Reconversion professionnelle: Emmanuelle a créé son emploi pour adapter sa vie aux besoins de ses enfants

Par Tatiana Czerepaniak

S’il est de coutume de choisir son métier assez jeune, il n’est pas rare que ce choix devienne un poids lourd à porter au fil des années. Certains se retrouvent alors dans le cercle peu vertueux de la démotivation professionnelle.

Ce fardeau, ces femmes que nous avons interviewées ont décidé d’en faire un tremplin pour se reconvertir professionnellement. Aujourd’hui, et malgré un chemin parfois compliqué, elles ont retrouvé le sourire en changeant de voie. Pour ce troisième portrait, nous évoquons le chemin d’Emmanuelle qui, suite au handicap d’une de ses filles et d’un burn-out, a créé son emploi afin d’être plus présente pour ses quatre enfants.

Créer un emploi sur-mesure pour vivre au mieux le handicap de sa fille

Emmanuelle a 35 ans et est l’heureuse maman de 4 enfants âgés de 10, 8 et 2 ans. La grossesse gémellaire de ses filles de 8 ans et le handicap de l’une d’entre elle a bouleversé le quotidien de sa famille, au point où Emmanuelle a sombré dans le burn-out. Depuis, elle a créé son propre emploi afin de trouver un équilibre plus juste pour se préserver elle et sa famille.

“J’ai toujours aimé changer d’emploi. Pendant plusieurs années, j’ai accumulé les expériences professionnelles mais avec le recul je crois que j’étais déjà à la recherche d’un équilibre autant qu’un job qui m’anime, qui a du sens. Pendant tous ces changements professionnels, j’ai vécu une première grossesse qui fut assez simple à gérer. Mais après ma deuxième grossesse – à la naissance des jumelles – les choses se sont vraiment compliquées. Assez rapidement, on a remarqué qu’une de nos filles avait un problème d’évolution, mais on n’osait pas se le dire mon mari et moi. On observait nos deux filles et on voyait bien que si l’une grandissait bien, l’autre n’évoluait que très peu: elle ne babillait pas, ne nous regardait pas, n’avait que peu d’interactions… Mais entre nous, il y avait comme une sorte de non-dit.

Un jour, ma sœur – qui est logopède – est venue nous rendre visite, et après avoir observé mes filles toute la journée, m’a avoué qu’elle pensait que l’une d’entre elles avait un problème. Elle avait peur de nous choquer, mais cela été un véritable soulagement. Cela a ouvert le débat entre mon mari et moi et nous avons décidé d’aller voir des médecins pour comprendre où était le souci. C’est là qu’a commencé la valse des spécialistes, des rendez-vous médicaux, des heures perdues en salle d’attente. La vie a alors pris une tournure bien compliquée”.

Un diagnostic plusieurs mois plus tard

“Nos filles ont presque 3 ans lorsque le diagnostic tombe: c’est d’une maladie génétique dont notre fille souffre, le syndrome de Rett. C’est un trouble assez rare, mais qui a de graves implications. On nous explique que notre fille sera polyhandicapée à vie, qu’elle ne parlera jamais et ne marchera pas. Forcément, c’est un peu le monde qui s’écroule sous nos pieds, et en même temps, mettre des mots est une sorte de soulagement. Pendant tout ce temps, je travaille à mi-temps et je fais en sorte de mener de front vie de mère, vie de famille, vie professionnelle et vie de couple.

Mais mon mari déclare des soucis de santé et je me retrouve à tout prendre en charge. Je suis une battante alors j’avance. Je ne m’arrête jamais: je vais travailler, je m’occupe de mes trois enfants dont de ma fille et de ses besoins spécifiques dus à son handicap, de la maison, de mon mari, etc. On me propose de travailler à temps plein et j’accepte, parce que vraiment, on a besoin d’argent. Je me dis que je passerai en 4/5ème ou à mi-temps dans un an, et qu’entre temps je vais m’accrocher. Sauf que mes filles entrent à l’école maternelle, et qu’au sein de l’enseignement classique, il y a très peu de prise en charge pour les enfants handicapés en extra-scolaire: pas de garderie ou presque, pas de stages pendant les vacances, pas de prises en charge des besoins… C’est donc beaucoup de stress en plus. Un stress que j’ai bien du mal à gérer”.

De grosses douleurs comme déclic

“Un jour, je tombe moi aussi malade. Je déclare fortes douleurs au niveau de l’estomac et je souffre tellement que je reste clouée au lit. Je fais des examens médicaux et on ne me trouve rien, pourtant j’ai mal, très mal. Mon médecin traitant s’inquiète et continue de me prescrire des analyses. Un soir, la directrice de la crèche où étaient mes filles m’annonce qu’elle pourra prendre soin d’elles pendant les vacances scolaires. Le lendemain matin, je n’ai plus mal nul part et je vais tellement mieux que je contacte ma doctoresse pour lui dire d’annuler les rendez-vous médicaux.

Elle est très étonnée de cette soudaine guérison et creuse un peu. Elle me demande s’il s’est passé quelque chose de spécial, de nouveau qui se serait déroulé. Je lui explique qu’à part la bonne nouvelle que j’ai reçue hier soir concernant la garde de mes filles pendant les vacances, il n’y a rien eu de spécial… Et là, c’est pour elle comme pour moi le déclic: je suis en plein burn-out et mon corps me dit qu’il est temps d’arrêter, qu’il ne suit plus. En faisant le pensum de ma vie, je comprends combien je suis mise sous pression entre le boulot, nos trois enfants, la maison, les rendez-vous médicaux et le handicap de ma fille”.

Un nouveau bébé et un projet en vue

“Je continue malgré tout de travailler car si j’arrête, je n’ai droit à rien: ni d’indemnité de chômage, ni en tant qu’aidante à une personne handicapée, puisque rien n’est prévu pour les parents d’enfants aux besoins spécifiques. Heureusement, mon contrat prend fin et je retrouve un autre emploi à mi-temps. Mes horaires me permettent alors d’être moins stressée, mais caser les rendez-vous médicaux est toujours compliqué, et je m’ennuie beaucoup au travail… mon emploi manque de sens à mes yeux. Je commence alors à réfléchir à créer moi-même mon emploi. Un job sur-mesure où je pourrais me sentir utile, alignée, tout en pouvant gérer cette vie de famille atypique.

Je tombe ensuite enceinte de mon quatrième enfant. Je suis écartée et c’est l’occasion pour moi de me pencher vraiment sur un projet professionnel. Je lis beaucoup de textes de lois sur la création d’entreprise et je commence à créer mon propre business plan. Ayant fait des études dans les relations publiques et ayant toujours travaillé dans le domaine administratif, je fais la liste de mes compétences mais, surtout, de mes valeurs et de mes besoins. Avant mon accouchement, je décide de créer ma boîte d’aide administrative pour les indépendants, PME et pour les particuliers. Il faut dire que j’ai toujours été quelqu’un de très organisé et j’aime aider, conseiller, gérer l’administratif… alors que certaines personnes ont horreur de faire ça. J’accouche en 2018 et je développe mes activités professionnelles dans la foulée.

Je commence par lancer la communication autour de mon projet pro: le site, les réseaux sociaux, etc. En janvier 2020, je lance mon activité et je trouve mes premiers clients… Les choses décollent doucement mais je récolte beaucoup d’avis positifs sur mon travail et c’est très encourageant! Le bouche à oreille se met en place et mon organisation aussi: je fais mes horaires en fonction des besoins de mes quatre enfants, et surtout selon ceux de ma fille handicapée et ses besoins spécifiques: les activités sportives de tous, les rendez-vous médicaux, les impératifs. Je suis présente pour eux et utile au travail. Je travaille avec des horaires un peu spéciaux: tôt le matin, tard le soir, dans les salles d’attentes… mais je suis tellement plus présente pour ma famille que je ne souffre plus du tout de stress”.

Aujourd’hui, Emmanuelle se sent à sa place

Après 18 mois de ce nouvel emploi qu’elle a créé sur-mesure, Emmanuelle est formelle: elle est apaisée par ce nouveau rythme. Elle peut désormais concilier vie de mère, de femme et vie professionnelle. Elle n’a plus aucun problème de santé et s’épanouit comme jamais dans sa nouvelle vie. Et si elle a laissé une certaine sécurité financière et elle doit se battre pour faire tourner son activité, elle se sent à sa place. Pour elle, ce pari risqué vaut le coup, à n’en pas douter!

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