucial.

Qui sont les anti-féministes?

L’anti-féministe considère que le féminisme n’a pas lieu d’être. La personne vit très bien avec tous les stéréotypes que la société impose (pensez à l’instinct maternel qui irait de soi et à la mauvaise gestion des émotions chez la femme, notamment). Dans sa publication Femmes contre le féminisme ou l’antiféminisme ordinaire, le CVFE (Collectif contre les Violences familiales et l’Exclusion) explique que les anti-féministes croient bien souvent en une morale conservatrice: “Les femmes sont plus faibles physiquement et émotionnellement, c’est pourquoi elles ont besoin des hommes”. Au sein de ces antis, des femmes. Ces dernières estiment bien souvent que l’égalité est atteinte (“Je n’ai pas besoin du féminisme car j’ai déjà les mêmes droits que les hommes”) et rejettent le choix de vie, les attitudes et les prises de position des féministes qui “parleraient au nom de toutes”.

“Je ne suis pas féministe”

Surtout, différencions celles et ceux qui ne se disent pas féministes des anti-féministes. Aux premiers, il suffira de rappeler la définition du mouvement pour qu’ils prennent conscience de son importance (et de rétorquer “Ah oui, ça c’est logique et légitime, je suis pour”). Les autres sont des partenaires de débat bien plus complexes. Face à eux, surtout ne pas paniquer ou s’énerver, et se munir du document Clouez le bec à l’anti-féminisme réalisé par l’ASBL Garance, association sans but lucratif qui lutte contre les violences de genres. On en a extrait quelques pistes.

“C’était mieux avant”

“C’était mieux avant! Il n’y avait pas tous ces problèmes, ces manifestations… Les femmes ne se plaignaient pas de leur situation et vivaient très bien”.

La réponse: “Je ne suis pas certaine que c’était mieux avant. Faire évoluer la société était (et est encore) plus que nécessaire. Plusieurs changements ont d’ailleurs eu lieu afin d’améliorer le statut de la femme. Notamment en 1948, lorsqu’elles ont obtenu le droit de vote (les hommes l’ont depuis 1919), ou encore en 1958, lorsque le devoir d’obéissance de l’épouse envers son mari a été retiré du Code Civil. Jusque-là, la femme mariée avait le même statut… qu’un enfant. Elle devait demander l’autorisation au mari pour ouvrir un compte en banque, même si elle percevait des revenus. En 1970, l’égalité parentale a été imposée. Auparavant, la loi obligeait la ‘puissance paternelle’ sur les enfants. Les exemples sont nombreux et les témoignages sont loin d’évoquer l’idée que c’était mieux avant”. Il est toujours intéressant de contextualiser d’où l’on vient et le chemin parcouru. C’est ce qu’on appelle le travail de mémoire.

“Vous discriminez les hommes”

“Le féminisme est une discrimination envers les hommes!”: vous avez certainement déjà entendu ou été confrontée à ce type d’exclamation. Premier argument à la base de ce discours: “Le mot ‘féminisme’ ne nous englobe pas”.

La réponse: “Le terme peut effectivement prêter à confusion, mais à l’heure actuelle, il n’y en n’a pas de meilleur pour désigner la lutte pour promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes. À défaut d’alternative claire, continuons à l’employer”. Dans le fond, vous pouvez essayer de trouver un nom à la cause qui mettrait tout le monde d’accord, mais en attendant de réinventer le dictionnaire, rappelez que le féminisme soutient bien l’égalité des hommes et des femmes et non la supériorité des unes sur les autres.

“C’est pire ailleurs”

“Que des femmes en Afghanistan se battent pour leurs droits, je comprends. Mais en Belgique, vous n’avez pas à vous plaindre”. Une affirmation courante qui manque forcément de nuances.

La réponse: “Inutile de comparer les pays. Cela risquerait de dévaluer le droit de lutter contre ce qui nous concerne directement ici. Ce n’est pas parce que la situation est pire ailleurs que je dois tout accepter ici”. Dans ce cas, dénoncez l’incohérence du propos. Effectivement, tous les pays avancent à des rythmes différents, mais soyons de ceux qui font changer les mentalités afin que d’autres prennent exemple sur nous. C’est notamment notre cas par rapport aux pays du Nord de l’Europe (Island, Norvège, Suède, Finlande), plus à la page.

“Tu es biologiquement prédisposée”

“Je n’ai pas entendu bébé pleurer cette nuit car je n’ai pas ton instinct”. Ah le bon vieil instinct maternel qui permet à certains pères de se dédouaner.

La réponse: “Je ne peux pas cautionner l’idée que ma biologie me prédétermine à entendre un bébé pleurer la nuit, à sentir quand il a fait caca, à remarquer quand il a faim… et que toi, tu ne perçoives rien. On est tous constitués de la même façon”. Il est trop facile de fuir ses responsabilités sous prétexte que biologiquement parlant, les hommes et les femmes seraient différents. Dans Homme-Femme, avons-nous le même cerveau?, la neurobiologiste Catherine Vidal rappelle que nous ne naissons qu’avec 10% de connexions cérébrales. Le reste, nous le construisons grâce à notre éducation, notre environnement… Tout est donc à acquérir! Offrez ce bouquin à un homme/père qui en doute.

“On est déjà égaux” (ou le célèbre “Vous exagérez”)

“En Belgique, on a les mêmes droits, qu’on soit un homme ou une femme”. On est en bon chemin, oui, mais cela ne signifie pas que l’égalité totale est acquise et que le combat doit s’arrêter.

La réponse: “Effectivement, nous avons la même égalité de droit, mais pas la même égalité de fait. En théorie, dans de nombreux pays, les hommes et les femmes ont les mêmes droits. Pourtant, dans les faits, les divergences sont bien présentes: les femmes sont plus souvent victimes d’agressions sexuelles, de féminicides, elles gagnent moins, sont plus touchées par le plafond de verre, elles entreprennent davantage de tâches domestiques, leur charge mentale explose…”. Un petit retour factuel qui fait du bien.

“Je me sens exclu/attaqué”

“Lors de rassemblements ou de manifestations féministes, peu de place est accordée aux hommes, j’ai vraiment l’impression que nous sommes les mauvais”.

La réponse: “Tu te sens visé parce que ces rassemblements sont parfois non mixtes (ou que plus de femmes y participent). Pourtant, tu ne te plains pas si des personnes LGBT+ ou des sans-papiers organisent des réunions entre elles”. Pour cette réponse, l’ASBL Garance propose de poser un argument de substitution: on remplace un type d’oppression par un autre qui n’a rien avoir avec le droit des femmes.

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