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Rencontre avec l’humoriste Florence Mendez

Repérée par Dan Gagnon, la jeune comique belge n’a pas sa langue dans sa poche, ce qui lui a valu d’être remerciée, injustement, de Radio Contact. Alors qu’elle cartonne avec son one-woman show “Délicate”, Florence Mendez cumule les collaborations et vient tout juste de rejoindre le bureau des auteurs de Canal +. Rencontre.

À l’automne dernier, vous avez été remerciée de Radio Contact, comment ça s’est passé?

C’est devenu un vrai sujet de plaisanterie parce que la veille de la chronique “problématique”, j’ai reçu un message du producteur de l’émission me disant “c’est génial, tout le monde est content, on sort de réunion avec le directeur des programmes, un seul conseil, continue comme ça.” OK. Et puis je fais une chronique sur Pascal Obispo et je commence ma chronique en disant “Aujourd’hui, c’est la journée mondiale de la pneumonie” et là Olivier Arnould me dit “C’est pour ça que tu as sorti tes poumons” ce qui, en direct à la radio, ou pas d’ailleurs, c’est lourd et donc moi je suis pas du genre à fermer ma gueule, à rire et à dire elle est drôle ta blague donc on s’est clashé, en direct, à la radio; ce que je croyais être bon enfant. Le lendemain de cette histoire je recevais un mail du directeur des programmes me disant “tes chroniques, ça va pas du tout, c’est parfois soporifique” donc j’ai fait les ajustements qu’il m’avait demandé tout en lui envoyant la capture d’écran du producteur qui m’a dit “c’est génial, continue!” mais deux semaines après, j’étais virée. Je pense que c’est Olivier Arnould qui n’a pas apprécié de se faire remettre en place après avoir fait une réflexion sur mes seins et qui a demandé à ce que je sois, gentiment, évacuée de l’émission.

Vous le dites, vous êtes assez direct, votre humour l’est aussi. On a l’impression que c’est aussi le cas de la nouvelle génération de comiques filles qui est plus trash, plus provoc’. Vous pensez que c’est un passage obligé pour se démarquer des hommes?

Dans ma façon de faire, il n’y a pas une volonté de me démarquer par le trash. Je crois que c’est juste une espèce de libération de la parole de siècles et de siècles et de siècles de “fermez vos gueules” et que cette libération passe par un accès de violence. L’histoire a montré que, avec les opprimés, quand les pouvoirs se sont inversés, cette inversion s’est faite dans la violence et je crois cette libération de la parole passe par de la violence. C’est peut-être aussi une manière de tenir en respect les gens qui pourraient s’opposer à ces femmes qui parlent. Mon deuxième spectacle sera peut-être moins trash, plus profond, plus moi-même parce que je crois que plus on prend confiance et moins on a besoin de fanfaronner et d’ouvrir très très grand sa gueule même si je continuerai à l’ouvrir très très fort contre les homophobes, les sexistes, les racistes, évidemment!

On a l’impression que l’humour est le dernier bastion où l’on peut toucher les gens…

Quand c’est bien fait, oui. Mais il y a cette citation de Desproges qui a été bafouée tellement de fois: on peut rire de tout mais pas avec tout le monde. Il ne voulait pas dire on ne peut pas faire de l’humour juif avec les Juifs, il disait qu’on ne peut pas faire de l’humour sur les Juifs avec les antisémites. Après, c’est très difficile et il y a des choses dont je ne suis pas fière non plus.

“Un jour, on m’a dit que ce n’est pas tellement le fait que je sois trash qui dérange, mais le fait que j’ai des opinions…”

L’avantage de la libération de la parole des femmes comiques, c’est que vous avez un éventail de sujets qui s’offrent à vous alors que les hommes en ont moins car leur sujets ont été éculés par des vagues de comiques masculins. C’est votre impression?

Moi, j’ai juste l’impression qu’on a un regard qu’on connaît, celui des hommes, et plus particulièrement le point de vue de l’homme blanc hétéro, maintenant on va entendre le point de vue des autres. Je crois que si on veut un système plus juste, il va falloir prendre tout le monde en compte et ça passe par la compréhension, par des gens qui sont capables de dire “je ne comprends pas mais je suis capable d’accepter que d’autres fassent autrement”. Maintenant, il va falloir compter sur nous, avec nous.

Est-ce que c’est ce regard neuf qui fait le succès des filles sur scène?

J’espère! J’espère que c’est cette perspective qui attire les gens et pas – mais bon je suis très naïve – le fait que ce soit des petites nanas toutes mignonnes, toutes innocentes qui balancent des horreurs. J’espère que c’est plus le nouveau point de vue et pas le fait que ce soit une nana qui sort de son rôle attribué par la société.

Vous vous sentez parfois, sur scène, comme une bête curieuse?

Oui… Oui en plus j’ai l’air d’avoir 14 ans, je suis une petite mignonne et je sais que je dois déconstruire ça relativement vite. Un jour on m’a dit ce truc qui m’a blessée: c’est pas tellement le fait que je sois trash qui dérange, c’est le fait que j’ai des opinions. Que c’est le côté engagé qui surprend plutôt que le côté trash. Je ne suis pas dans une mentalité où je me dis “ok, il y a des cons, il faut les combattre”, non, je n’arrive pas à comprendre comment on en est arrivé là. Comment on en arrive à publier des articles qui disent qu’il faut faire disparaître la jungle de Calais au lance-flamme, je ne comprends pas. Non, vraiment c’est important de ne pas plébisciter les filles pour leur décalage mais pour ce qu’elles racontent.

Vous parlez beaucoup de votre vie privée sur scène, c’est une sorte de catharsis? Ça vous aide?

On verra au deuxième spectacle… Je suis en train de l’écrire et, voilà, moi, j’ai un léger syndrome d’Asperger et j’ai hâte de pouvoir raconter comment je me frotte les cuisses à répétition quand je suis stressée; comment je me touche constamment l’oreille quand je suis sur scène parce que ça me rassure. J’ai hâte de pouvoir parler de l’école, de comment j’ai été rejetée, parler de ma difficulté de m’intégrer dans une salle des profs. Parler des difficultés des relations amoureuses quand on n’est pas compris par l’autre et de la souffrance que c’est quand on doit évoluer parmi ceux qu’on appelle les neurotypiques, les gens qui sont bien dans le cadre qu’on a prévu pour eux. Pour l’instant, je n’ai pas réussi à écrire une page sans pleurer mais je pense que ça m’aidera et, surtout, que ça pourra dédramatiser, qu’on pourra se dire “ok, on est tous tordus, on est tous à côté de la plaque mais soyons qui nous sommes, on s’en fout!”. Je voudrais bien que les connards puissent tirer à blanc, qu’on ait tellement rigolé de tout ça que ça n’a plus aucune importance et que leur mot à eux n’aient plus d’impact. Que l’on arrête avec ce canevas humain prédéfini qui nous empoisonne tous un moment ou un autre.

Délicate, le one-woman show de Florence Mendez, à voir au Kings of Comedy Club les 19 mars et 16 avril à 20h.

Son humour, son intégrité mais aussi les attaques dont elle a été victime… Retrouvez la suite de l’interview de Florence Mendez dans le Femmes d’Aujourd’hui du 7 mars 2019.

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