8 mars, c’est la journée internationale des droits des femmes et pour l’occasion, les entrepreneuses sociales sont à l’honneur.
Le saviez-vous? 45% des entrepreneurs sociaux dans le monde sont des femmes – une proportion bien plus élevée que dans l’entrepreneuriat «classique» (33%). Des entrepreneuses sociales qui pensent que l’entreprise ne doit pas se limiter à générer des profits, mais peut être un levier pour changer les choses. A l’occasion de la Journée de la Femme, découvrez le portrait de 21 d’entre elles aux 4 coins du monde, grâce à l’opération Women in Businesses For Good à laquelle Femmes d’Aujourd’hui, ainsi que 20 autres médias internationaux, participe.
Bosai Girls
Sans les terribles tremblement de terre et tsunami de 2011, le destin de Misaki Tanaka aurait pu être différent. Mais la catastrophe qui a dévasté le nord-est du Japon en mars de cette année-là l’a amenée à faire le point sur sa vie.
Misaki Tanaka, aujourd’hui âgée de 29 ans, vient tout juste d’obtenir son diplôme d’une université de Kyoto lorsque le grand tremblement de terre de magnitude 9 frappe l’est du Japon, provoquant un redoutable tsunami qui ravage les zones côtières de la région de Tohoku, fait plus de 20 000 morts ou disparus et déclenche une catastrophe nucléaire.
Misaki Tanaka commence sa carrière dans une grande société informatique de Tokyo qui développe des jeux vidéo. Pendant son temps libre, elle se porte volontaire pour venir en aide aux sinistrés. Cela implique de débarrasser les terres agricoles des monticules de poissons morts et de débris emportés par le tsunami.
Frappée par le fossé béant entre son existence et le sentiment d’impuissance qui affligeait les personnes dans les zones touchées, Misaki Tanaka se demande si elle est faite pour son travail, et finit par quitter la société de jeux vidéo.
Elle décroche un autre emploi dans une entreprise d’intérêt public qui aide les victimes de la catastrophe, ce qui la conduit à Fukushima, le site de la catastrophe nucléaire. Par la suite, elle regagne les bureaux tokyoïtes de l’entreprise et se consacre à des exercices de préparation aux catastrophes, qu’elle trouve « soporifiques, ennuyeux et toujours les mêmes ». Elle se rappelle que, même enfant, elle « ne les a jamais trouvés intéressants ».
Tout en comprenant l’extrême importance de la préparation aux catastrophes, Misaki Tanaka reste peu touchée par les exercices d’évacuation qui consistent à se rassembler à des heures et à des endroits précis, puis à se rendre dans une simulation de centre d’évacuation.
Armée de son expérience dans les technologies de l’information et d’un sens aigu de la mode, Misaki Tanaka commence à réfléchir au moyen de rendre ces alertes plus divertissantes et d’y impliquer davantage les jeunes. Lors du deuxième anniversaire du tremblement de terre et du tsunami, en 2013, elle annonce, avec d’autres jeunes rencontrés au cours des opérations de soutien à la reconstruction, la formation de Bosai Girls – littéralement, les filles de la préparation aux catastrophes.
La décision de Misaki Tanaka d’utiliser le mot « filles » dans le nom de l’organisation reflétait la vulnérabilité particulière des femmes en temps de catastrophe. Pour promouvoir sa vision d’une approche amusante et funky de la préparation aux catastrophes, Misaki Tanaka savait qu’elle aurait besoin d’atteindre les jeunes femmes, qui catalysent souvent les nouvelles tendances. Le groupe a collecté des fonds en ligne et créé un site Web, puis développé et commercialisé des produits à la fois utiles et trendy pour situations d’urgence nationale.
Parmi les articles que le groupe a mis au point figurent des chaussures robustes et pliables, des bottes à motifs kawai pour les bénévoles et des sacs montrant en 3D les zones à risque du quartier branché de Shibuya, à Tokyo. Ainsi qu’un bracelet d’amitié, misanga, qui peut aussi servir de fil dentaire ou de corde à linge.
L’étape suivante consistait à injecter un peu d’animation dans les exercices d’évacuation. Misaki Tanaka voulait insuffler un sentiment d’émulation pour inciter les participants à atteindre leurs objectifs.
Ses exercices d’alerte ont lieu dans les quartiers branchés de Tokyo, comme Shibuya et Akihabara, où se rassemblent une foule de jeunes. A l’aide d’une application pour smartphone, les participants essaient d’atteindre le plus grand nombre possible de centres d’évacuation et de postes de soutien au cours d’une période donnée. Ils peuvent ainsi évaluer les difficultés auxquelles les gens pourraient être confrontés en cas de catastrophe naturelle.
Contrairement aux précédents exercices d’évacuation, lourdement scénarisés, les exercices mis au point par Bosai Girls rendent tangible pour les participants l’éventualité de devoir se débrouiller seuls dans des lieux inconnus lorsque survient une catastrophe. S’affronter pour accumuler le plus de visites possible donne par ailleurs une impression de jeu, comme dans les jeux vidéo.
Le dernier projet du groupe, #beORANGE, a pour but d’amener les gens à associer les drapeaux orange à un danger de tsunami imminent, un peu comme un feu rouge dit aux automobilistes de s’arrêter. La Nippon Foundation a fourni 25 millions de yens (234 000 dollars) de subvention pour le projet #beORANGE en 2016, et 20 millions de yens supplémentaires l’année suivante.
« La fondation subventionne de nombreuses organisations, mais peu d’entre elles se transforment en mouvement national », fait remarquer Eriko Munechika, membre de la fondation. « Bosai Girls a les moyens de toucher beaucoup de monde parce qu’elle pose la bonne question : comment atteindre les jeunes ? »
A ce jour, le groupe a distribué environ 400 drapeaux orange à plus de 70 municipalités dans le pays. Le nombre de membres de Bosai Girls est quant à lui passé à plus de 130, la majorité d’entre elles étant des femmes d’une vingtaine d’années.
Bosai Girls regarde aujourd’hui au-delà de la préparation aux catastrophes pour s’attaquer à d’autres aspects potentiellement douloureux de la vie quotidienne, comme l’intimidation, le harcèlement, les préjugés à l’égard des minorités sexuelles et les fortes pressions familiales et autres pour que les jeunes femmes se marient.
« Nous voulons continuer à affronter les désastres qui nous empêchent de mener une vie heureuse », déclare Misaki Tanaka. « Nous cherchons de nouvelles solutions qui répondent aux besoins des jeunes générations ».
Par Azusa Mishima pour le Asahi Shimbun
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