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Témoignage: “Mon fils est autiste et nous nous battons chaque jour pour qu’il ait une vie normale”

Par Tatiana Czerepaniak
Certains ont tendance à considérer l'autisme comme une maladie mentale. Il est en réalité un trouble du neurodéveloppement qui comprend une multitude de stades et de nuances. Marie nous raconte son combat pour que son fils soit considéré malgré sa différence.

L’autisme touche plus de 80.000 personnes en Belgique, nous disent les chiffres de l’association “Participate”, qui lutte pour améliorer la qualité de vie des patients autistes et celle de leur famille. Un chiffre en constante augmentation, puisque 850 personnes sont diagnostiquées chaque année dans notre pays. De nouveaux patients qui sont parfois adultes, alors diagnostiqués sur le tard, mais souvent des enfants dont les parents tentent de mieux comprendre les difficultés auxquelles ils font face. Ces enfants sont autistes, Asperger ou souffrant de troubles du spectre autistique.

Marie, 27 ans, maman de Théo, enfant autiste âgé de 10 ans, nous raconte le combat que sa famille doit mener au quotidien pour que Théo ait une vie “normale”.

Un bébé comme les autres

“D’aussi loin que je me souvienne”, nous dit Marie, “mon fils m’a toujours semblé être un bébé comme les autres. Il était très observateur, curieux de tout… Tellement qu’il a appris à marcher à 10 mois à peine. Après, c’est vrai qu’il a eu très tôt des petites manies: il n’acceptait de manger que les petits pots d’une certaine marque (goût brocoli ou carotte), refusait de dormir ailleurs que dans notre lit, mais globalement, il se développait très bien”. Pas de quoi inquiéter la jeune maman, a priori.

Une sérénité qui s’envole lorsque le petit garçon entre à l’école maternelle, puisque très rapidement après son arrive, Théo ne va pas bien: “Il se plaignait de maux de ventre. Et quand je lui demandais ce qui n’allait pas, il m’expliquait que les autres enfants étaient méchants avec lui, mais surtout, qu’il ne les comprenait pas”.

Pendant le congé de Carnaval, la maman décide d’inscrire l’enfant à un stage de vélo pour qu’il s’amuse et se fasse des copains en dehors du milieu scolaire et prenne goût à la vie en collectivité. Mais là aussi, l’intégration est difficile: “Théo pleurait tous les matins et je voyais bien qu’il allait mal. Je l’emmenais malgré tout chaque jour, pensant bien faire”.

Très mal soutenus

Troisième maternelle: les problèmes s’intensifient. Théo a de plus en plus de mal à s’intégrer à la vie de la classe et à se mettre en route au niveau des apprentissages. Marie décide alors de consulter un pédopsychiatre pour trouver de l’aide. Hélas, elle tombe sur un psy peu formé à la question de l’autisme et qui s’avère peu compétent. “J’ai expliqué que mon fils avait des difficultés à l’école, qu’il ne voulait plus y mettre les pieds. J’ai raconté les difficultés que je rencontrais à la maison: qu’il refusait de dormir ailleurs que dans mon lit, qu’il était peu autonome et n’acceptait de manger que des pâtes blanches ou du poulet nature. Je croyais vraiment que ce spécialiste allait me donner des pistes pour aider mon enfant à être plus mature et mieux dans sa peau. Mais il a regardé Théo et lui a dit: ‘Tu sais que si tes petits camarades de classe savaient que tu dors encore avec maman et qu’elle t’essuie quand tu vas aux toilettes, ils se moqueraient tous de toi?’. J’étais choquée. Il ne m’a pas aidée et a humilié mon fils”.

Les vacances d’été qui suivent offrent un break. Pendant deux mois, mère et fils retrouvent un peu de calme au sein du cocon familial. Théo redevient le petit garçon joyeux qui s’émerveille devant le monde.

L’école primaire, l’horreur

Les parents du garçon appréhendent son entrée à l’école primaire, mais ils font tout pour le motiver: ils lui offrent un beau cartable et une belle tenue et restent dans la positive attitude, lui expliquant que cette nouvelle aventure est surtout le signe que Théo grandit! Mais dès la deuxième semaine, c’est la douche froide. “Son institutrice m’a interpellée, me disant que Théo avait de grosses lacunes: il ne reconnaissait pas les chiffres de 5 à 10, ni les jours de la semaine. On a beaucoup travaillé, mais sans succès… Peu après, Théo a recommencé à se plaindre de maux de ventre et, surtout, à ne pas vouloir se rendre à l’école. Quand j’essayais de savoir pourquoi, il me répondait: ‘Je sais pas maman’, pour finalement s’énerver sur moi et se boucher les oreilles”.

La famille décide de rencontrer un autre spécialiste, mais le petit garçon est peu bavard et refuse de dévoiler quoi que ce soit de sa réalité: “Pendant les séances, il reste collé à moi, parle tout bas et souvent dans mon oreille pour que la psychologue n’entende pas. Quand il est seul avec elle, il ne raconte que ce qu’il aime. La psychologue a évoqué le Haut Potentiel, mais aussi une relation trop fusionnelle avec moi. Elle nous a conseillé d’arrêter de nous faire des câlins pour couper le cordon une fois pour toutes. Théo est sorti de cette séance totalement stressé à l’idée de ne plus recevoir de l’amour de sa maman du haut de ses 6 ans. Je l’ai rassuré, mais rien n’y a fait”.

Des crises de plus en plus importantes

Le garçonnet enchaîne les crises de colère. Des moments difficiles qui aident malgré tout la maman à avancer dans sa recherche de réponses: “Les crises, si violentes soient-elles, m’ont permis de comprendre que derrière chacune, se cachait de l’incompréhension: un moment stressant, blessant, angoissant et/ou qu’il n’arrivait pas à identifier”.

Fait étrange: Marie remarque que si son fils pleure tous les matins pour ne pas aller à l’école, une fois la porte de l’établissement franchie, il adopte un tout autre comportement. La maîtresse lui confie d’ailleurs que tout va mieux, que ce soit en classe ou à la récréation: “Je n’y comprends alors plus rien et j’ai l’impression de devenir folle. Son papa et moi finissons par mettre ces troubles sur le compte d’une difficulté à se séparer de moi… Et laissons les choses se faire”.

Pour autant, les apprentissages restent très difficiles à la maison. Marie en fait part à l’institutrice avant les examens, mais il n’y a apparemment pas de quoi s’inquiéter. Les choses se dégradent pourtant au sein du foyer à mesure que l’année avance. Puis un jour, Théo craque et confie être victime de harcèlement. “Je suis allée voir l’institutrice pour que cela cesse, et le fait que nous ayons enfin pu mettre des mots sur les maux de Théo nous apaise tous”.

Retour à la case départ

Théo recommence sa première primaire. Les premières semaines en classe se passent bien, mais un mois à peine après cette nouvelle rentrée, l’enfant recommence à se plaindre, à pleurer le soir et le matin, et à ne plus vouloir aller à l’école. Marie se sent démunie et de nouveau en colère: “C’est un retour à la case départ. Pire que ça: désormais, il se débat chaque matin de toutes ses forces. Il hurle, mord, frappe et s’enferme dans sa chambre. Je comprends que mon fils est de nouveau harcelé. Je demande donc à l’école que des mesures sévères soient prises. J’apprendrai ce jour-là que mon fils était interdit de récréation pour ne pas être harcelé… Quelle injustice pour lui, qui devait rester en classe pendant que les garçons qui le harcelaient profitaient de leur récréation!”.

Les parents se questionnent beaucoup et envisagent de plus en plus que leur fils est différent.

Une batterie de tests

Ils décident de chercher partout pour mettre des mots sur le mal-être de Théo: “On voit des spécialistes, on fait des tests (HP, TDA, DYS…), mais on ne trouve rien. Aucun spécialiste ne peut nous aider et personne n’arrive à comprendre Théo. Puis un jour, je suis tombée sur trois lettres: TSA, trouble du spectre autistique. Au début, je me suis dit que c’était impossible: mon fils parle, bouge, partage… C’est finalement via les réseaux sociaux que j’ai découvert qu’il y avait différentes formes d’autisme. Je dois me rendre à l’évidence, Théo a de grosses difficultés de communication, un intérêt très envahissant, des tics comme des claquements de dents, des raclements de gorge, et une très forte anxiété: il fait des crises, a une sélectivité alimentaire et est hypersensible, comme beaucoup d’enfants atteints de troubles autistiques”.

Marie prend rendez-vous dans un centre spécialisé dans l’autisme, afin de faire passer des tests à son fils. Parallèlement, la santé mentale de ce dernier se dégrade fortement; il menace désormais de mettre fin à ses jours. “Je découvre que mon fils me cache les petits bleus sur son corps, car les enfants lui disent que s’il rapporte encore à madame ou à moi, ils le tueront. Je me sens seule et Théo se cache toujours derrière des faux-semblants. Je suis la seule personne devant laquelle il craque. On tombe de plus en plus bas et j’ai l’impression que jamais, on ne pourra remonter la pente”.

Et puis, l’électrochoc

Un jour, alors que Théo est chez ses grands-parents, sa mamy surprend une conversation entre le garçon et sa cousine. Théo explique que bientôt, il sautera par la fenêtre. C’en est trop pour la maman qui file avec son fils aux urgences psychiatriques. “Après un long moment, Théo finit par expliquer à l’infirmière qu’il pense à se suicider”. Mais le petit garçon ne sera pas placé sous surveillance. Marie se sent abandonnée: “Je ne sais plus quoi faire, ni comment aider mon fils en souffrance”. Elle prend alors la décision de le déscolariser et de le faire hospitaliser dans un service psy afin qu’il puisse être observé.

De la maltraitance, maintenant?

“Pendant toute l’hospitalisation, Théo fait bonne figure devant les autres enfants et les psychologues, il fait des crises uniquement en ma présence. Les spécialistes en concluent que Théo n’est pas autiste et me soupçonnent même d’avoir besoin de simuler une maladie ou un traumatisme pour attirer l’attention, et donc de souffrir du syndrome de Münchhausen. C’est une forme grave de maltraitance! J’ai pleuré toute la semaine. Je venais chercher de l’aide et voilà qu’on me pense responsable des problèmes de mon fils”.

En septembre, Théo reprend le chemin de l’école et se fait à nouveau harceler. Mais cette fois, Marie rencontre une pédopsychiatre qui les écoute et les aide. “Sans mettre mon fils dans une case, elle m’a aidée à le comprendre. Cette année-là, il suivra l’école selon des horaires aménagés. Mais le harcèlement ne cesse jamais vraiment”.

Le papa aussi

Théo se rend à l’école à mi-temps, mais passe en 3e année sans trop de soucis. De son côté, le conjoint de Marie – qui s’est toujours beaucoup reconnu dans le parcours de Théo – se pose de plus en plus de questions sur son profil à lui. Il prend rendez-vous pour passer des tests et les résultats sont clairs: il souffre de troubles du spectre de l’autisme. “Ce diagnostic va changer notre vie et celle de Théo, puisque peu de temps après, Théo, qui repasse une batterie de tests, reçoit des résultats presque identiques à ceux de son père. ‘Un trouble envahissant du développement’, autrement dit un autisme atypique, cumulé à un trouble anxieux et à un trouble dyslexique”.

Enfin fixés

Depuis le diagnostic, la famille a trouvé un établissement qui inclut notamment des enfants sourds et qui est donc très ouvert à la différence. “Les débuts ont été difficiles, mais ici, l’équipe pédagogique est extrêmement bienveillante, à l’écoute des besoins des enfants et de leurs réalités. Théo s’est rapidement fait des amis et adore sa maîtresse. Grâce à elle, il progresse bien (elle l’encourage beaucoup dès qu’il fait des efforts) et dépasse ses angoisses: il est monté sur scène lors de la fête de l’école, est même parti en excursion… Il a retrouvé une bonne estime de lui. Mais le plus merveilleux, c’est qu’il accepte de se montrer tel qu’il est aux autres”.

Et si la mère de famille n’ose pas tellement se projeter, elle se dit soulagée de voir enfin son fils apaisé et heureux: “Je garde en tête qu’il faut toujours y croire et se battre”.

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