
Témoignage: “Mon compagnon m’a volé des milliers d’euros”
Céline a vu son héritage dilapidé par son ex-compagnon. Elle doit aujourd’hui assumer les dettes qu’il a contractées à son nom et subir l’emprise économique et psychologique qu’il maintient.
La violence conjugale peut prendre de nombreuses formes. Chez Céline, 33 ans, il s’agit d’emprise économique et psychologique. Son compagnon a utilisé son argent pour payer de prétendues rénovations…”On croit connaître quelqu’un parce qu’on partage sa vie. On lui accorde sa confiance, car c’est le principe même d’un couple, qu’on est amoureux et qu’on veut construire. Et quand les doutes surviennent, on se raccroche à ces années de relation. Comment imaginer, en effet, qu’une vie entière puisse n’être qu’une vaste manipulation?”
Un garçon adorable et un achat de maison
“J’ai rencontré Laurent au lycée, à 18 ans. C’était un garçon adorable, dont la gentillesse charmait tout le monde. Notre histoire s’est prolongée après le collège, alors que je réalisais un cursus d’infirmière et lui de juriste. Après une spécialisation et un master en gestion hospitalière, je me lançais enfin dans la vie active, mais de son côté c’était plus compliqué. Il doublait presque chaque année.
Après 8 ans ensemble, je rêvais qu’on s’installe, même s’il n’avait pas encore fini ses études. C’est alors qu’une maison de mon village natal a été mise en vente. Elle demandait de nombreuses rénovations, mais c’était un coup de cœur. Mes parents m’ont incité à foncer, prêts à me soutenir avec le même magnifique cadeau que celui offert à mon frère lorsqu’il avait voulu acheter: une donation de 100.000€.”
Mon argent était géré par mon mari
“Grace à des années de job étudiant dans une maison de repos et de soins, j’avais aussi des économies qui me permettaient de financer les frais de notaire. On s’est donc lancés dans l’aventure. Laurent n’avait pas de fonds personnels ou un soutien familial et nous avons donc signé un document de reconnaissance de dettes chez le notaire, actant qu’il serait redevable en conséquence de ce que j’avais investi.
C’est Laurent qui gérait les achats et, en pleine confiance, j’obtenais l’argent qu’il réclamait pour les matériaux ou les ouvriers.
Mes parents souhaitaient que l’argent serve à l’achat même de la maison, mais mon compagnon lui insistait pour garder cette somme pour la réalisation des travaux, estimant qu’il serait bien plus pratique d’avoir de la liquidité. On s’est finalement mis d’accord pour que ma famille verse l’argent au fur et à mesure, en fonction des factures. C’est Laurent qui gérait les achats et en pleine confiance j’obtenais l’argent qu’il réclamait pour les matériaux ou les acomptes des ouvriers. Ça a duré 2 ans, de 2019 à 2021.”
Toujours la bonne excuse
“Électricité, chauffage, cuisine… Nous avions énormément d’aménagements à faire. Laurent s’occupait des démarches et me tenait au courant de l’avancée. Un premier versement de 1500€ pour le plafonnage, 1000€ pour une commande d’appui de fenêtres, les contrats avec les corps de métier… Les dépenses s’accumulaient, mais en parallèle une bonne part du matériel n’arrivait pas et les rendez-vous étaient souvent reportés. Il avait pourtant toujours une bonne excuse et je savais bien que sur un chantier, les retards étaient fréquents. Il avait enfin fini ses études et payait la moitié du prêt; pour moi il était évident qu’il s’impliquait.
Lorsque je ne cédais pas face à un achat, il pouvait en revanche passer des semaines à insister. Et si je devenais méfiante, il s’empressait de rappeler tous les magasins pour me rassurer. Il n’hésitait pas non plus à jouer sur les sentiments, affirmant que j’avais un rapport malsain à l’argent, que je manquais de confiance en moi et donc en lui. Mais le temps filait, la situation stagnait et me semblait de plus en plus étrange. Jusqu’à ce que sa marraine m’appelle pour réclamer l’argent qu’il lui devait.”
Les premiers doutes confirmés
“Lorsque je l’ai confronté, Laurent m’a répondu qu’elle était folle. Il était tellement convaincant en victime blessée que je l’ai cru. Et puis, quelques mois plus tard, c’est son frère qui a sonné à notre porte, demandant à récupérer les 60.000€ qu’il nous avait prêtés pour la rénovation. Mon compagnon m’a affirmé que son frère n’avait rien compris, qu’il avait ‘placé’ cette somme pour la faire fructifier.
J’étais sous le choc et totalement perdue. Je lui ai finalement demandé, à l’hiver 2021, de retourner vivre chez ses parents, le temps pour lui de régulariser cette situation de son côté familial et pour moi de reprendre pied. Après une semaine, il est revenu à la maison affirmant que tout était réglé, mais sans rien m’expliquer malgré mes nombreuses questions. Et l’accalmie fut de courte durée, car un matin il m’avoua être au pied du mur et devoir 12.000€ qui lui avaient été confiés par son travail et qu’il n’avait plus.
Je suis allée à la Banque Nationale pour consulter ma situation financière. Ça a été le début de l’hécatombe.
Ma première réaction a été de courir chez mes parents, malgré son insistance à ne pas révéler ce qu’il appelait ‘nos problèmes de couple’. Ma famille a commencé à soupçonner qu’il puisse y avoir bien pire et nous nous sommes rendus à la Banque Nationale pour y consulter ma situation financière. Ça a été le début de l’hécatombe.”
Tout n’était qu’arnaque
“Laurent avait utilisé mes identifiants électroniques ‘Itsme’ pour souscrire un prêt à la consommation de 20.000€. Sans parler d’un autre de 12.000€, destiné à acheter une voiture. Il m’avait harcelée pour que j’accepte de le dépanner, puis juré, documents à l’appui, l’avoir repris à son nom, mais j’en restais en réalité seule redevable. Je lui ai à nouveau demandé de partir.
J’étais anéantie, mais il me fallait savoir jusqu’où il avait été. J’ai donc commencé à appeler chaque société, chaque fournisseur et c’est là que j’ai découvert qu’il avait mis en place un fonctionnement bien rôdé. Une fois l’acompte payé, il rappelait pour se faire rembourser, renvoyait les commandes et me présentait de faux documents. Il m’avait même domiciliée chez ses parents afin que je ne reçoive pas les rappels de paiement. Et j’étais désormais aussi fichée comme joueuse auprès de notre banque.”
Se faire passer pour une victime
“Chaque jour apportait de nouvelles découvertes. C’était un cauchemar sans fin. D’autant que Laurent était muré dans le silence, tout comme ses parents, qui se ‘sentaient dérangés’ lorsque nous venions sonner à leur porte pour obtenir des explications. Il est même allé jusqu’à porter plainte contre moi pour harcèlement et pour vol. Il a aussi prétendu à nos connaissances communes qu’il avait agi ainsi, car je le battais. C’est là que j’ai compris l’ampleur de son pouvoir de manipulation.”
Bataille juridique
“Depuis plus de 3 ans, nous sommes en pleine bataille juridique. Laurent a commencé par tout faire pour que la maison soit vendue en vente publique, afin que je ne puisse pas la conserver et il fait désormais traîner les démarches, racontant que je n’ai en réalité jamais investi l’argent de mes parents. Je vis dans une maison à moitié achevée et j’assume tous les frais de celle-ci ainsi que le remboursement intégral du prêt immobilier afin qu’il puisse éponger les mensualités des prêts à la consommation qu’il a fait sur mon dos.
Je suis passée par des périodes de profond désespoir, de doutes et de remises en question, me demandant comment j’avais pu être aveugle à ses actes. Je suis allée voir une psychologue durant un certain temps, mais mes finances ne m’ont pas permis de continuer. C’est finalement la présence de ma famille et de mon travail d’infirmière qui m’a sauvée. Aider les autres me donnait une raison de me lever le matin.”
Tourner la page
“Et il y a Greg, mon nouveau compagnon, qui me soutient au quotidien et m’a permis de découvrir une vie de couple synonyme de bienveillance et de respect. J’ai bien compris que je n’aurai jamais d’excuse ou d’explication de Laurent. Je l’ai accepté et j’aspire juste à tourner la page. Lorsqu’on parle de violence domestique, on pense trop rarement à la brutalité de se voir arracher tout ce qu’on possède. Ma chance est de ne pas avoir eu d’enfants avec lui, sans quoi jamais je n’aurais osé le quitter.”
À écouter
À cœurs et à cris, le podcast de Stéphanie Grosjean, aborde les abus psychologiques et émotionnels, notamment dans les violences familiales, par le contrôle coercitif et l’emprise.
Texte: Barbara Wesoly
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