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Parole d’expert: est-il préférable pour les enfants d’avoir des parents séparés et heureux qu’en couple et malheureux?

Par Tatiana Czerepaniak
En Belgique, près d'un mariage sur deux se termine par un divorce. Reste à savoir comment le vivent les enfants issus d'un couple divorcé, et surtout s'il est préférable pour eux d'avoir des parents séparés et heureux plutôt que malheureux et en couple. Un expert tente de répondre à cette question.

Lorsque rien ne va plus avec le père de ses enfants et qu’une maman pense à la séparation ou décide de se séparer, c’est tout un monde qui s’écroule. Une grande question revient souvent: “Est-il préférable pour un enfant d’avoir des parents séparés et heureux qu’ensemble dans une relation malheureuse?”. Et à cette question, chaque personne, séparée ou non, à sa réponse. Elle est souvent subjective et empreinte de sa propre réalité personnelle et familiale. Nous avons interviewé Claudio Abayuba Godoy, thérapeute familial en région bruxelloise, afin qu’il nous donne son avis sur le sujet.

Notre expert répond à cette question tabou

“Il est tout d’abord important de noter l’évolution du couple. On constate en effet une augmentation du nombre de séparations. Et cela touche l’ensemble de la société contemporaine, quels que soient le niveau social ou économique, la culture et les croyances. Ce qu’il faut y comprendre, c’est que couple et la vie de famille comme “structure” manifeste n’a plus le même poids social qu’auparavant.

Notre culture contemporaine nous pousse aujourd’hui à faire le ‘bon choix’, le ‘meilleur possible’, pour nous et notre bonheur, alors que, durant plusieurs siècles, le concept d’unité familiale était plus fort, prêt à affronter vents et marées. Un problème de couple ne se résout donc plus comme avant, en faisant des enfants (ces fameux bébés pansements). Les enfants n’ont plus à porter sur leurs épaules le poids des parents. Il est aussi vrai que dans notre société actuelle, les parents célibataires ne sont plus stigmatisés, ou en tout cas beaucoup moins. Je pense que cela explique le nombre de séparations en augmentation.

Dans ma pratique au sein d’une unité infanto-pédopsychiatrique, je me positionne pour ma part du côté de l’enfant et de son épanouissement, peu importe la situation familiale. L’adulte doit se montrer comme étant une figure d’attachement sécurisante et, normalement, œuvrer pour l’épanouissement de sa progéniture. Dans une relation dite normale, la transmission des valeurs se fait en forme de sablier: du haut (les parents), vers le bas (les enfants). Cependant, dans certains cas de figure où les parents sont en souffrance, c’est l’enfant qui joue hélas la fonction de rassurer les générations supérieures. Dans d’autres cas, plus extrêmes, c’est l’enfant qui est mis à une place qui n’est plus la sienne. Nous pouvons alors parler de parentification, d’enfant roi, etc. Quelle que soit la situation familiale, la stabilité psychique de l’enfant doit être au centre de l’attention des parents. Cela est primordial pour qu’il puisse bien se construire”.

Comment les enfants perçoivent la séparation de leurs parents?

“En vérité, une séparation peut être vécue de mille manières différentes, en fonction de l’âge de l’enfant, mais aussi de ses ressources personnelles et du système familial dans lequel il vit. La perception de l’enfant dépendra notamment de l’âge qu’il a lors de la séparation. Par exemple, un enfant en bas âge qui n’a jamais connu ses parents en couple ne saura pas se positionner sur la question n’ayant pas de souvenirs de ses parents ensemble. Dans tous les cas, je crois que ce la chose la plus importante dont nous devons tenir compte, c’est la relation parentale au-delà de la situation de couple. Une séparation reste toujours un événement délicat, même pour le parent qui prend la décision de partir. N’oublions pas que l’enfant reste le fruit de l’amour entre deux personnes. Il est primordial de ne pas mettre l’enfant dans une position impossible qui l’obligerait à regarder à gauche et à droite simultanément, qu’il doive choisir entre l’amour qu’il porte à son père et à sa mère. Il doit pouvoir parler librement de l’un à l’autre, et inversement, sans avoir peur des mauvais mots. Les adultes doivent donc éviter au maximum de mettre l’enfant devant les enjeux des grands. Un enfant n’a pas à prendre position.”

Le bonheur du parent suffit-il à l’enfant pour se relever d’une séparation parentale?

“Une personne heureuse est, normalement, une personne qui présente une certaine forme de sérénité. Et donc, un parent heureux, séparé de l’autre parent ou non, sera plus disponible et à l’écoute de l’enfant. De ce fait, il sera plus en adéquation avec les besoins de ce dernier. Cependant, ce bien-être est intimement lié à ‘l’ambiance’ de la séparation. Il n’est en effet pas toujours facile pour certains parents d’accepter la nouvelle configuration familiale. Mais il est clair que des parents qui vivent dans le bonheur depuis la séparation seront plus en accord et en lien avec la situation. Leurs enjeux seront communs et allant vers un but spécifique: l’enfant et son besoin de grandir dans un cadre de vie bienveillant et sécurisant. Donc oui, je pense que le bonheur des parents même séparés est lié en partie au bon développement de l’enfant”.

Quel est l’impact du bonheur des parents sur l’enfant? 

“L’impact me semble surtout être lié aux enjeux interpersonnels des adultes. Si les parents évoluent dans un environnement sain, bienveillant et soutenant, l’enfant aura de fortes chances de bien grandir, même si ses parents sont séparés. Notre premier miroir des enjeux humains est la relation avec nos figures d’attachement (parents ou enfants). Et nous avons parfois tendance à reproduire ce que nous avons vécu. Attention, cela ne veut pas dire que si l’on est battu, on sera un parent violent et autre, mais en choisissant de transmettre le bonheur, on donne un outil parmi tant d’autres à notre enfant de pouvoir évoluer dans de bonnes conditions. Et à ce niveau, nous ne parlons pas de milieu socio-économique, mais d’une manière d’aborder la vie et ses défis.”

Comment inculquer le bonheur à nos enfants?

“Il n’y a pas de recette miracle pour la bonne transmission de cette valeur. Chaque parent essaye de faire du mieux qu’il peut, avec ses moyens. S’il y avait une manière de faire, la vie serait bien plus simple (rires). Nous ne sommes pas des robots ou des applications, nous sommes des êtres humains, avec notre libre-arbitre et nous sommes tous différents. Ce qui veut dire que chaque individu finira par prendre les valeurs des générations supérieures, les assimilera, et finira par construire ses valeurs, basées ou pas sur celles transmises. Le rôle de l’adulte est surtout de transmettre les bons outils pour que l’enfant puisse être chaque jour une meilleure version de lui-même. Le bonheur se construit avec le temps, ce n’est pas un état inné ou constant.”

Quelle vision du couple les enfants auront-ils plus tard, s’ils sont issus de parents séparés?

Il est possible que cela joue un rôle dans leur vision du couple, au même titre que les contes que l’on lit aux enfants le soir, avec leur magnifique fin ‘Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants’, participent au formatage que nous subissons depuis notre plus jeune âge (les univers merveilleux des dessins animés sont totalement sortis de la réalité de nos vies modernes).

Cependant, même si les enfants sont des éponges, il est important de leur faire comprendre que nous sommes avant tout acteurs de nos vies. Il serait triste de croire à 100% à la prédestination. Il ne faut pas non plus oublier les ressources qui peuvent entourer le couple parental, même s’ils ne forment plus un couple conjugal. C’est là que tout se joue. Si un enfant vit avec des parents séparés, mais qui restent un couple parental pour le bien de leurs enfants, il y a fort à parier que l’enfant ne manquera ni d’équilibre ni d’amour. N’oublions pas non plus l’environnement dans lequel évolue nos enfants, où ils pourront trouver leurs ressources hors de la famille proche. Cela peut être chez des amis, chez ses grands-parents, chez un parrain et une marraine… Tout cela lui offrira un tas de modèles de familles bien différentes, dans lequel il puisera ce dont il a besoin.”

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