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Roselyne Febvre raconte ses années de lutte pour sauver son fils de l'addiction. © Cottonbro/ Pexels

Témoignage: “Je me bats pour sortir mon fils de la drogue”

Depuis 10 ans, Roselyne Febvre lutte pour arracher Arthur, son fils de 29 ans, au cycle infernal de l’addiction. De ce combat acharné est né un livre: Les battements de cœur du colibri.

C’est un récit de sensibilisation autant qu’une lettre d’amour… On l’a lu, plongez-y aussi.

“Arthur avait 19 ans et le cœur brisé par une rupture. La fin d’une relation orageuse avec sa petite amie, qui elle-même se droguait. Cela n’explique pas tout, mais a certainement contribué au désastre. Jusque-là, il se contentait de fumer quelques joints, comme nombre d’adolescents. C’était un garçon doux et charmant. Drôle et d’une sensibilité à fleur de peau, qui confinait à la fragilité”, raconte Roselyne Febvre. Son rêve? Intégrer une école de cinéma. Il venait d’être admis après la création d’un court métrage.

La nuit où tout a basculé

“Il y a eu cette nuit où tout a basculé, lorsqu’il a consommé pour la première fois des champignons hallucinogènes. Il les avait achetés sur Internet, comme on le ferait d’un pull ou d’un livre. Et ceux-ci l’ont plongé dans une bouffée délirante aigüe. Il a disparu de longues heures, laissant son appartement totalement retourné. Il a déchiré ses vêtements, s’est griffé l’ensemble du corps, frappé la tête contre les murs, a insulté les policiers qui tentaient de le calmer et a fini en cellule de dégrisement. Mais la crise ne se calmait pas. Restant incohérent et violent, il a été transféré en hôpital psychiatrique, dans un service fermé. Nous étions en 2015. Pour nous, ses proches, cela a été le choc puis le début de l’effondrement. Et de la descente aux enfers, qui se prolonge encore aujourd’hui.”

Les questions fusent, les réponses manquent

“J’espérais une sortie après quelques heures, peut-être 2 ou 3 jours. Il a fallu des semaines pour qu’il renoue avec le monde réel puis retrouve la force de le réintégrer. J’attendais un diagnostic qui me permettrait de comprendre. Mais c’est resté épouvantablement flou. Les médicaments se succédaient et se combinaient, des neuroleptiques, des antipsychotiques, du valium, des calmants… Mais ils parvenaient juste à faire descendre son agressivité pour le plonger dans un état amorphe.

J’ai cherché une logique et un sens derrière sa douleur et la prise de drogue…

Puis sont venus la peine et les remords, les pardons et les torrents de larmes. Durant cette période, je tentais de survivre en apnée, avec l’impression constante de me noyer. Je fouillais dans mes souvenirs en quête de réponses. Cherchant une logique et un sens derrière sa douleur et la prise de drogue, lui qui venait d’une famille dont elle était totalement absente. Était-ce dû au divorce de son père et moi, lorsqu’il avait 6 ans? À mes journées très longues, en tant que journaliste politique sur une grande chaîne française? À la difficulté à trouver sa place, à s’entendre avec sa sœur Camille, âgée de 5 ans de plus que lui? À son besoin de révolte? Les points d’interrogation demeuraient.”

Un nouveau départ

Arthur a fini par aller mieux, mais il n’était pas guéri. “Les médecins l’ont orienté vers une clinique privée pour reprendre des forces. Après un moment, comme la bouffée délirante s’était apaisée, il a enfin pu enfin sortir, tout en demeurant sous traitement médicamenteux. Je voulais tellement croire à un épisode unique, un accident de parcours qu’on laisserait progressivement derrière nous et à un nouveau départ. J’avais rendu les clés de son ancien appartement et lui en avait trouvé un autre. La vie a repris, la sienne, la mienne.

Mais même s’il m’affirmait aller bien, je restais en alerte. Tout contredisait ses tentatives pour me rassurer. Ses silences toujours plus nombreux, son attitude de plus en plus agitée et euphorique, sa perte de poids et ses insomnies, des symptômes qui me rappelaient avec angoisse la période de déprime qui avait précédé cette première crise.”

Et des rechutes

“Puis le lendemain du réveillon de Noël 2016, il m’a appelée, la voix pâteuse, prononçant des paroles incohérentes. J’ai foncé le retrouver et je l’ai emmené en urgence chez un psychiatre. Sur la route, il m’a avoué avoir pris de la cocaïne, du LSD, de la MDMA, des drogues de synthèse. Avoir volé ma montre et des affaires de son grand-père pour les vendre et s’acheter de la drogue. Ça a été le retour de la violence verbale, de l’autodestruction, puis de l’hôpital. De la camisole chimique, la descente et la dépression. Et pour moi, du désespoir. Une première rechute, avant beaucoup d’autres.”

Mon fils, mon obsession

“Depuis, rien ne semble pouvoir stopper le craving, ce besoin irrépressible de drogue, cette addiction qui supplante tout le reste. Avec lui, j’ai découvert le dévoreur, l’autre part de mon fils, la maladie qui prend possession de lui lors des crises, l’amène à voler, mentir, manipuler. À menacer et être cruel si on refuse de se plier à ses demandes. C’est une forme de folie terrifiante. Au fil des années, différents noms lui ont été donnés par les médecins: décompensation, bipolarité, dépression, TDAH, schizophrénie, jusqu’à enfin un vrai diagnostic, celui de phases maniaques. Mais il n’existe pas pour autant de baguette magique pour guérir la dépendance pas plus que la terrible souffrance d’être impuissante à l’aider.

La peur qu’il lui arrive quelque chose est tellement forte que l’on vit en panique…

En tant que maman, que parent, on est prêt à tout pour sauver son enfant. Même lorsqu’il ne réalise pas la gravité de son état. Même lorsqu’il n’est pas prêt à se battre pleinement pour s’en sortir. Et quitte à ce que cela vous consume. Cela fini par devenir une forme de codépendance, où votre enfant fait office de drogue. La peur qu’il lui arrive quelque chose est tellement forte que l’on vit en panique, avec une seule obsession, celle de veiller sur lui. Et le besoin de lui, comme on l’aurait d’avoir sa dose. De savoir s’il va bien, s’il a consommé, s’il a pris ses médicaments, s’il faut l’emmener à l’hôpital.

C’est ce que j’ai vécu durant des années. Jusqu’à finalement comprendre que je devais arrêter de mettre le doigt dans l’engrenage. Ne plus donner d’argent, ne plus être un recours absolu. Mais c’est terrible, parce que cela va à l’encontre du besoin viscéral que j’ai de le protéger. Sans cette part de distance, j’aurais sombré également. Même si elle n’empêche ni le chagrin ni l’amour, toujours aussi forts.”

Briser le tabou de la drogue

“Cela va faire 10 ans depuis cette première fois. 10 ans de combat, de périodes de trêve et de rechutes. Et au milieu de cette marée qui revient par moments tout submerger, l’écriture d’un livre, pour raconter son histoire, la nôtre. Une façon de garder ce lien avec lui, dans ces moments où il était inaccessible. De dire aussi, à quel point on peut se sentir abandonné, sans savoir vers qui se tourner, sans accompagnement. Et de remercier ces trop rares médecins et infirmiers, plus lumineux que les autres, qui vous parlent et vous rassurent.

J’avais également le besoin de briser ce tabou qui entoure toujours la drogue, ce sentiment de honte qui colle au corps de ceux qui en prennent et qui contamine aussi leurs proches. Aujourd’hui, Arthur n’est pas guéri. Le dévoreur est toujours là. Je me suis accrochée de toutes mes forces à l’espoir de le voir guérir. Cet espoir me fait peur, car il nourrit ma soif irrépressible de le sauver. Mais après les moments d’accablement, il finit toujours par refaire surface. Il est indissociable de l’amour, indissociable de la maman que je suis. Et qui continue de veiller.”

Pour aller plus loin

– Le livre: Les battements de cœur du colibri, Roselyne Febvre, éd. Litos
– Les sites: Infordrogues.be et parentsdaddictsanonymes.fr

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