
Témoignage: “Je suis devenue nonne bouddhiste à 23 ans”
Christelle est perdue, en quête totale de repères. De hasards en expériences troublantes, elle finit par pousser les portes d’un monastère bouddhiste. Elle comptait y rester une semaine, elle y vivra 9 ans.
Aussi loin qu’elle se souvienne, Christelle s’est toujours sentie différente, en quête de quelque chose qu’elle ne parvenait pas à définir. Malgré une enfance plutôt heureuse au sein d’une famille saine et équilibrée, où elle a reçu beaucoup d’amour et n’a manqué de rien, un vide persistait… Pour tenter de le combler, elle a accumulé les possessions, multiplié les activités sportives et artistiques, les sorties et les amitiés. Elle remplissait sa vie, mais restait insatisfaite. Jusqu’au jour où une expérience bouleversa sa vie.
En quête de sens
“En dernière année, au lycée, alors que j’étais en filière scientifique, j’ai découvert la philosophie. Les interrogations existentielles des grands penseurs faisaient écho aux miennes, j’ai donc laissé tomber les maths pour m’inscrire en fac de philo. Dans ce nouvel univers, j’étais entourée de jeunes intellectuels fumeurs de joints. Très vite, j’ai délaissé les compétitions sportives pour l’herbe. C’est à cette époque que tout a basculé: mes parents se séparaient et le garçon avec qui j’étais depuis 6 ans me quittait pour ma meilleure amie. Famille, amitié, amour… Tout ce qui me construisait et me portait s’effondrait. La douleur était immense. S’ensuivit une année d’errance, de tristesse, de fêtes et de joints.”
Le bonheur est là, sans limite, à portée de conscience.
“J’ai passé les 4 mois d’été suivants à travailler comme vendeuse. Quand la saison s’est terminée, l’angoisse m’a submergée. Et maintenant, que faire? Mes études universitaires devaient reprendre 2 semaines plus tard et rien ne m’intéressait. Impossible de me projeter dans un avenir qui me convenait. On était en 1994, j’avais 20 ans et j’allais mal. J’ai décidé de partir sur un coup de tête, sans direction particulière et sans prévenir personne. J’ai roulé toute une nuit, guidée par le hasard, et me suis retrouvée dans un petit village au cœur des Pyrénées. Là, pour la première fois depuis longtemps, je me suis sentie ‘divinement’ bien. La vie autour de moi éveillait la vie en moi. Mon cœur s’est réchauffé, c’était comme si j’étais guidée, inspirée, portée. Quand je suis rentrée chez moi au bout d’une semaine dans ce paradis, j’étais convaincue de l’existence de quelque chose de puissant et d’éternel. Il me restait à savoir ce que c’était. J’ai repris la fac, décidée à trouver des réponses et un sens à ma vie.”
La rencontre qui va changer sa vie
“Les mois suivants ont été marqués par une succession d’expériences insolites, de rêves saisissants et de hasards troublants. Parmi ceux-ci, mon père qui m’offre un jour, sans raison particulière, Le Livre tibétain de la vie et de la mort. Cette lecture fut la révélation que j’attendais. Tout ce en quoi je croyais, tout ce que je ressentais sans pouvoir le nommer, était là, dans ces pages. Ce que j’appelais mon ‘Dieu’ était ce que les bouddhistes appellent l’esprit d’éveil, Bouddha. Tout faisait sens. Du jour au lendemain, j’ai arrêté de fumer, suis devenue végétarienne et me suis mise en quête d’un monastère où partager et approfondir ces enseignements.
Je me souviens parfaitement de mon arrivée dans ce centre bouddhiste d’Auvergne, trouvé dans les Pages Jaunes. C’était le 13 novembre 1995. L’air était glacial. Mais surtout, le lieu était désert, délabré et inhospitalier. Complètement à l’opposé de mes aspirations. Dans la foulée, je découvrais que tous les résidents étaient là depuis des années, qu’il ne s’agissait en rien d’un centre ouvert au public, mais d’un vrai monastère. Moi, je ne connaissais rien au bouddhisme, au tibétain, aux rituels… Une fois encore, je n’étais pas à ma place. Une fois encore, j’avais fait le mauvais choix. Je n’avais qu’une envie: repartir immédiatement. La seule chose qui me retenait, c’était mon orgueil. J’ai décidé d’y passer une nuit.
Dans le dortoir, j’ai fait la connaissance de Maïa, jeune femme de mon âge qui allait changer ma vie. Elle m’a accueillie comme personne ne l’avait fait jusque-là et m’a fait faire mes premiers pas dans le centre et dans le bouddhisme. À ses côtés, tout devenait évident. C’était bien là que je devais être. Je le sentais de tout mon cœur. J’ai eu envie de rester jusqu’à la fin de la semaine. Puis une semaine de plus, et un mois…”
Vœux de nonne bouddhiste et travail spirituel
“Fin janvier 1996, ma décision était prise: je ne remettrai plus les pieds à l’université, ne chercherai plus de travail. J’avais trouvé ma place et le sens que je voulais donner à ma vie. J’allais prononcer mes vœux de nonne le temps d’une retraite de 3 ans, 3 mois et 3 jours. Afin de m’y préparer, j’ai étudié 2 ans sans relâche les enseignements du Bouddha, toujours accompagnée de Maïa. Nous étions 24 h/24 ensemble. Fidèles à nous-mêmes, nous cultivions les rires et l’amusement. Ensemble, nous nous sommes entièrement investies dans chaque activité, qu’elle soit spirituelle, relationnelle ou en lien avec les travaux.
C’était très intense, mais je me sentais comme un poisson dans l’eau… Chaque jour qui m’approchait de la retraite m’apportait joie, paix et certitude. Malgré tout, il m’arrivait de douter. Je redoutais surtout la séparation avec ma famille et culpabilisais terriblement de leur infliger une telle souffrance. J’ai failli tout abandonner. Mais chaque fois que j’étais sur le point de renoncer, j’ai trouvé sur mon chemin de quoi me conforter dans la direction choisie.”
Du jour au lendemain, j’ai arrêté de fumer, suis devenue végétarienne et me suis mise en quête d’un monastère.
“En mars 1998, j’ai pris les vœux de nonne bouddhiste et me suis coupée du monde pour plus de 3 ans, entourée de 15 autres femmes. Durant ces mois de travail spirituel au cours desquels nous méditions au moins 14 heures par jour, je suis passée par tous les stades ; du grand bonheur aux difficultés physiques, psychologiques et spirituelles. J’ai eu la chance d’être intensément soutenue par les femmes de notre groupe, mais aussi, à distance, par toute ma famille. Contrairement à d’autres retraitantes, je n’ai jamais coupé le lien avec mes parents. Nous nous écrivions à peu près tous les mois. Leur amour m’a portée.”
Retour aux sources
“Au final, ces années exceptionnelles sont passées à une vitesse folle. Elles resteront les plus marquantes de ma vie. J’y ai rencontré mon maître tibétain et mon guide spirituel, y ai tissé des liens indéfectibles et découvert la dimension sacrée de l’existence. Le 6 juin 2001, après plus de 3 années passées en petit comité, les portes de notre huis clos se sont rouvertes. Ce fut l’un des jours les plus émouvants de mon existence. C’était comme si je revenais au monde, avec cette fois les outils et les clés nécessaires pour en saisir toute la beauté.
Bouddha a dit: ‘Ne croyez pas en ce que je dis, expérimentez par vous-même’. J’avais expérimenté. Je savais désormais qui j’étais et ce vers quoi j’allais. Je savais que je ne pourrai pas passer le reste de mon existence au monastère, même si je le souhaitais de tout mon cœur. La vie de renonçant exige une discipline et un détachement redoutables, que je n’avais pas. J’étais trop attachée à ma famille. J’ai continué à travailler pour le centre pendant 4 ans, puis suis retournée dans ma Gironde natale.
Ces 9 ans au centre ont été les plus intenses de ma vie. Aujourd’hui, j’ai une existence ‘ordinaire’ ; je travaille dans la protection de l’enfance et dispense des séances d’hypnose, des soins énergétiques et des cours de yoga. Je ne vis plus au monastère, mais je suis bouddhiste de tout mon cœur, de toute mon âme, de tous mes instants. Dans cette école du bonheur et de la vérité, j’ai compris que nous pouvons être heureux à chaque instant. Le bonheur est là, sans limite, à portée de conscience. Chacun de nous peut apprendre à le saisir pour mieux le propager.”
À lire
Comment j’ai jeté mes joints pour des vœux de nonne à 23 ans, Christelle Raison, éd. Jouvence
Texte: Marie Bryon
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