Charline nous a raconté son histoire. © Loc Dang/Pexels

Témoignage: “J’ai été élevée par deux mamans”

Par Tatiana Czerepaniak

Charline a grandi dans une famille homoparentale. Elle témoigne dans le but de briser les préjugés qui perdurent encore autour du sujet. Car elle, a vécu une enfance et adolescence des plus normales.

La question de la place d’un enfant au sein d’un couple homosexuel est un sujet qui fait couler beaucoup d’encre. Et si les mentalités évoluent, certaines fausses croyances ont encore la dent dure. Ces familles, faites de deux papas ou de deux mamans, sont-elles aussi différentes que d’aucuns peuvent le penser? Pour répondre à cette question, nous avons donné la parole à Charline, 30 ans, née de l’amour de deux femmes désirant fonder un foyer.

Élevée au sein d’une famille homoparentale

L’histoire de Charline est somme toute assez banale: deux personnes tombent amoureuses et voient naître en eux l’envie de fonder une famille… Seule particularité: la naissance de l’enfant est désirée par deux femmes, en couple depuis les années 80. “À cette époque, le mariage gay était interdit, et ne parlons pas de l’accès à la parentalité pour les homosexuels. C’est la raison pour laquelle une de mes mamans a été à l’hôpital, en tant que femme seule, afin d’entamer un processus de procréation médicalement assistée avec l’aide d’un don de sperme”.

Très vite, la maman de Charline tombe enceinte. Une grossesse dans laquelle s’implique beaucoup sa deuxième maman, qu’elle appelle “marraine”. “Ma marraine a accompagné ma maman aux rendez-vous médicaux, aux échographies… Tout comme un papa pourrait le faire”. Charline naîtra en 1991.

Une enfance comme les autres

Si la petite famille reste discrète, elle ne se cache pas: les proches du couple sont présents, tant pour les deux femmes que pour la petite fille, et Charline est élevée dans la vérité. “Mes mamans m’ont toujours dit qu’il y avait toutes sortes de familles: des familles avec une maman et un papa, et d’autres avec deux mamans, ou deux papas”. Et si pour la loi, elle est uniquement la fille de sa mère biologique, Charline tisse des liens incroyables avec sa marraine.

Je souhaite que mon fils sache qu’il a le droit d’être qui il veut être et le droit de faire ses propres choix!

“J’ai été entourée d’amour par mes deux mamans… et j’avoue ne jamais avoir ressenti un quelconque manque d’un potentiel père dans ma vie. Mes mamans et moi parlions énormément de l’histoire de ma naissance, et si j’ai toujours eu conscience que ma famille n’était pas la norme, je n’ai pour autant jamais eu le sentiment d’être différente. Je n’ai d’ailleurs jamais souffert d’exclusion ou de moquerie… Peut-être parce que pour moi, tout était normal”.

Une éducation bienveillante et ouverte d’esprit

Entourée de tolérance, Charline se forgera un caractère fort et libre à la fois: “Ma maman et ma marraine m’ont appris à accepter les autres, mais aussi à m’accepter moi et à faire de mes choix ma norme à moi. Cette éducation m’a permis de me détacher des quelques remarques que je pouvais entendre, même si elles n’étaient pas légion. Adolescente, je me souviens même que je jouais de la particularité de ma structure familiale: lorsque j’entendais des personnes juger les homosexuels, je les regardais en souriant et je leur balançais que j’avais deux mamans. C’était radical”.

La “Manif pour tous”, le débat qui ébranle

Si “tout va bien dans le meilleur des mondes” pour Charline, elle sera ébranlée par les manifestations demandant l’interdiction des mariages homosexuels ainsi que leur droit à la parentalité, en France: “Lorsque ce débat a fait rage, j’avais 16 ou 18 ans, et je me suis un peu pris tout ce qui se disait de plein fouet. J’avais l’impression que les manifestants remettaient en cause ma légitimité à être tout simplement en vie, ma place dans ce monde. Mais aussi qu’ils se permettaient de juger une situation qu’ils ne connaissaient pas, sans demander le point de vue des enfants de parents homos”.

Charline crée alors un blog pour évoquer son quotidien et tenter d’être une sorte de porte-parole. Elle ressent comme un devoir de montrer qu’elle existe, que tout va bien pour elle, et qu’elle réussit même mieux que les autres alors qu’elle est élevée par deux femmes. Un besoin qui créera chez elle une grande peur de l’échec, mais qu’elle arrivera à surmonter grâce à ses deux mamans. “Je prenais ma réussite très à cœur… Puis, j’ai raté ma première année universitaire. Heureusement, mes mamans ont été très présentes lorsque je me suis confrontée à l’échec. On a déconstruit ensemble ce besoin que j’avais de tout réussir et d’être exemplaire. Encore une fois, leur manière de communiquer et de m’aimer m’a fait grandir et évoluer”.

Et l’identité sexuelle dans tout ça?

À ceux qui pensent que les enfants de familles homoparentales ont davantage de chances d’être, eux aussi, homosexuels, Charline répond que si ses mamans lui ont appris à être ouverte d’esprit, leur orientation sexuelle n’a en rien joué sur la sienne: “Je n’ai jamais été attirée que par les garçons. En réalité, je ne me suis jamais posé la question de mon orientation sexuelle… Elle était très claire depuis le début”.

Charline est d’ailleurs mariée depuis plusieurs années et maman d’un petit garçon. “Je souhaite que mon fils sache qu’il a le droit d’être qui il veut être et le droit de faire ses propres choix. Mais aussi qu’il est important d’accepter l’autre tel qu’il est, avec ses différences et ses spécificités”.

En 2015, sa marraine devient aussi sa maman

En 2005, les deux mamans de Charline se sont dit oui. Pour les deux femmes, il s’agissait surtout de se protéger l’une l’autre. Une union presque administrative qui amènera la marraine de Charline à entamer des démarches d’adoption auprès de la justice belge, afin que sa fille de cœur soit sa fille officielle. Les démarches furent finalisées et l’adoption actée en 2014, peu avant le mariage de la jeune femme: “C’était très émouvant, lorsqu’à la commune, ils ont cité le nom de mes deux mamans. Je ne pouvais imaginer qu’on cite uniquement le nom de celle des deux qui m’a portée”.

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