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Témoignage: «On m’a volé mon identité»

Céline pensait avoir subi un petit cambriolage sans importance… Mais les malfrats lui ont volé son identité. Pour en faire quoi? Des arnaques au crédit, du trafic de drogue, du blanchiment d’argent… Accusée de tous ces méfaits, la jeune maman va connaître une descente aux enfers!

«Quand je suis sortie de chez moi, ce matin-là, ce n’était que pour quelques minutes. Nous avions trouvé un chouette appartement au centre-ville, un rez-de-chaussée avec jardin, idéal pour notre petite fille qui commençait à marcher. Ce matin-là, je devais la déposer à la crèche puis faire quelques courses dans le quartier. J’avais juste pris ma carte de banque et mes clés. De retour à la maison, j’ai rangé tranquillement mes courses, puis j’ai voulu consulter mes mails. Mais où était mon PC portable? En le cherchant, je me suis aperçue que mon portefeuille avait également disparu… Oh non, j’avais été cambriolée! Les voleurs étaient entrés par l’arrière, côté jardin. Ils avaient forcé un châssis sans même l’abîmer. Un travail de pro. Mais ils n’avaient pas emporté grand-chose. Mon portefeuille était vide, je devais juste aller faire refaire ma carte d’identité…

Une spirale infernale

Six mois plus tard, ce cambriolage n’était plus qu’un mauvais souvenir. A vrai dire, je n’y pensais même plus. Jusqu’au jour où j’ai reçu un appel de ma banque. Je connaissais bien la conseillère et j’ai tout de suite entendu qu’elle était contrariée. ‘Madame, vous avez ouvert un compte dans une autre banque!’ De quoi me parlait-elle? ‘J’ai reçu une alerte m’indiquant que vous êtes fichée. Vous avez fait plusieurs paiements sans provision au départ de ce compte…’ J’étais sous le choc. ‘Non, je vous assure! Je n’ai qu’un seul compte en banque, et il est dans votre agence!’ Puis, tout à coup, j’ai repensé au cambriolage… C’était bien là l’origine du problème: une dame s’était rendue dans une agence bancaire avec ma carte d’identité volée, elle avait ouvert un compte à mon nom, avait obtenu une carte à mon nom et l’utilisait pour faire des paiements sans provision. On m’avait volé mon identité! Ma banquière m’a expliqué les premières conséquences pratiques. Comme j’étais fichée, elle devait supprimer tous mes moyens de paiement et il n’était plus question qu’aucune banque me prête quoi que ce soit. Si je devais faire face à un gros imprévu, tant pis! Ce n’était que le début des ennuis… Quelques semaines plus tard, j’ai reçu un courrier à propos du non-remboursement de crédits à la consommation. Mes cambrioleurs, avec ma carte d’identité et le compte en banque ouvert à mon nom, avaient souscrit toute une série de crédits en ligne. Il faut normalement fournir divers documents, mais les organismes prêteurs ne sont pas toujours très regardants. Au total, j’avais sept crédits pour plus de 25 000 euros! Et aux yeux des prêteurs, j’étais entièrement responsable. J’ai dû faire des tas de démarches, épaulée par une avocate, pour prouver encore et encore que ma carte d’identité m’avait été volée et que tout était parti de là. C’était terriblement stressant. J’avais l’impression d’être prise dans une spirale infernale. Que ça ne s’arrêterait jamais. On m’a expliqué que pour les crédits, c’était probablement terminé. Les malfaiteurs avaient fait un usage intensif de mon compte en banque pendant quelques mois, jusqu’à ce que le pot aux roses soit découvert. Maintenant que j’étais fichée, ils ne pouvaient plus rien faire de ce côté. Par contre, ils n’avaient sans doute pas fini d’utiliser mon identité…

Comme dans les films

On m’a conseillé de faire bloquer mon état civil. Comme je suis célibataire et de nationalité européenne – française en l’occurrence –, mes papiers pouvaient être utilisés pour un mariage blanc. Ils seraient revendus très cher à une personne en situation illégale qui, en ‘m’épousant’, aurait plus de chances d’obtenir un titre de séjour. Je risquais donc d’être mariée à mon insu! Au cours de mes démarches, j’ai rencontré une personne à qui c’était arrivé: lorsqu’elle avait entamé les formalités pour son mariage, l’administration lui avait répondu qu’elle était déjà mariée! Une fois les problèmes bancaires réglés et l’état civil bloqué, je me suis dit que j’étais tranquille. Eh bien, non! J’ai commencé à recevoir des amendes pour excès de vitesse et stationnements impayés. Une vingtaine au total. Je n’ai pas de voiture, pas même de permis… Un vendredi soir, le téléphone a sonné. La brigade des stupéfiants! ‘Madame, on veut vous voir lundi!’ Mais que me voulaient-ils? Si la femme qui se faisait passer pour moi était une délinquante, j’avais un casier judiciaire! Quel cauchemar! J’étais hyper-stressée. Mon compagnon a proposé de venir avec moi, mais il a dû rester dans le hall d’entrée. J’ai été emmenée à l’arrière, dans d’interminables couloirs. Ça ne ressemblait pas à mon commissariat de quartier, c’était comme dans les films. Le policier m’a regardé droit dans les yeux: ‘Vous avez intérêt à dire la vérité, sinon c’est la garde à vue…’ – ‘Mais vous vous méprenez, Monsieur, je suis une victime. On m’a volé mon identité…’ Il m’a alors montré une série de photos. Des hommes, des femmes. A voir leur tête, ce n’étaient pas des enfants de choeur. ‘Monsieur, j’ai été cambriolée…’ Il ne voulait rien entendre. ‘On travaille sur un gros réseau. Trafic de drogue et blanchiment d’argent. On a perquisitionné dans un hangar. On a retrouvé un permis de conduire et une carte grise à votre nom… Vous êtes sûre que vous ne connaissez aucune de ces personnes?’ Il a bien vu que je ne connaissais pas ces gens-là! ‘Vous pourriez aussi être prête-nom…’

– ‘Excusez-moi, je ne sais même pas ce que c’est, prête-nom…’

– ‘Vous pourriez avoir vendu vos documents à des gangsters pour les aider à brouiller les pistes…’

– ‘Non, non, non, je n’ai rien fait de tout ça!’

Malheureusement pour moi, les indices se recoupaient. L’une de mes amendes pour parking impayé était juste devant le hangar perquisitionné. La carte grise à mon nom était celle d’un scooter utilisé pour un braquage. Et l’un des crédits à la consommation avait probablement servi à acheter une voiture d’occasion pour un transport de drogue… Malgré tout, le ton des policiers s’est radouci peu à peu, mais j’ai eu la peur de ma vie!

Victime mais suspecte

Ça va s’arrêter où, cette histoire? J’ai souvent pensé que mon nom pourrait apparaître dans un dossier de terrorisme. J’ai 32 ans, je suis maman d’une petite fille, je travaille comme réceptionniste… Je n’ai rien à voir avec tout cela! Mais si cette femme qui utilise mon nom tue quelqu’un, je deviens une meurtrière! Un vol d’identité, ce n’est pas un vol banal. Toute ma vie a été chamboulée. Je dois sans cesse prouver ma bonne foi, m’expliquer, me justifier. Je suis victime et je passe pour suspecte. Je suis tout le temps stressée. Je vérifie dix fois par jour si j’ai bien ma carte d’identité. J’ai la boule au ventre lorsque j’ouvre un courrier. Je suis angoissée chaque fois que j’ai un contact avec l’administration. Quand un magasin me demande ma date de naissance pour me proposer une carte de fidélité, je m’enfuis en courant. Je suis dans la méfiance permanente. Dans la paranoïa, parfois. C’est usant. A un moment, je me suis même dit que ma vie était fichue… Deux ans après le cambriolage, je commence quand même à voir le bout du tunnel. Les malfrats semblent m’avoir un peu oubliée, sans doute sont-ils passés à d’autres papiers volés. Mais je ne sais pas si je pourrai avoir un jour l’esprit complètement tranquille… C’est une histoire de dingue, mais cela peut arriver à n’importe qui.»

Texte: Christine Masuy

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