Santé
Natasha St-Pier: “Mon fils a failli mourir”

Un enfant sur 100 naît avec une malformation cardiaque. C’est le cas de Bixente, le petit garçon de la chanteuse Natasha St-Pier. Elle raconte son parcours dans son livre Mon petit coeur de beurre. Rencontre.

Quand avez-vous appris la malformation cardiaque de votre fils?

A 5 mois de grossesse. Lors de la première échographie morphologique, l’échographe n’arrivait pas à voir l’artère pulmonaire. Il m’a alors envoyée chez un spécialiste des échographies du coeur. Après examen, celui-ci m’a dit: «On va le sauver votre bébé»! C’est ainsi que j’ai appris que mon bébé souffrait d’une maladie appelée la Tétralogie de Fallot (cf. titre en bas de cet article).

Est-ce que la question de le garder ou pas s’est posée?

Oui! Il y avait un risque que cette malformation soit liée à une maladie chromosomique, comme la trisomie 21. J’ai une cousine qui a un handicap mental important. J’ai vu le combat que ma tante a mené pour elle et je n’avais pas la force de traverser ça. Avec Greg, mon mari, nous avions décidé qu’en cas de maladie chromosomique, nous interromprions la grossesse. Heureusement, l’amniocentèse a montré que ce n’était pas le cas.

Votre fils est né le 13 novembre 2015. Il a été opéré le 13 mars 2016. Comment avez-vous vécu ces 4 mois?

Nous essayions de profiter à fond de notre petit garçon, car c’étaient peut-être les seuls mois que nous aurions avec lui. Il fallait en faire les plus beaux moments possibles. En même temps, il était difficile de ne pas se projeter dans le futur. C’était une situation assez complexe psychologiquement. D’autant plus qu’il pouvait à tout moment faire une «crise de Fallot»: des sanglots continus pouvaient provoquer une insuffisance respiratoire. Il fallait donc éviter qu’il pleure trop, qu’il fasse trop d’efforts. Nous vivions avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Nous étions des soldats en guerre. Ma seule mission était de me battre pour lui. Plus tard, nous nous sommes aperçus qu’inconsciemment, nous n’avions pas acheté de jouets pour lui…

Est-ce que cette opération était risquée?

Oui, comme toutes les opérations à coeur ouvert. On clampe l’aorte, on arrête le coeur et c’est une machine qui prend le relais pour que le sang continue à circuler dans le corps et le cerveau. Après l’opération, on essaie de redémarrer le coeur, en espérant que ça marche! Nous étions bien conscients de ce qui pouvait arriver: que le coeur ne redémarre pas, ou qu’il redémarre, mais de façon irrégulière, ce qui aurait nécessité de mettre un pacemaker. Heureusement, ce n’est pas arrivé!

Vous écrivez qu’une fois que Bixente est parti en salle d’opération, vous vous êtes promis de ne plus pleurer. Pourquoi?

Avant qu’il ne parte, je lui ai fais mes adieux au cas où il ne reviendrait pas. Je ne voulais pas le laisser partir sur une histoire pas finie. Je ne pense pas qu’il y ait de plus grande tristesse, de plus grande douleur que de perdre son enfant, bien que je n’aie pas tout vécu… Et je me suis dit aussi que s’il survivait, jamais dans ma vie je ne pourrais vivre quelque chose de pire, jamais, je n’avais donc plus de raisons de pleurer.

Vous avez tenu à partager tous ces moments sur Facebook. Pour quelles raisons? Vous dites dans votre livre que c’était une façon de le faire exister…

Oui. J’avais l’impression que plus il y avait de gens qui connaissaient l’existence de Bixente, plus il était fort et moins il courait de risques de mourir. Et puis, je n’avais pas envie que les médias ou les fans communiquent des demi-vérités sur mon fils. J’ai préféré donner les infos moi-même pour être sûre qu’elles soient correctes. Je pense aussi que mon histoire a aidé les parents dont le bébé était affecté de la même malformation à se sentir moins seuls. Les gens pensent toujours que lorsqu’on est célèbre, on ne peut pas être atteint des mêmes coups du sort que les autres, que la réussite et la notoriété mettent à l’abri des épreuves, mais ce n’est pas le cas.

Comment va votre fils aujourd’hui? Garde-t-il des séquelles de son opération?

Il est en forme! Il ne garde heureusement aucune séquelle de sa maladie, si ce n’est une cicatrice sur la poitrine. Trois des quatre malformations ont été réparées. Pour la quatrième, il faudra voir à l’adolescence si une nouvelle opération est nécessaire. D’ici là, il aura une vie tout à fait normale. Il doit simplement voir un cardiologue une fois par an pour s’assurer que les réparations tiennent le coup.

Comment l’éduquez-vous? N’avez-vous pas tendance à le surprotéger?

Non, c’est une volonté que nous avons, mon mari et moi. Bixente a vécu une histoire très différente des autres enfants, mais ce n’est pas pour ça qu’il est différent. A partir du moment où il n’a pas de séquelles, nous voulons le traiter comme un enfant normal. Je ne vis plus dans la peur de le perdre. Aujourd’hui, j’ai envie qu’il soit grand et fort, qu’il aille à l’école, qu’il fasse du sport, qu’il ait des amis, comme un enfant normal.

Ce drame a-t-il changé votre vie? Vous dites qu’il vous a permis de vous réconcilier avec vous-même…

Le fait de devenir maman avait déjà bouleversé ma vie: je n’étais plus le centre de ma propre vie. Mais ce combat contre la maladie fut un tsunami qui a balayé tout sur son passage: mes habitudes, mes certitudes. Il a remis mes valeurs en perspective. Ce qui me semblait dramatique auparavant a désormais beaucoup moins d’importance…

Pourquoi ce livre? C’était un besoin pour vous?

Pas vraiment pour moi, non, car j’avais déjà pu m’exprimer à travers les réseaux sociaux et recevoir le soutien dont j’avais besoin. Je l’ai écrit pour les parents d’enfants atteints de cardiopathie, en espérant qu’il puisse semer une petite graine d’espoir dans les moments de doute et d’angoisse. Je pense que j’ai le devoir de le faire. Aider d’autres personnes – également à travers l’association Petit coeur de beurre, dont je suis la marraine, et qui m’amène à rencontrer et soutenir des familles touchées par la même maladie –, c’est une façon de remercier la vie et les gens qui ont permis que mon fils soit heureux et guéri aujourd’hui.

LA TÉTRALOGIE DE FALLOT, C’EST QUOI?

Un bébé sur 100 naît avec une malformation cardiaque, «ce qui en fait la malformation de naissance la plus fréquente», explique le professeur Stéphane Moniotte, cardiologue pédiatrique aux Cliniques Universitaires Saint-Luc. Ces malformations sont diverses, mais dans 10 % des cas, il s’agit d’une tétralogie de Fallot. «C’est un ensemble de quatre problèmes, explique le professeur Moniotte: une communication entre les deux ventricules, un rétrécissement de l’artère pulmonaire, une hypertrophie du ventricule droit et des branches pulmonaires trop petites. Le traitement consiste en une opération dans les premiers mois de vie. C’est une chirurgie assez classique pour les hôpitaux universitaires, avec un risque de mortalité de l’ordre de 2 %.» On en sait peu sur les origines de ces malformations. «C’est généralement une malchance, dit le professeur Moniotte. Ou une anomalie génétique (sur le chromosome 22), mais dans ce cas, la cardiopathie est souvent un problème parmi d’autres.» Après l’opération réparatrice, la vie reprend son cours sans précaution majeure, si ce n’est un suivi cardiologique chaque année et une bonne hygiène de vie générale.

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