
Bipolarité: ce que vous devez vraiment savoir (l’avis d’une psychiatre)
Nous avons toutes des fluctuations de l’humeur, mais pour 1 à 2% de la population, cette alternance de phases de dépression et d’euphorie relève d’un véritable trouble de santé mentale: la bipolarité. Une psychiatre nous en dit plus.
Le 26 mars dernier, coup de tonnerre sur France Inter: dans sa chronique matinale, Nicolas Demorand, journaliste bien connu, fait cette annonce surprenante: “Je suis un malade mental. Je ne veux plus le cacher, ni me cacher. (…) Comme des centaines de milliers de Français, je suis bipolaire de type 2. J’alterne des phases d’euphorie et des périodes de dépression, mais je suis soigné. (…) Si je me suis tu, c’est parce que la maladie mentale fait peur. J’avais honte.”
Diagnostiqué il y a 8 ans
Dans son livre Intérieur nuit, il parle de ce mal qui le ronge depuis 20, voire 30 ans, mais qui n’a été diagnostiqué qu’il y a 8 ans seulement : “Mon humeur varie entre de longues, profondes, phases de dépression et d’autres, maniaques ou hypomaniaques, infiniment plus courtes, où je déborde d’une énergie malsaine qui me carbonise le cerveau. Dans les moments de stabilité, j’attends avec inquiétude que l’une ou l’autre de ces phases se manifeste.”
Mon humeur varie entre de longues phases de dépression et d’autres, infiniment plus courtes, où je déborde d’une énergie malsaine qui me carbonise le cerveau.
Nicolas Demorand, journaliste à France Inter
Une phase dépressive et une phase maniaque
Caroline Depuydt, psychiatre et directrice médicale générale du groupe Epsylon, nous en dit plus sur les symptômes de ce trouble de l’humeur, favorisé par certains gènes, avec lequel on naît, mais qui n’apparaît vraiment qu’au début de l’âge adulte. “Comme son nom l’indique, explique-t-elle, la bipolarité se caractérise par deux pôles: un pôle dépressif qui peut durer plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et une phase maniaque. Durant celle-ci, on dispose d’une énergie puissance 1.000: on est euphorique, on dort peu, on a 1.000 idées à la seconde, on parle vite, en passant du coq à l’âne, on peut avoir des conduites sexuelles à risque, dépenser de manière exagérée – je ne parle pas de 3 t-shirts au lieu de 1, mais de la décision soudaine, par exemple, d’acheter une maison alors qu’on sait à peine payer son loyer. Lors des phases maniaques aigües, on peut en arriver à ne plus fonctionner correctement au quotidien et même finir aux urgences, en raison d’une agitation extrême.”
Bipolarité de type 2
Voilà pour la bipolarité de type 1. Nicolas Demorand, lui, souffre de bipolarité de type 2. La phase maniaque est alors un peu moins intense. “C’est une phase où l’on est toujours capable de fonctionner au quotidien, note la psychiatre. On se sent très en forme, on pense plus vite, on parle plus vite, on a plein d’énergie. Bref, on se sent hyperproductif.” Un état de bien-être significatif, qui n’en est pas moins un des symptômes du trouble, et dont la “normalité” retarde considérablement le diagnostic – comptez 5 à 10 ans pour l’établir de façon certaine.
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À chaque bipolaire sa bipolarité
Entre ces pôles, on vit heureusement des phases de normalité plus ou moins longues, avec une humeur stable, appelées “phases euthymiques”. “À chaque bipolaire, sa bipolarité, précise Caroline Depuydt. On peut avoir 6 cycles par an, ou un tous les 3 ans… ça dépend. La phase dépressive peut aussi varier, entre des périodes où on ne sait pas sortir de son lit, et des moments où on arrive quand même à fonctionner plus ou moins, au prix d’une énergie parfois pharaonique.”
Quel traitement possible?
La maladie implique un suivi psychiatrique régulier, ainsi qu’un traitement médicamenteux: un thymorégulateur pour éviter l’alternance des phases, mais aussi un traitement pour chacune des phases.
Elle nécessite par ailleurs d’avoir des clés de compréhension: détecter les facteurs déclencheurs des phases maniaques, suivre ses humeurs (par exemple dans un journal) afin d’anticiper toute crise, savoir ce qui fait du bien en cas de phase dépressive… “Entre les traitements, le suivi psychiatrique et les bonnes pratiques, assure la spécialiste, il y a moyen de se prendre en charge de manière à réduire l’intensité et la fréquence des crises, parfois jusqu’à zéro.”
À lire Intérieur nuit, Nicolas Demorand, éd. Les Arènes.
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