adoption par beau-père
"Je voulais être la fille d’Antoine. Et plus encore, je voulais qu'il soit un jour le grand-père de mes enfants." © Getty Images

Témoignage: “À 27 ans, j’ai demandé à mon beau-père de m’adopter”

Le père biologique d’Evelyne* est toujours en vie, mais ils n’ont jamais eu de vrai lien. Avec Antoine*, son beau-père arrivé quand elle avait 13 ans, la connexion a été immédiate. Rapidement, il est devenu le papa dont elle avait besoin.

“Le 19 avril 2016, mon tout nouveau père Antoine et moi, ainsi que mon mari et ma mère, sommes sortis du palais de justice ensemble. Un juge venait d’officialiser ce que nous ressentions depuis des années: Antoine était mon père et j’étais sa fille. Nous nous sommes précipités dans le premier café que nous avons trouvé et avons porté un toast à un nouveau départ, inconditionnel et ‘pour toujours’. Pourtant j’ai un père biologique, mais il a choisi depuis longtemps de ne pas jouer de rôle dans ma vie”, explique Evelyne, 35 ans.

Un père biologique aux abonnés absents

“Ma mère et lui étaient très jeunes lorsqu’ils m’ont eue, à peine 18 ans, au cours d’une relation tumultueuse. Je pense que ma mère a essayé d’arrondir les angles et que les choses se passent au mieux entre eux. Car ils ont eu un second enfant. Mais après la naissance de mon frère, mon père est parti pour de bon. À 21 ans, ma mère s’est retrouvée seule avec 2 enfants en bas âge. Elle a eu beaucoup de mal à s’en sortir. Les études n’étant pas envisageables dans sa situation, elle est allée travailler dans une friterie, tandis que mon frère et moi restions chez mes grands-parents. Je lui suis très reconnaissante pour tout ce qu’elle a fait pour nous offrir une belle vie.

Je n’ai vu mon père qu’à l’occasion de quelques brèves visites, et pourtant, enfant, j’ai souvent espéré qu’il reviendrait. Qu’il voudrait être mon père. Dans les grands moments de ma vie, par exemple lorsque j’ai obtenu mon diplôme universitaire, je me disais : ‘Peut-être qu’’il viendra.’ Mais il n’a jamais donné signe de vie, alors au bout d’un moment, j’ai pris distance avec cet espoir. Par autoprotection.”

Une présence naturelle

“Pendant ce temps, ma mère a rencontré un autre homme, avec qui elle a eu un enfant, mon demi-frère. Mais une fois de plus, elle n’a pas eu de chance. Leur relation a échoué. Ces années n’ont pas été faciles pour notre famille. Mais lorsque j’ai eu 13 ans, Antoine est entré en scène. Maman l’avait rencontré par l’intermédiaire de ma tante et, dès leur premier rendez-vous, il n’est plus reparti. Antoine vivait à une centaine de kilomètres, n’avait jamais eu de famille, mais d’une manière qui semblait tout à fait évidente, il a commencé à prendre soin de ma mère et de nous. Il conduisait mes frères au football et m’encourageait au bord du terrain de tennis.

Je sentais que je pouvais lui faire confiance, qu’il ne nous quitterait pas

Antoine est entré dans notre famille de façon tout à fait naturelle. Il ne s’est jamais dit consciemment: ‘Désormais, je vais assumer le rôle de père.’ Cela s’est fait de manière progressive. Il donnait l’impression que nous pouvions toujours venir à lui. Je me suis rebellée contre les précédents partenaires de ma mère, mais pas contre Antoine. Je pense que c’est parce que je sentais que je pouvais lui faire confiance, qu’il ne nous quitterait pas. Ce sentiment de fiabilité s’est renforcé lorsqu’il a eu un enfant avec ma mère, ma demi-sœur, Julie*. Il n’a jamais fait de différence entre Julie et nous. Il a toujours montré que la famille passait avant tout.”

Un nouveau nom

“Je suis devenue de plus en plus proche d’Antoine. Et au fur et à mesure que je grandissais, ça a provoqué un changement de sentiment à l’égard de mon père biologique. J’étais fatiguée de mon sentiment d’abandon.

Petit à petit, l’idée de changer de nom de famille s’est installée dans mon cerveau. Je ne trouvais pas normal de porter le nom d’un homme qui n’avait aucune importance dans ma vie, et je voulais me débarrasser de cette partie de lui. Comme mes grands-parents ont participé à mon éducation, ma première idée a été de choisir le nom de famille de ma mère. Mais le lien avec Antoine était devenu si étroit que prendre son nom de famille était encore plus évident.

C’est donc tout naturellement que je me suis orientée vers l’idée de l’adoption. Le simple fait de prendre le nom de famille d’Antoine signifierait déjà beaucoup, mais légalement, je ne serais toujours pas sa fille. Or c’était ce que je voulais: devenir sa fille. Plus encore, je voulais qu’Antoine soit un jour le grand-père de mes enfants. Le seul moyen d’y parvenir légalement était l’adoption. En plus, instinctivement, c’était pour moi le seul scénario sensé.”

Le tribunal a tranché

“Pour entamer la procédure d’adoption, je devais évidemment en parler d’abord avec Antoine. Et non, ça n’a pas été comme dans un film, avec des larmes et des violons en arrière-plan (rires). J’ai demandé en entrant chez mes parents un soir: ‘Alors, Antoine, tu m’adoptes?’ La question l’a frappé, tout comme ma mère, mais aucun mot n’est sorti de sa bouche. Je pense que c’est parce que c’était tellement logique à ses yeux aussi. Je suis autant sa fille qu’il est mon père, c’est ce que j’ai ressenti pendant toutes ces années.

Mon père biologique a fait savoir par l’intermédiaire de son avocat qu’il ne consentirait pas à l’adoption.

L’adoption devait être soumise au tribunal de la famille, un juge devant apprécier si elle était justifiée. Mon dossier était en béton. Je pouvais parfaitement justifier pourquoi Antoine devait être considéré comme mon père. Mon père biologique a fait savoir par l’intermédiaire de son avocat qu’il ne consentirait pas à l’adoption, mais il n’a pas pu expliquer pourquoi, et il n’était pas non plus présent à l’audience. Face à ma forte motivation, la juge a rapidement compris que l’adoption pouvait avoir lieu.”

Une gratitude immense

“Depuis ce nouveau départ, j’ai trouvé la stabilité et la paix. Ma tristesse est toujours là. Sentir qu’un parent ne vous aime pas cause un sentiment tellement profond de ne pas être à la hauteur qu’aucune thérapie n’a pu le compenser. Mais ma gratitude envers Antoine est immense. Lorsque j’étais adolescente, mon nom de ‘chat’ sur MSN était ‘People always leave’, les gens partent toujours. C’est ce que je ressentais. Mais Antoine est resté et cela m’a redonné confiance en autrui. Il m’a appris ce qu’est l’amour inconditionnel, et le fait qu’il n’y ait pas de lien biologique entre nous est encore plus précieux pour moi.”

“Antoine n’est pas un homme très locace. Il dit simplement: ‘Je suis là’ ou ‘Je serai toujours là pour toi’. Mais il n’y a pas besoin d’en dire plus. Je peux voir et sentir quand il est ému. Mais ce sont surtout ses actes qui en disent long. Ce qu’il fait pour mes 2 petits garçons me fait fondre. Deux jours par semaine, il va les chercher à l’école, ce qui est toujours très attendrissant. Il s’occupe aussi de ma mère comme personne.

Chaque année, nous allons tous ensemble au même camping, en Espagne. Antoine et ma mère arrivent avant nous et quand nous débarquons, tout le monde me dit qu’Antoine a fièrement annoncé que ses enfants et petits-enfants allaient le rejoindre. Il arrive que quelqu’un dise: ‘Oh oui, on voit bien que vous êtes père et fille!’ Nous en rions, mais secrètement, nous rayonnons de fierté.”

*prénoms d’emprunt. Texte: Tine Trappers

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