bébé deuil mort
"Ce matin-là, ce ne sont pas les babillages de mon fils qui m'ont réveillée, mais les hurlements de mon mari"

“J’ai fait un autre enfant après la mort de mon fils pour rester du côté de la vie”

Quelques mois après avoir perdu son petit dernier, mort dans son sommeil à l’âge de 2 ans, Isabelle décide de faire un autre enfant. Pas question de remplacer son fils, mais bien de revenir vers la lumière.

“La médecin qui m’a appris la nouvelle a éclaté en sanglots. Je me revois dans son cabinet… Alors que je m’inquiétais d’un poignet enflé, elle m’annonçait que j’étais enceinte, à nouveau. Elle n’était pas particulièrement émotive d’ordinaire, mais j’habite dans un village du Sud de la France, où tout le monde se connaît, pour le meilleur et pour le pire. Et elle était bien placée pour savoir ce que je venais d’endurer. ‘Une grossesse, après ce que vous avez vécu, c’est ce qui pouvait vous arriver de mieux!’, a-t-elle ajouté. Je ne demandais qu’à la croire”.

Ce qu’Isabelle a vécu est peut-être ce qu’il y a de plus terrible: elle a découvert un matin son fils, âgé de 23 mois, sans vie. Terrassée par la douleur, elle sombre alors dans la dépression…

De malaises en malaises

Après un premier mariage, un premier fils et un divorce douloureux, Isabelle décide d’aller vivre dans le Sud de la France. Et c’est dans ce nouveau lieu de vie qu’elle rencontre Patrick, veuf, élevant seul sa petite Manon: “Nos enfants fréquentaient la même crèche. Au départ, c’est amicalement que nous avons tissé des liens. Je crois que ni l’un ni l’autre ne pensait avoir de nouveau droit au bonheur. Puis, quand nous sommes tombés amoureux, nous avons décidé de tout recommencer, ensemble”. Le couple se marie et songe à agrandir la famille. “Trois ans après notre mariage, j’étais enceinte. Quand j’ai appris que j’attendais un garçon, nous avons choisi de le baptiser Mattéo, en hommage à ma famille sicilienne”.

Le bébé naît le 1er janvier 2008 et la tribu lui aménage une jolie chambre avec un papier peint bleu pastel, et une petite caméra pour le surveiller pendant son sommeil. “Comme beaucoup, j’étais stressée par la mort subite du nourrisson. Même si Mattéo semblait en bonne santé, il nous a quand même donné quelques frayeurs. Par exemple, vers 9 mois, il a été saisi de convulsions sur le parking d’un supermarché. Nous avons couru aux urgences où les médecins ont conclu à un virus neurotrope sans gravité. Idem à ses 13 mois, où il a été victime d’un malaise vagal. Il a perdu connaissance et nous avons de nouveau filé à l’hôpital. Mais là encore, les examens n’ont rien montré de grave et, deux jours plus tard, il était rentré. Les médecins nous disaient toujours de ne pas nous en faire. Je ne veux pas réécrire l’histoire, mais au fond de moi, depuis sa naissance, je crois que j’ai toujours eu le sentiment que quelque chose ne tournait pas rond”. Une nuit encore, en décembre 2009, les parents de Mattéo sont réveillés par des râles anormaux. Après quelques heures aux urgences, les médecins ne détectent rien d’inquiétant. “Nous sommes donc rentrés et, pour la dernière fois, nous avons allumé son babyphone”.

Le matin où tout bascule

“Ce matin-là, ce ne sont pas les babillages de mon fils qui m’ont réveillée, mais les hurlements de mon mari”. Lorsque Patrick se lève, il s’étonne que le petit n’ait pas encore pleuré. “Quand il s’est penché sur son petit lit, il a immédiatement compris qu’il ne respirait plus. Les pompiers ont bien tenté de le réanimer, mais trois quarts d’heure de massages cardiaques n’y ont rien changé. Mattéo était mort depuis plusieurs heures”.

Selon les médecins, le petit garçon aurait succombé à la mort subite du nourrisson, mais les parents, eux, sont persuadés que leur bébé souffrait d’un trouble non détecté par le corps médical. Les jours qui suivent, la famille recomposée est comme prise dans un cauchemar: “Pendant la veillée, je ne sais plus combien de temps nous sommes restés dans le funérarium, penchés sur le petit cercueil blanc ouvert. C’est un employé qui a dû nous demander de sortir”. Heureusement, le couple est bien entouré. “Tout le monde adorait Mattéo. Notre famille était présente et on m’a même raconté, plus tard, que tous les commerçants avaient baissé leur rideau pour venir aux obsèques”.

Le matin des obsèques, on a vu notre fils s’avancer dans un tunnel de lumière

Le jour des obsèques, le couple vit une expérience incroyable: “Nous allions le voir une dernière fois et Patrick et moi avons été témoins, sans nous parler, d’une même vision. Comme dans ce qu’on raconte des expériences de mort imminente, nous avons vu Mattéo qui s’avançait dans un tunnel de lumière. Il s’est tourné vers nous et, instinctivement, Patrick lui a fait signe d’aller vers la lumière. Je suis croyante et cette vision m’a un peu apaisée. Patrick, qui pourtant avait perdu la foi depuis bien longtemps, est resté stupéfait. Malgré notre douleur, peut-être que notre petit garçon nous a donné la force de continuer”.

Les aînés l’invitent à faire un autre bébé

Alors qu’Isabelle et son mari ressentent une immense douleur, leurs aînés, alors âgés de 13 ans, les convoquent sur le canapé du salon. “Ils nous ont dit, avec beaucoup de maturité, qu’ils n’oublieraient pas Mattéo mais qu’ils ne voulaient plus nous voir tristes. Quand ils nous ont suggéré d’essayer d’avoir un autre enfant, nous avons suivi leur conseil en laissant le destin décider. J’ai enlevé mon stérilet et, six mois plus tard, j’étais enceinte”. Isabelle ressent comme un nouveau désir de vie. Elle essaye de rester sereine, et cela n’a pas été évident “car j’ai appris, pendant ma grossesse, que Mattéo n’avait pas succombé à la mort subite du nourrisson”. Des recherches sur son ADN ont en effet révélé qu’il était né avec une maladie génétique incurable, le syndrome de Dravet. Le syndrome provoque une forme rare d’épilepsie gravissime chez le nourrisson. Une maladie qui expliquait, a posteriori, toutes les crises de l’enfant. 

Nathan est là

Isabelle accouche en juillet 2011 d’un petit Nathan. Par chance, il n’est pas porteur du syndrome. Nathan trouve immédiatement sa place dans la famille. “On ne fait pas un enfant pour en remplacer un autre et nous avons toujours voulu qu’il le comprenne. Pour lui donner une place bien à lui, sa chambre a d’abord été aménagée au rez-de-chaussée. Il a aussi eu des jouets et des vêtements flambant neufs, et pas ceux de Mattéo, c’était vraiment le début d’une nouvelle vie”.

Ne pas oublier, mais tourner la page

Un jour, Nathan nous a demandé: “Sur ces photos, c’est moi?”, alors nous lui avons expliqué qu’il avait eu un grand frère qui était parti au ciel. Ce sont des choses tragiques qui arrivent, mais les enfants peuvent comprendre beaucoup de choses”. Si la maman témoigne de son histoire, c’est pour aider d’autres familles à ne pas s’enfermer dans le chagrin. “Peu après la mort de mon fils, j’ai créé un groupe Facebook qui compte aujourd’hui 2900 membres et qui vise à soutenir les parents endeuillés. Car si la mort de Mattéo m’a appris quelque chose, c’est qu’il faut faire son possible pour profiter de chaque jour qui nous est donné, parce que c’est peut-être le dernier. C’est parfois difficile à expliquer à d’autres parents qui ont vécu la même chose que nous. Je leur assure pourtant qu’il faut continuer et rester du côté de la vie. Je suis toujours bouleversée quand on me dit merci. Pourtant, ce n’est pas moi qu’il faut remercier: ce sont tous mes enfants qui ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui”.

Texte: Céline Chaudeau

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