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Quand la pensée positive devient toxique

“Ça va passer”, “Restons positifs”, “Ça pourrait être pire”. Vous essayez toujours de voir le verre à moitié plein? Attention, poussée à l’extrême, cette vision de la vie pourrait être toxique!

La positivité serait-elle le nouveau mal du siècle? Cultivé à l’excès, l’optimisme pourrait bien se révéler néfaste pour notre santé mentale. C’est en tous cas ce que dénoncent de plus en plus d’articles dans la presse. Une affirmation qui peut en faire bondir plus d’un mais qui semble pourtant se confirmer du côté scientifique. Plusieurs experts pointent en effet du doigt cette volonté de toujours rester positif et de chercher le bonheur à tout prix.

La positive attitude, le mal du siècle?

De l’inventeur de la méthode Coué à la chanteuse Lorie – auteure de la chanson “La positive attitude”- en passant par les comptes Instagram du style “La loi de l’attraction”, ils sont nombreux à nous vendre des méthodes, exercices à l’appui, visant à nous rendre plus heureux. Un concept qui a pris du plomb dans l’aile dès le début de la crise sanitaire, constate Saverio Tomasella, psychanalyste et auteur de Osez votre singularité. “On a essayé d’appliquer les bons préceptes de la positive attitude. C’était le moment ou jamais! Puis je crois que tout le monde en a eu marre d’essayer de se montrer artificiellement optimiste”, nous explique l’expert, qui nous invite à être plus vrai avec nos émotions: “Face à des épreuves difficiles, tout le monde s’effondre. On a juste envie d’être accueilli dans sa douleur”.

Mais doit-on pour autant qualifier de “toxique” un comportement un peu trop optimiste? Saverio Tomasella ne va pas jusque-là: “Toxique voudrait dire que c’est dangereux. Or, ce n’est pas le cas. C’est juste que se forcer à être positif n’est pas quelque chose de naturel. Bien entendu, on peut se montrer positif si ça répond à un vrai besoin et que ça vous permet d’aller mieux, mais inutile de forcer le trait. L’important, c’est de faire les choses de manière spontanée et de faire attention aux idées toutes faites sur le bonheur”.

Je vais bien, tout va bien… Ou pas!

Au début du 20e siècle, la méthode Coué – qui a vu le jour en 1913 – proposait de pratiquer l’autosuggestion positive afin de se sentir mieux. Une étude canadienne a néanmoins démontré que se bombarder d’affirmations positives donne au mieux un petit coup de pouce aux personnes qui ont déjà confiance en elles, au pire un sacré coup de mou aux gens qui sont peu sûrs d’eux. Et pour cause: chez ces derniers, cela créerait le sentiment de ne pas avoir le droit d’être eux-mêmes.

Il en va de même pour les autres théories dites “positives”, qui affirment que nous créons notre réalité à partir de nos pensées – La loi de l’attraction – et qu’en se concentrant sur nos pensées optimistes, nous allons nous créer une réalité positive. Il semble au contraire que lorsque nous visualisons notre réussite, le cerveau croit que l’objectif est déjà atteint. Résultat: on ferait moins d’efforts pour l’atteindre. La voie la plus sûre vers le succès serait plutôt de visualiser notre objectif ainsi que tous les obstacles qui pourraient se dresser sur notre route.

Le bonheur est-il vraiment entre nos mains?

Notre bonheur serait déterminé à 50% par des facteurs génétiques (certaines personnalités sont plus heureuses que d’autres), à 10% par nos circonstances de vie et à 40% par notre propre volonté et nos actions intentionnelles. C’est du moins ce qu’affirment les principes de psychologie positive: nous aurions toute latitude pour augmenter le bonheur dans notre vie, grâce à quelques exercices simples  – à savoir les trois kifs du jour, la gratitude, l’altruisme, etc. Oui, mais: “Il faut une certaine liberté pour implémenter ces exercices dans sa vie”, affirme Michel Hansenne – professeur de psychologie à l’ULiège. “Et est-ce que ce sont pas les personnes déjà heureuses qui ont cette liberté? Est-ce que tout le monde jouit d’un environnement et de conditions de vie qui autorisent à le faire?”.

Un point de vue qui nous encourage à voir plus loin que la seule théorie et à pousser les portes de la vraie vie: pour être plus heureuse, la psychologie positive vous conseille de quitter votre travail plus tôt pour aller faire un tour au parc. Mais si vous ne pouvez pas quitter votre travail plus tôt? Si vous avez deux heures de trajet à faire pour rentrer et des enfants à aller chercher? Ou encore si vous n’avez pas de parc à proximité? Michel Hansenne ajoute: “On dit que seulement 10% du bonheur est influencé par les circonstances de vie mais si ces 10% sont des circonstances de vie lourdes – manque de moyens, chômage, solitude…-, on arrivera difficilement à aller bien”.

Fuir nos émotions n’est pas une bonne solution!

Certains disent même que pour être heureuse, il faudrait favoriser les émotions positives (joie, espoir) et éviter, voire chasser, les émotions négatives (colère, tristesse, peur…). Un ratio idéal a même été fixé: trois émotions positives pour une émotion négative. Un non-sens pour le psychanalyste Saverio Tomasella:”C’est comme si vous posiez un voile sur la réalité pour ne pas voir ce qui se passe”, s’insurge l’expert. Il ajoute “Il n’y a pas d’émotions négatives. Certaines sont difficiles à vivre, oui, mais elles sont toutes utiles car elles nous apportent des infos sur ce que nous sommes en train de vivre. De plus, à partir du moment où on trafique son langage, on se crée un faux soi, on n’a plus la possibilité de se connaître, ni de savoir comment on réagit. Et puis ce n’est pas parce qu’à certains moments nous sommes déprimé ou découragé que nous sommes en train de nous créer une vie infernale”.

La peur nous aide à fuir un danger, le stress peut nous pousser à déployer davantage d’efforts et atteindre ainsi une meilleure performance, la honte et la culpabilité permettent de s’améliorer, alors qu’au contraire, l’espoir, a priori positif, peut rendre anxieux puisqu’il suscite une incertitude. Il serait de toute façon vain de vouloir chasser les émotions négatives: celles-ci risquent alors de s’accumuler et d’augmenter le stress.

Quatre conseils pour sortir de la positivité toxique

  • Déculpabilisez! Certains problèmes sont sociétaux et vous avez parfois peu de possibilités pour y faire face.
  • Au lieu de pratiquer les exercices de la psychologie positive, essayez déjà d’accorder plus de temps aux activités qui VOUS rendent heureuse (passer du temps avec vos proches, lire…).
  • Osez être vous-même, tout simplement, “sans chercher à faire comme il faut ou à être quelqu’un d’autre”, conseille Saverio Tomasella, dont le dernier livre est consacré à ce thème.
  • Accueillez et écoutez vos émotions négatives, c’est la meilleure façon de les apaiser rapidement.

“Allez, arrête de déprimer, ça va aller!”

Votre amie vient d’apprendre une mauvaise nouvelle et a le visage plein de larmes. “Ne t’en fais pas, ça va aller”, dites-vous, impuissante devant sa peine. “Vois le bon côté des choses. Il y a pire dans la vie”. La positivité forcée n’est pas toujours idéale lorsqu’on l’applique à soi, mais lorsqu’on la brandit face à quelqu’un en plein chagrin, on fait preuve d’un manque total d’empathie. Une façon de lui dire: “Garde tes soucis pour toi”.  Votre amie se sentira au pire coupable de ressentir ce qu’elle ressent, au mieux elle évitera désormais de craquer devant vous.

On parle dans ce cas d’invalidation émotionnelle, soit le fait de nier les sentiments d’une autre personne. Or, plusieurs études sont claires à ce sujet: elle est très nocive pour la santé mentale. Les personnes qui vivent de l’invalidation émotionnelle ont plus de chance de développer des symptômes dépressifs. Saverio Tomasella souligne: “Au contraire, c’est précisément en disant ce qui ne va pas que, petit à petit, seul ou à plusieurs, on se libère, on prend de la distance, on trouve des solutions et on arrive à se sentir mieux”.

Qu’est-ce que je fais alors?

La prochaine fois que quelqu’un vous confie ses soucis, écoutez-le ou dites des phrases telles que « C’est un peu normal de se sentir si mal dans de telles circonstances. Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ?»

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