
Témoignage: “J’ai bénéficié d’une greffe de moelle osseuse”
Si Claire est là aujourd’hui, c’est grâce à un donneur allemand de 20 ans. C’est notamment pour encourager les dons qu’elle tient à témoigner.
Pour Claire, qui vient de fêter ses 70 ans, la santé n’est pas un vain mot: infirmière, désormais à la retraite, elle est mariée depuis 42 ans à un médecin généraliste, et 2 de ses 3 filles, qui lui ont donné 7 petits-enfants, sont également infirmières. Il y a 10 ans, pourtant, c’est une prise de sang de routine qui lui révèle sa maladie. “Je ne me sentais pas très en forme, mais je mettais ma fatigue sur le compte du surmenage. Jusqu’à ce que l’analyse m’apprenne que mon taux de plaquettes était anormalement bas…”
D’autres examens, pratiqués au service d’hématologie des Cliniques universitaires de Mont-Godinne, ne laissent aucune place au doute: Claire souffre d’une myélofibrose, pathologie qui empêche le fonctionnement normal de la moelle osseuse, et donc la fabrication des cellules sanguines. “Mon hématologue m’a prescrit un traitement médicamenteux, sans me cacher que l’évolution de la maladie ne pouvait être que ralentie, pas stoppée. Pendant de nombreuses années, ma qualité de vie a été plutôt bonne, mais, après le covid, les choses ont changé. Moi qui adore les longues randonnées, j’avais mal aux muscles et j’étais très vite essoufflée! Et, peu à peu, mon taux d’hémoglobine a baissé…”
Comme une simple transfusion?
Pour compenser, elle a besoin de transfusions sanguines de plus en plus fréquentes, à raison d’une toutes les 3 semaines pour une amélioration de quelques jours seulement. L’équipe d’hématologie lui confirme alors ce qu’elle redoutait depuis le début: elle a besoin d’une greffe de moelle osseuse. “Malheureusement, aucun de mes 2 frères n’était compatible. L’équipe d’hématologie a donc consulté le registre international des donneurs de cellules souches, et il ne lui a fallu qu’un mois pour trouver un donneur compatible. Quand je l’ai appris, j’étais carrément euphorique.”
Pendant une semaine, j’ai subi une chimiothérapie destinée à détruire ma moelle osseuse, pour faire place à la nouvelle.
Claire est hospitalisée le 29 février 2024, 3 jours après son anniversaire. “J’ai été installée dans une chambre stérile, avec des bandes de plastique tout autour du lit, comme dans les rayons frais de certains supermarchés. Et, pendant une semaine, j’ai subi une chimiothérapie destinée à détruire ma moelle osseuse, pour faire place à la nouvelle. Je me sentais de plus en plus faible et je me posais plein de questions…” La greffe a lieu le 8 mars, et ce qui étonne le plus Claire, c’est la banalité de l’intervention: “Ça s’est passé dans la chambre stérile, comme une simple transfusion. Sur le mur en face de mon lit, à travers les bandes en plastique, je voyais les dessins de mes petits-enfants et les aquarelles d’une de mes filles… Et puis, mon mari était présent, et ça m’a bien aidée, parce que j’étais très stressée.”
Des complications
Elle n’est pas au bout de ses peines. “J’ai fait une grave complication, une septicémie, et j’ai dû être transférée en soins intensifs. J’étais à moitié inconsciente, mais j’entendais les voix de mon mari et de mes filles, qui se relayaient auprès de moi et me parlaient, me chantaient des chansons… La voix de mon hématologue, aussi, qui m’encourageait. Grâce à eux, l’idée que j’allais mourir ne m’a jamais effleurée: j’étais sûre que j’allais m’en sortir. Mais il m’a fallu 2 mois et demi d’hospitalisation, j’ai perdu 10 kilos et mes muscles ont fondu. Au début, je n’étais même plus capable de me lever: j’avais perdu toute autonomie. Mais je tiens à remercier les infirmières pour leur humanité et leur bienveillance, même submergées de travail, elles m’ont toujours aidée et encouragée!”
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Une seconde vie après la greffe
Bien qu’elle soit rentrée chez elle en chaise roulante, Claire est aujourd’hui en pleine forme. “Je le dois à de fréquentes séances de kinésithérapie. Dès que possible, j’ai recommencé à marcher dans la campagne, et, quand j’ai senti que mes muscles m’obéissaient, j’ai été vraiment heureuse. C’était une renaissance. Une seconde vie, en fait. J’ai connu des moments très durs, mais ça en valait la peine!”
Claire doit encore prendre des précautions: “Je dois refaire tous mes vaccins de nourrisson, parce que ma nouvelle moelle n’en a forcément aucun souvenir”, mais depuis septembre, elle a repris toutes ses activités. “Je suis redevenue bénévole à la Croix-Rouge, comme responsable de la collecte de sang trimestrielle dans ma région. Je refais du théâtre, avec la troupe de femmes que nous avons créée il y a 20 ans. Je prends des cours d’aquarelle. Et, bien sûr, je m’occupe de mes petits-enfants, qui ont entre 4 et 12 ans. Je mène la vie que je veux, avec ceux que j’aime. Et tout ça, parce que ce jeune homme, en Allemagne, a un jour décidé de s’inscrire dans un registre de donneurs… Je ne sais pas ce qui l’a motivé, mais, quand je pense à lui, c’est toujours le mot ‘merci’ qui me vient à l’esprit!”
5 questions sur la greffe de moelle
Dre Violaine Havelange, hématologue aux Cliniques Universitaires Saint-Luc nous informe.
La moelle osseuse, c’est quoi?
La moelle osseuse, à ne pas confondre avec la moelle épinière, est répartie dans les os du corps. Grâce aux cellules souches hématopoiétiques (productrices de cellules sanguines) qu’elle contient, c’est une véritable usine à fabriquer des globules rouges, des globules blancs et des plaquettes.
Comment trouver un donneur compatible?
On s’intéresse d’abord aux frères et sœurs: chacun ou chacune a une chance sur 4 d’être compatible. Ensuite, on cherche dans le registre international, avec de grandes chances de trouver un donneur compatible. Et, si on ne trouve pas, on a recours aux enfants. Mais les enfants sont “haplo-identiques”: comme ils ont reçu un chromosome de leur papa et un de leur maman, ils ne sont compatibles qu’à 50%. Et une compatibilité moindre augmente les risques de complications.
Comment prélève-t-on la moelle chez le donneur?
Autrefois, les hématologues prélevaient la moelle osseuse dans les os du bassin sous anesthésie totale en salle d’opération. Aujourd’hui, on procède par cytaphérèse: on prélève le sang du donneur, qui passe dans une machine qui filtre les cellules souches, puis le sang lui est réinjecté.
Et ensuite, on transfuse ces cellules souches au patient?
Oui, mais cette transfusion doit se faire en chambre stérile, parce que le risque d’infection est considérable. L’ancienne moelle ayant été détruite pour faire place à la nouvelle, le patient n’a plus de globules blancs, de sorte qu’il est extrêmement vulnérable jusqu’à ce que la greffe prenne le relais et fabrique à nouveau des cellules sanguines.
Comment faire pour s’inscrire comme donneur?
Toute personne âgée de 18 à 40 ans peut s’inscrire comme donneur volontaire. Il suffit de s’adresser à la Croix-Rouge.
Aller plus loin
– Contactez NMP Belgique, association des patients atteints de syndromes myéloprolifératifs: nmpbelgique.be/fr.
– Téléchargez la brochure de la Croix-Rouge sur le don de cellules souches.
– Lisez Sang neuf de Jean-Christophe Chauzy, éd. Casterman, un étonnant roman graphique sur la myélofibrose et la greffe de moelle osseuse.
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