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Témoignage: «J’ai été harcelée jours et nuits, pendant 2 ans.»

Une rencontre insignifiante lors d’une soirée… Il n’en a pas fallu plus pour que Valérie, 34 ans, soit poursuivie, houspillée, harcelée, jusque chez elle. Un cauchemar qui a laissé des traces.

«Quand je déambule en rue ou que je fais du vélo, je me retourne non-stop. Mon coeur bat la chamade si quelqu’un crie mon nom ou me tape sur l’épaule. J’ai disparu de Facebook et LinkedIn depuis belle lurette. Je ne décroche jamais mon téléphone si le numéro est inconnu. Si je suis seule à la maison et que j’entends un moteur de voiture tourner, l’angoisse monte. Si je l’ose, je vais voir à la fenêtre. Dès que le soir tombe, je ferme les tentures, parfois même en plein jour. Certaines nuits je me réveille au moindre petit bruit… Tout ça à cause d’un homme qui se disait amoureux.

Une fête… inoubliable

Je me souviens de notre ‘rencontre’ comme si c’était hier. Il était seul, un verre à la main, appuyé contre un arbre, lors d’une soirée organisée par des copains. Le petit groupe d’amis que j’étais censée retrouver avait du retard. Chose que je ne fais jamais, je suis allée parler à cet inconnu. Si seulement, je pouvais revenir en arrière… Il s’appelait Luc et était un nouveau collègue du propriétaire de la maison. Il ne connaissait personne car il venait de s’installer dans la commune. Je lui ai donné quelques tuyaux sur les chouettes endroits où sortir, où faire un jogging… Il m’a demandé où j’habitais, où je travaillais. Notre conversation était de celles qu’on entretient avec un gars qu’on voit pour la première fois et sans doute plus jamais après. Quand mes amis sont arrivés, je les lui ai simplement présentés. Par la suite, je me suis demandée si ce soir-là, je n’avais pas envoyé un mauvais signal mais mes copains me disent que non, que j’étais absolument comme d’habitude. Il faut dire qu’à l’époque, j’étais fragilisée par la rupture assez abrupte avec mon amoureux: j’avais passé l’été à espérer son retour. Mon esprit n’était donc pas du tout au flirt.

Au parc, en rue, au café…

Le week-end après cette petite soirée, j’étais allée boire un verre avec mon amie Camille, quand, soudain, est apparu Luc. Il a fait semblant d’être surpris, nous a offert un verre et a demandé pour se joindre à nous. Tout s’est bien passé: il écoutait la conversation, posait des questions intéressées, semblait sympa… Quand il s’est éclipsé à la toilette, Camille m’a demandé si elle ne devait pas nous laisser seuls car elle se sentait de trop. Je l’ai suppliée de ne pas partir: je ne voulais surtout pas le laisser espérer quoi que ce soit! Nous avons alors décidé d’aller courir au parc, quelques jours plus tard, Camille, lui et moi. J’ai vite vu que ses chaussures étaient toutes neuves et qu’il était à bout de souffle après 500m, mais j’ai trouvé ça amusant. Le lendemain, alors que je buvais un verre avec des collègues, dans un petit bar près du boulot, il est arrivé… Là, cela ne m’a plus fait rire du tout! Le surlendemain, quand il s’est pointé devant ma porte, un bouquet de roses à la main, je l’ai fait entrer et lui ai expliqué que nous ne serions jamais que des amis, que je voulais bien le voir mais de temps à autre. Point. Il m’a répondu, avec un sourire qui m’a effrayée: ‘Ce n’est rien. Je peux attendre.’ Après quoi, il a commencé à m’envoyer des SMS non-stop, à m’attendre à la sortie du travail, à déposer deux tickets pour un concert de mon groupe favori dans ma boîte aux lettres… Plus je le repoussais, plus cela l’excitait. En quelques mois, je suis devenue comme une proie pourchassée, sans cesse à l’affût du moindre bruit, à regarder pardessus mon épaule…

La paix!

En tout, ce cauchemar a duré deux ans. A certains moments, il m’envoyait 100 SMS par jour et me laissait des messages vocaux sur ma messagerie en me disant que j’étais la femme de sa vie, qu’il l’avait vu au premier coup d’oeil… A d’autres moments, il était fâché que je ne réponde pas. Une fois, en panique, j’ai même décroché le téléphone car il menaçait de se suicider. Par la suite, j’ai compris que j’avais commis une énorme erreur car cela lui avait donné de l’espoir. Régulièrement, ses messages m’effrayaient. Alors qu’il m’attendait en bas, sur le trottoir d’en face, le soir, dans le froid, la pluie ou la neige, il m’envoyait des SMS du genre: ‘Regarde par la fenêtre que je puisse passer une bonne nuit.’ Un jour, il m’a piqué une culotte et une écharpe qui séchaient sur mon balcon. Je croyais qu’elles s’étaient envolées mais quand j’ai reçu son SMS ‘Je vais dormir comme un bébé grâce à ce slip sous mon oreiller’, j’ai compris qu’il était monté jusque chez moi! A l’idée qu’il puisse repasser par là pour atteindre ma chambre, durant la nuit, je n’ai plus que somnolé.

La plus forte

Comme j’étais à bout, mon médecin m’a mise en arrêt de travail durant un mois et je suis partie me reposer chez mes parents. Quand ils m’ont vue, ils ont compris à quel point ce gars me terrorisait. Car, comme bien des gens jusque là, ils avaient pensé que ‘je l’avais laissé espérer’, que ‘j’exagérais’, qu’il s’agissait ‘d’un pauvre type’… Il finissait par être la victime et moi le bourreau! Mes potes, eux, avaient tout de suite cerné la situation et m’avaient bien soutenue mais ils étaient impuissants. J’ai alors commencé à douter de moi: étais-je ‘idiote’ au point de ne pas réussir à l’arrêter? Etais-je si peu psychologue que je n’avais pas vu que ce type était malade? J’étais sûre d’une chose: cela n’avait rien à voir avec l’amour mais bien avec le pouvoir. Luc entendait montrer qu’il était le plus fort. Quand après deux mois de calme, j’ai commencé à respirer… il a recommencé à m’inonder de SMS, de mails, de messages. Mais cette fois, il s’est aussi attaqué à mes parents, mes amis, mon boulot. A ce moment-là, tout le monde a saisi le calvaire que j’endurais. Grâce à leur soutien, j’ai repris ma vie en main: j’ai changé d’adresse mail, de téléphone et ai commencé à chercher où déménager.

Comment l’arrêter?

J’ai alors rencontré quelqu’un, avec qui j’osais rire et me sentais bien. Un beau matin, j’ai trouvé une lettre dans ma boîte qui disait: ‘Je vais le tuer. Si je ne peux pas t’avoir, personne ne t’aura.’ Apeurée, j’ai enfin porté plainte à la police. Dieu seul sait jusqu’où Luc aurait pu aller… Sur les conseils d’un ami, j’avais conservé un dossier avec tous ses mails, ses messages, ses lettres, etc. à mon attention mais aussi à celle de mes proches. Luc a été convoqué à la police où on lui a parlé de possibles poursuites judiciaires. J’ignore ce qu’il s’est passé mais il ne m’a plus jamais recontactée.

Pas totalement délivrée

Depuis lors, quelques années se sont écoulées. J’ai déménagé et changé de travail. Il a juste encore envoyé un mail à mon amie Camille, précisant qu’il ignorait où je vivais et comment j’allais mais qu’il me souhaitait le meilleur. Quand je l’ai lu, mon sang n’a fait qu’un tour. J’espère vraiment ne plus jamais le croiser! Luc m’a volé mon insouciance et une partie de ma confiance en moi. J’ai suivi une thérapie pour restaurer mon estime de moi et apprendre à maîtriser ma peur. Sa voix résonne encore dans ma tête et ma vie. Il y a peu, j’ai eu la peur de ma vie en apercevant une silhouette qui lui ressemblait, au supermarché. Je n’avais jamais cru être terrorisée par quelqu’un qui n’a finalement jamais levé la main sur moi. Mais qui m’a quand même volé deux ans de ma vie…»

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