Journée des Droits des Femmes: “le projet oublié, prendre soin des jeunes aidants”

8 mars, c’est la journée internationale des droits des femmes et pour l’occasion, les entrepreneuses sociales sont à l’honneur.

Le saviez-vous? 45% des entrepreneurs sociaux dans le monde sont des femmes – une proportion bien plus élevée que dans l’entrepreneuriat «classique» (33%). Des entrepreneuses sociales qui pensent que l’entreprise ne doit pas se limiter à générer des profits, mais peut être un levier pour changer les choses. A l’occasion de la Journée de la Femme, découvrez le portrait de 21 d’entre elles aux 4 coins du monde, grâce à l’opération Women in Businesses For Good à laquelle Femmes d’Aujourd’hui, ainsi que 20 autres médias internationaux, participe.

Le projet oublié: prendre soin des jeunes aidants

Lorsqu’une démence précoce est diagnostiquée à son père, âgé de 54 ans, la vie de Melissa Chan change irrémédiablement.

À 14 ans, elle devient une jeune aide-soignante en prise avec un renversement soudain des rôles. Ses journées autrefois passées avec ses camarades d’école sont maintenant consacrées à laver son père et à préparer ses repas.

Adolescente, elle ne comprend pas la maladie ni pourquoi elle lui enlève petit à petit son père. Quand il finit par ne plus la reconnaître, elle commence à douter de sa propre valeur. “Je me demandais si je méritais qu’on se souvienne de moi. Beaucoup de questions m’ont traversé l’esprit”, se souvient Melissa Chan, aujourd’hui âgée de 28 ans.

À l’époque, on ne parle pas de démence comme on le fait maintenant. “Je n’ai jamais su ce qu’était la démence d’un point de vue médical, ni de quelle manière elle affectait le cerveau”, dit-elle. “En y repensant, j’aurais vraiment apprécié en connaître les symptômes et savoir comment y faire face en tant que jeune aidante”.

Il y a trois ans, peu de temps après le décès de son père fin 2014, Melissa Chan décide de lancer un projet pour aider les autres aidants qui se sentent aussi perdus et dépassés qu’elle l’a été.

Le projet de Melissa Chan: aider les aidants

Après avoir obtenu une licence en gestion des affaires et travaillé près de quatre ans dans la finance et l’hôtellerie, elle fonde l’entreprise sociale Project We Forgot – littéralement, le projet que nous avons oublié.

En un mois, Melissa Chan, très engagée dans le projet, fait le grand saut et quitte son emploi à temps plein pour consacrer toute son énergie à la nouvelle aventure.

Inspiré du blog photo Humans of New York, Project We Forgot offre un système de soutien aux aidants de moins de 39 ans. La plateforme en ligne leur permet de partager leur expérience et de communiquer entre eux par le biais des médias sociaux.

“Certains [des jeunes aidants] ne savent pas quoi faire, tellement ils sont habitués à ce que leur mère ou leur père s’occupe d’eux. L’inversement des rôles peut être très difficile à accepter pour une jeune personne”, déclare Jason Foo, président-directeur général de l’Association singapourienne de la maladie d’Alzheimer. Chaque année, estime-t-il, jusqu’ à 200 jeunes aidants familiaux se retrouvent dans ce rôle parce qu’un nombre croissant de personnes souffrent de démence plus tôt dans leur vie.

A Singapour, en 2015, quatre fois plus de patients de moins de 65 ans ont reçu un diagnostic de démence qu’en 2011, selon l’Institut national des neurosciences. On estime que, sur les 40 000 personnes atteintes de démence, une personne sur 10 a moins de 65 ans.

“Si vous y réfléchissez, cela signifie que les aidants sont aussi de plus en plus jeunes, parce que les patients le sont aussi”, souligne Jason Foo. “C’est là que Project We Forgot entre en jeu”, ajoute Melissa Chan.

Après plus d’un an d’activité en solo, Melissa Chan se rend compte qu’elle aurait besoin de plus de monde et d’une plateforme plus grande. L’an dernier, l’équipe s’est élargie pour inclure Neo Kai Yuan, 27 ans, directeur technique, et Clarence Oo, 31 ans, community manager.

Jusqu’ à présent, l’entreprise sociale a réussi à bâtir une communauté de 3 000 aidants familiaux par le biais des médias sociaux. Elle est également impliquée auprès de plus de 200 aidants qui l’ont contactée directement pour obtenir de l’aide.

Outre le développement de sa communauté, Projet We Forgot organise des ateliers, des formations et des programmes de sensibilisation dans les écoles et d’autres organisations.

Une application de mise en relation pour les aidants est également en préparation et devrait être disponible d’ici à la fin de l’année.

En fournissant ces outils et services pour répondre aux besoins des aidants, l’équipe espère trouver rapidement un modèle économique durable en tant qu’entreprise sociale.

“L’une des premières choses que les gens nous disent, c’est que nous devrions plutôt être un organisme à but non lucratif ou une association caritative. Mais, dans l’équipe, nous voulons voir comment nous pourrions façonner un modèle économique pour les causes sociales”, défend Melissa Chan.

Elle souligne que l’objectif ultime de Project We Forgot n’est pas de générer des revenus, mais que son succès dépend de son impact social.

“Pour une entreprise sociale, il ne s’agit pas seulement de créer une entreprise. Le but est aussi prendre en considération les vies sur lesquelles nous avons un impact, et c’est ce qui me stresse”.

Bien que Project We Forgot n’ait pas encore réalisé de bénéfices, il a bénéficié du soutien financier des secteurs privé et public – ses seules sources de financement pour le moment. L’an dernier, l’entreprise a reçu une subvention de 20 000 dollars singapouriens dans le cadre du programme Singtel Future Markers, et un autre montant non divulgué dans le cadre du Fonds national pour la jeunesse du gouvernement de Singapour.

Bien que ces succès soient satisfaisants, le cheminement pour assurer l’avenir à long terme de Project We Forgot n’est pas facile, Melissa Chan ayant utilisé ses propres économies pour mettre sur pied l’entreprise.

Après avoir travaillé pendant plus de deux ans dans l’entreprise sociale, Melissa Chan déclare en avoir appris beaucoup plus sur les soins aux patients atteints de démence – davantage que lorsque son père était encore en vie.

Texte: Charmaine Ng pour The Straits Times

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